Dès 2021, 10.000 Bruxellois invités à décider avec les députés
Coup d’accélérateur pour la démocratie participative dans la capitale. Dès octobre, les suggestions citoyennes seront possibles.
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- Publié le 10-07-2020 à 06h56
- Mis à jour le 10-07-2020 à 08h29
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Citoyens bruxellois, à vos boîtes aux lettres ! Et n’allez pas confondre la missive réceptionnée avec un énième tract électoral destiné illico à finir à la poubelle. Dès janvier 2021, vous pourriez en effet faire partie des 10 000 résidents bruxellois de plus de 16 ans tirés au sort et invités par les autorités publiques à prendre part au débat démocratique. Oui, vous lisez bien ! Et, précisons-le d’emblée, il ne s’agit pas ici d’une obligation légale, comme on la connaît actuellement dans notre pays pour les jurés des procès d’assises. C’est une invitation.
Pour faire clair, vous pourriez recevoir un courrier émanant du Parlement francophone bruxellois (dit aussi "Cocof") ou du Parlement régional vous invitant à débattre, aux côtés des parlementaires, d’un sujet de société. "Toutes les thématiques, qu’elles soient éthiques, économiques, sociales, environnementales ou encore budgétaires, peuvent être abordées au sein de cette commission délibérative mixte", cadre d’emblée Magali Plovie (Écolo), présidente du Parlement francophone bruxellois et porteuse du projet. En cas d’intérêt pour la problématique émise (ex. : l’obésité infantile, le logement, la mobilité, le travail de mémoire…), un retour favorable de votre part vous donne accès à un second tour de tirage au sort. "Sur base des réponses positives, l’idée est alors d’appliquer des critères de sélection (langue, genre, profession, niveau socio-économique…) visant à obtenir in fine un échantillon représentatif de la population bruxelloise", expose l’écologiste. Les expériences en matière de démocratie participative, observables dans certains pays voisins, montrent en effet qu’il s’agit souvent des mêmes individus qui manifestent de l’intérêt pour ce genre de démarche. "Les personnes en situation de grande précarité, celles qui n’ont pas un niveau de formation élevé, les familles monoparentales sont souvent bien éloignées de la participation", déplore-t-elle.
Pas de question "pour ou contre"
L’inclusion est ainsi le maître-mot de ce projet de commissions délibératives mixtes, désormais intégré dans le règlement des deux assemblées bruxelloises. À l’issue du second tirage au sort, ce sont in fine 45 citoyens bruxellois qui rejoignent les 15 députés en charge d’une problématique donnée. Statistiquement, cela signifie qu’un résident bruxellois aura, au cours de sa vie, deux chances d’être tiré au sort. Trois commissions délibératives mixtes auront lieu par année. Cela représente un budget total de 300 000 euros. Elles seront encadrées par un comité d’accompagnement composé, pour partie, d’académiques.
Les sujets débattus ne seront pas choisis au hasard : ils émaneront soit des parlementaires eux-mêmes, soit des citoyens. Pour que la "suggestion citoyenne" soit recevable, elle doit recueillir au minimum 1 000 signatures (à partir de 100, il sera possible de la déposer sur une plateforme numérique et de l’ouvrir à toute signature). La thématique abordée ne peut jamais être formulée selon une logique "pour ou contre", en mode référendum. Il doit s’agir d’une question ouverte qui ouvre le débat. Si une suggestion citoyenne, en bonne et due forme, est refusée par les parlementaires, ces derniers sont tenus de motiver leur décision.
En cas d’acceptation, le processus se décline alors en quatre temps au minimum (à concurrence de quatre samedis et de 34 euros de défraiement par jour pour chacun des 45 tirés au sort) : un jour d’information et de vulgarisation sur la problématique abordée, un jour d’audition d’experts scientifiques et d’experts du vécu, un jour de débats en petits et grands comités et, enfin, un jour pour la formulation des recommandations et pour le vote final.
Une révision constitutionnelle nécessaire
Fait notable : le vote est public et décisionnel pour les 15 députés tandis qu’il est secret et consultatif pour les 45 citoyens. La Constitution belge ne permet en effet aucunement de donner un pouvoir décisionnel au citoyen. Comprenez : il faudrait réviser la Loi fondamentale pour changer la donne. Si certaines recommandations citoyennes sont rejetées, elles doivent ainsi faire l’objet d’une motivation dans le chef du politique.
En bout de processus, ce sont d’ailleurs les 15 députés attitrés qui sont chargés d’assurer le suivi de l’ensemble des recommandations. Ils peuvent décider d’en faire un projet de texte légal, une résolution ou encore une interpellation ministérielle. Six mois plus tard, les 45 citoyens sont invités à commenter le produit fini. Leurs remarques sont compilées et présentées en séance plénière de l’assemblée concernée.
Sauf retournement de situation, ce processus novateur devrait être validé sans peine ce vendredi en plénière du Parlement francophone bruxellois.