Des divergences à tous les étages et un sujet qui fâche: la route vers la Vivaldi reste semée d’embûches
Le CD&V a ouvert une porte au fédéral, mais les discussions sont difficiles. Au coeur du problème: l'IVG. Plus globalement, des divergences à tous les étages hypothèquent la Vivaldi.
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Publié le 03-09-2020 à 21h27 - Mis à jour le 04-09-2020 à 09h03
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Un nouveau gouvernement fédéral est-il en vue, 467 jours après les élections ? Un pas important a été franchi, mercredi soir, par le président du CD&V, Joachim Coens. Durant l’émission Terzake, il a affirmé que son parti n’exigeait plus que la future coalition fédérale dispose d’une majorité au sein de son aile flamande. De manière indirecte, le démocrate-chrétien annonçait que le CD&V accepterait de gouverner sans la N-VA, nécessaire arithmétiquement pour obtenir une majorité dans le groupe néerlandophone à la Chambre.
La voie est donc dégagée pour la Vivaldi (ou "Avanti", selon l’expression utilisée par Coens), cette formule qui associerait les trois familles politiques de l’arc-en-ciel (socialistes, libéraux, écologistes) et le CD&V. Cela tombe bien : ce vendredi, Egbert Lachaert, le président de l’Open VLD, doit se rendre au palais afin de faire rapport au Roi. L’actuel chargé de mission royal tente depuis plusieurs jours de jeter les bases d’un préaccord entre les formations de la Vivaldi pouvant déboucher sur un processus de formation gouvernementale.
Querelles entre libéraux et socialistes
Malgré l’ouverture créée par le CD&V, sabrer le champagne serait prématuré. Egbert Lachaert devra sans doute demander une nouvelle prolongation de sa mission au Roi. "Il reste encore beaucoup de travail", confie l’un des acteurs principaux des discussions fédérales. Réunis jeudi après-midi, les présidents des formations de la Vivaldi, rejoints par le CDH à la demande du CD&V, ont tenté de s’accorder, mais en vain. Une nouvelle "table ronde" est prévue ce vendredi matin afin de trouver un terrain d’entente.
Où cela coince-t-il ? Presque partout. Des divergences importantes continuent d’opposer les socialistes aux libéraux sur le plan socio-économique. Dans les médias, Conner Rousseau, le président du SP.A, a estimé qu’il serait de bon ton de taxer les plus-values boursières, mais cette idée est rejetée par les libéraux, hostiles à toute augmentation de la pression fiscale. Du côté du PS, on a également du mal à jeter aux oubliettes les mesures sociales négociées cet été entre Paul Magnette et Bart De Wever lorsqu’un gouvernement PS/N-VA était en vue.
Blocage des verts sur le nucléaire
Les demandes du clan écologiste ont également suscité des tensions. Surtout sur le volet "sortie du nucléaire", les verts se montrent inflexibles. "Ils sont beaucoup trop radicaux sur l’énergie. Il faut d’abord être certain que le prix de l’électricité pour le consommateur et l’industrie reste supportable", explique une source. "Écolo s’obstine sur le nucléaire et formule ses exigences avant même de démarrer la moindre négociation", déplore un autre informateur.
Quant au CD&V, il doit être rassuré sur plusieurs points importants. En particulier, sur le volet éthique du futur accord de gouvernement. Mercredi soir, Joachim Coens a insisté sur un breekpunt (point de rupture) dans les discussions : la proposition d’assouplissement de la loi sur l’avortement actuellement sur la table est inacceptable pour le CD&V. Il est question, entre autres, d’allonger jusqu’à 18 semaines le délai maximal prévu pour demander l’IVG. "Le CD&V ne veut rien entendre", déplore un négociateur.
Le "16" pour rassurer le CD&V
Si cette proposition de loi (émanant du PS) était maintenue, il s’agirait d’un casus belli. Onbespreekbaar… Les démocrates-chrétiens gardent un souvenir douloureux du gouvernement "arc-en-ciel" (libéraux, socialistes, écologistes, soit ses partenaires putatifs au sein d’une Vivaldi) mis en place en 1999 et marqué par une vision dite "progressiste" et d’inspiration laïque dans les dossiers éthiques.
Le CD&V ne veut pas constituer un simple appoint aux partis de l’ancien arc-en-ciel qui imposeraient leur agenda sur des points aussi sensibles. "On a vraiment un problème sur la question de l’IVG", confirme un président de parti. Toutefois, Egbert Lachaert a bien compris cet enjeu. Il y a quelques jours, il a proposé à l’égard des projets en matière éthique "une formulation susceptible de rassurer le CD&V", explique un négociateur fédéral. Une méthode de travail a été imaginée par l’émissaire royal pour déminer le chapitre IVG.
Dans le but d’amadouer le CD&V, ses partenaires pourraient lui proposer de renouer avec les vieilles habitudes de la politique belge en récupérant le poste de Premier ministre. Il se dit que les démocrates-chrétiens flamands en ont envie. Si ce deal devait se réaliser, qui succéderait alors aux Wilfried Martens, Jean-Luc Dehaene, Yves Leterme et autres Herman Van Rompuy ? Trois noms émergent clairement : Joachim Coens lui-même, Koen Geens, l’actuel vice-Premier ministre CD&V, et Hilde Crevits, la très populaire ministre flamande de l’Économie.
Wilmès formatrice ?
Toutefois, la messe n’est pas dite. Satellisée au "16" en octobre 2019, après avoir traversé la crise sanitaire à la barre de la maison Belgique, Sophie Wilmès (MR) a désormais une stature de femme d’État. Alors que notre pays va probablement devoir affronter une récession économique, est-ce vraiment le moment de sacrifier la Première ministre sur l’autel de la Realpolitik ? À l’inverse du scénario qui placerait un CD&V au 16, rue de la Loi, certains envisagent de lancer Sophie Wilmès comme formatrice de la coalition Vivaldi. "Celui qui assumera le rôle de formateur sera le prochain Premier ministre", analyse une source de premier plan.