Réel impact sur l'épidémie ou seul "choc psychologique": pourquoi a-t-on fermé les commerces ?
Le ministre de la Santé est sous le feu des critiques après sa sortie sur les commerces non essentiels.
- Publié le 11-11-2020 à 18h12
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Le ministre de la Santé Frank Vandenbroucke (SP.A) agace. Et pas seulement ceux qui, jusqu’au sein du gouvernement fédéral, estimaient que la fermeture des commerces jugés non essentiels début novembre allait trop loin - lesquels commerces, à quelques exceptions près, rouvrent ce mardi. Une mesure "choc" prise fin octobre qui visait à enrayer la flambée épidémique dont le pays ne voyait pas la fin, et qui finalement n’aura eu, de l’aveu même du ministre, que peu d’effets du point de vue sanitaire. "Faire du shopping ne comportait pas vraiment de risques quand tout était bien contrôlé", a-t-il expliqué ce week-end au micro de la VRT, justifiant cet "électrochoc" par la nécessité d’un impact "psychologique", au moment où tous les voyants épidémiques étaient au rouge écarlate en Belgique.
Une décision politique ?
De quoi faire bondir certaines organisations de défense des classes moyennes (SNI, UCM), qui voient là, au mieux, des propos "malvenus", au pire, "irresponsables".
Dans la majorité, le MR s’est montré particulièrement irrité. "Sa déclaration implique de devoir rendre des comptes, s’est indigné le député Denis Ducarme. Il devra s’expliquer sur une telle communication qui nous indique que les bases scientifiques ne sont pas là."
Même certains experts, à l’image de l’infectiologue Erika Vlieghe, se sont émus des propos du ministre et ont rappelé que la fermeture des commerces non essentiels était une décision "politique". Ce n’est pas complètement faux : d’autres experts avaient remarqué, bien avant la déclaration fracassante du ministre de la Santé, que ce n’est pas le confinement dans sa version la plus stricte, c’est-à-dire avec la fermeture des commerces, qui a provoqué la diminution des transmissions.
Un rapide coup d’œil aux données publiées par Sciensano le confirme : la courbe des contaminations commence à chuter dès le 27 octobre (on en comptait plus de 22 000 par jour à l’époque) et celle des hospitalisations atteint son pic le 3 novembre (879 admissions par jour).
Mauvais timing
Or c’est précisément dans ce laps de temps (le 30 octobre), que le Comité de concertation a acté la fermeture des commerces non essentiels, une mesure "de la dernière chance" selon les propres mots du Premier ministre Alexander de Croo (Open VLD).
Et pour cause : personne n’avait prévu, avant le 30 octobre, que la décrue épidémique était en réalité imminente. Ni les experts (qui l’ont constaté après coup), ni la Celeval, à l’époque en charge de l’évaluation des mesures, ni le RAG (Risk Assessment Group, qui a pris la suite de la Celeval), ni le RMG (Risk Management Group, qui se base sur l’avis du Risk Assessment Group pour décider des mesures devant être prises pour protéger la santé publique).
De façon assez uniforme, tous les rapports qui ont précédé la décision de fermer les commerces non essentiels ont plaidé pour d’importantes restrictions des contacts sociaux, par quelque moyen que ce soit, y compris la fermeture des commerces non essentiels (Celeval, le 29 octobre). Le 29, le RMG appuyait d’ailleurs les recommandations du RAG, qui conseillait "des mesures supplémentaires pouvant avoir un impact sur le nombre de contacts sociaux (sur lesquels les mesures ne semblent pas avoir eu d’effet jusqu’à présent)".
En réalité, les mesures qui avaient déjà été prises commençaient à faire effet, au point de provoquer une décrue dont la rapidité a surpris un certain nombre d’experts, y compris au sein de Sciensano, qui n’a pu que constater, le 12 novembre, "une baisse inattendue", s’expliquant "probablement en grande partie par les mesures déjà prises dans les différentes régions et les mesures nationales du 19 (fermeture du secteur de la restauration) et du 23 octobre (sport, événements culturels et enseignement supérieur)."
Fallait-il rouvrir les commerces à ce moment-là ? La décision eût été ardue, l’impact de la réouverture des écoles demeurant alors inconnu…