Les relations entre la patronne des chemins de fer et le ministre de tutelle sont rompues
Sophie Dutordoir parle de rupture de confiance après que Georges Gilkinet
- Publié le 04-02-2021 à 17h57
- Mis à jour le 05-02-2021 à 10h06
Sophie Dutordoir, patronne de la SNCB, est dans une colère noire. La cible de son courroux : son ministre de tutelle, l’Écolo Georges Gilkinet.
Au cœur du bras de fer qui oppose les deux personnalités, on retrouve la décision annoncée en début de semaine par la SNCB de supprimer, d’ici fin 2021, 44 guichets sur 135 dans les gares du pays. Après cette adaptation, la SNCB ajoutait qu’elle disposera de 16 % de gares avec guichets contre un taux de 13 % en France, de 4 % aux Pays-Bas et de 6 % en Allemagne. Mais cette accélération de la digitalisation des canaux de vente - justifiée selon la SNCB par "les changements des habitudes de ses clients" - a rapidement suscité un certain nombre de réactions négatives dans les rangs politiques et syndicaux mais aussi sur les réseaux sociaux. L’association Navetteurs.be avait également critiqué la mesure. Dans la foulée, le ministre de tutelle a demandé dès mardi à la SNCB et à son conseil d’administration de revoir sa copie.
Une demande qui a mis Sophie Dutordoir hors d’elle. Car, selon l’ex-patronne d’Electrabel arrivée en 2017 à la tête du rail belge, un accord avait été trouvé avec son ministre de tutelle, qui aurait été mis au courant des projets de la SNCB dès le 7 octobre. Plusieurs entretiens et réunions ont suivi, affirme encore Sophie Dutordoir, y compris un conseil d’administration où un commissaire du gouvernement était présent. Une discussion entre la patronne de la SNCB et le ministre aurait enfin encore eu lieu dimanche passé, au cours de laquelle les modalités de la décision auraient été fixées.
Ce mardi, Georges Gilkinet demandait pourtant un "moratoire" sur la fermeture des guichets, en attendant certaines garanties supplémentaires. Pour Sophie Dutordoir, c’en est trop. Comme le révélait la RT BF jeudi, elle a envoyé, en date du 2 février, à son ministre de tutelle un courrier particulièrement salé. En guise d’avertissement au détour de cette phrase : "J’estime que votre nouveau courrier, entre-temps complété par un désaveu public, est incompréhensible tant au niveau du fond que du timing. Cette initiative qui n’a pas été annoncée a provoqué chez moi une rupture de confiance profonde. J’en ferai part au conseil d’administration."
Pas d’administrateur Écolo à la SNCB
Ce jeudi, le ministre Écolo a été sommé de s’expliquer à la Chambre tant sur la fermeture annoncée de 44 guichets que sur la passe d’armes que cette décision a provoquée entre lui et la direction de la SNCB. Georges Gilkinet s’est évertué à mettre le plus de distance entre ce projet de fermeture et lui.
Il a indiqué que la décision avait été préparée sous la précédente législature. Il a affirmé qu’il avait émis des réserves dès qu’il en avait été mis au courant. Il a relevé que le conseil d’administration de la SNCB est composé de membres désignés par la plupart des partis qui l’interpellent mais qu’il ne comporte aucun administrateur Écolo. Il a enfin indiqué que le nouveau commissaire du gouvernement qui porte la voix de l’exécutif au sein du CA de la SNCB n’avait pas encore formellement été nommé le jour où la décision a été prise - fin novembre 2020.
Plus tard dans la soirée, son cabinet a reconnu que des contacts avaient bien eu lieu dimanche entre le ministre et la patronne de la SNCB sur le contenu du communiqué qui serait diffusé le lendemain pour annoncer la mesure. Que, lors de ces contacts, le ministre vert a répété ses réticences, que ces réticences n’apparaissaient pas dans le communiqué final et que c’est à cause de cette absence qu’il a ensuite désavoué la décision publiquement.
Un nouveau conseil d’administration
Georges Gilkinet a aussi confirmé avoir demandé à la SNCB de reconsidérer sa décision pour "éviter une rupture de confiance entre l’entreprise ferroviaire et les usagers". Il s’est dit conscient que ses relations avec la SNCB allaient être tendues dans les prochaines semaines. Mais que "c’était dans l’intérêt du citoyen". Et qu’il ne doutait pas de recevoir, dans son bras de fer avec la direction de la SNCB, "le soutien des partis qui l’interpellent aujourd’hui et qui disposent d’un administrateur au CA de la SNCB".
Que va-t-il se passer maintenant ? Sophie Dutordoir, patronne combative et que l’on dit proche du CD&V, ira-t-elle au bout de sa logique en présentant sa démission, faute d’une courbe rentrante de son ministre de tutelle ? Il est sans doute prématuré à ce stade de répondre à cette question. Mais les prochains jours risquent d’être encore électriques. Mardi prochain, un conseil d’administration extraordinaire est prévu à la SNCB au cours duquel ce dossier explosif sera abordé.