Le CD&V cherche sa voie à droite: des élus locaux relancent le fédéralisme d’union
Des élus locaux, représentant l’aile droite du CD&V, relancent le fédéralisme d’union. De quoi couper l’herbe sous le pied de la N-VA.
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Publié le 15-02-2021 à 06h49 - Mis à jour le 15-02-2021 à 06h50
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Il y a plusieurs demeures dans la maison de mon Père.” Ce verset emprunté à l’évangéliste Jean est bien connu au CD&V. Dans la vie courante, il signifie que toutes les sensibilités sont invitées à s’exprimer chez les chrétiens-démocrates. Mais trouver le juste milieu entre les sensibilités et ses multiples variants, à gauche et à droite, reste un exercice périlleux pour le parti secoué par une crise d’identité qui semble sans fin. Enfin la lumière au bout du tunnel ? Un proche du parti avoue tout bonnement qu’il ne sait plus trop à quel saint se vouer aujourd’hui. Les idées fusent, cela part dans tous les sens… Cacophonie au parti ? Le président du parti Joachim Coens, capitaine en eaux troubles, ne parvient-il plus à garder le cap et à déterminer une stratégie claire, acceptée par l’ensemble de ses membres ? L’équipage du paquebot CD&V se compose d’hommes et de femmes issus d’horizons variés et aux multiples sensibilités.
Retour sur soi-même
À bien y regarder, tous les nez ne semblent pas pointer dans la même direction, c’est le moins que l’on puisse dire. Le contexte du Covid ne facilite rien, certes. Pourtant, le bon sens commun l’emporte, souligne un interlocuteur. Le “juste milieu” fait partie de l’ADN des chrétiens-démocrates flamands. Il est question de valeurs et d’identité, de mission et d’éthique, d’ouverture au monde et de bonne gouvernance. “La bonne gouvernance ne suffit plus pour gagner les élections, nous confie un proche du CD&V. Si on veut récupérer les déçus de la N-VA ou d’autres partis politiques en 2024, il faut d’abord revenir aux racines de la démocratie chrétienne.” Notre interlocuteur se veut constructif : “Se pencher sur notre identité, repenser notre mission à la lumière de ce qui a changé dans notre monde depuis deux ans, c’est logique et légitime. Cela se fait dans nos pays voisins, il est bon de remettre les pendules à l’heure régulièrement”, résume notre source. Autre son de cloche en provenance de la base : “La réflexion dure trop longtemps, il faut se lancer.” Ou encore : le découragement. Comme le soulignait récemment Rik Torfs, ancien recteur de la KU Leuven qui fut un temps député CD&V, l’indignation a ses limites, ne cédons pas trop vite au “déclinisme”. Mieux vaut voir le verre à moitié plein qu’à moitié vide. Le CD&V a somme toute réussi à décrocher trois portefeuilles ministériels au fédéral et autant en Flandre.
À tribord toute !
Les vents contraires proviennent maintenant du fond des campagnes flamandes. Cette fois, les lumières clignotent du côté… droit. Koen Geens, Pieter de Crem ou encore Hendrik Bogaert font partie de l’aile droite du parti. Mais ce sont des élus locaux qui aujourd’hui montent en chaire. Que veulent-ils ? Avoir plus d’impact notamment sur le front fédéral. Fédéré en un mouvement baptisé “Stuurboord” (Tribord), il se compose d’une vingtaine d’élus parmi lesquels des entrepreneurs et des conseillers communaux et aussi la bourgmestre de Dixmude Lies Laridon. La Libre a contacté Ward Kennes, le bourgmestre de Kasterlee qui est aussi président de la section provinciale du CD&V. “On oublie parfois que les chrétiens-démocrates sont les architectes de l’autonomie flamande. Ce mérite nous revient, nous sommes des Flamands décomplexés. Nous veillerons à ce que la réforme de l’État se concrétise avant la fin de cette législature”, souligne M. Kennes. Des propos qui semblent avoir été entendus par la ministre de l’Intérieur Annelies Verlinden (CD&V), en charge notamment des réformes institutionnelles. La liste des articles de la Constitution qu’elle souhaite voir révisés serait actuellement en préparation.
La Flandre doit pouvoir disposer de plus d’autonomie fiscale, estiment les élus de Stuurboord. Certains reconnaissent même avoir été séduits par le programme de la N-VA. Ont-ils envisagé de quitter le CD&V pour rejoindre le parti nationaliste ? Le bourgmestre Ward Kennes fait un pas en arrière : “Il n’est pas question d’agiter des drapeaux jaunes et noirs. Notre objectif est de récupérer les transfuges qui ont cédé aux sirènes de la N-VA, les électeurs perdus mais pour moi, ils ne sont pas perdus à tout jamais pour le CD&V.”
Fédéralisme d’union
L’initiative de Stuurboord a suscité quelques réactions au sein du parti et en dehors. Dans une tribune publiée par De Standaard, des élus locaux et des sympathisants ont répondu en manifestant leur désaccord en affirmant que “l’union vaut bien mieux que la désunion”. Selon eux, il ne sert à rien d’attiser le feu communautaire, ce qui ne ferait qu’augmenter la division. Au contraire, il faut parler d’une seule voix et serrer les rangs. Le collectif est ni de gauche ni (encore moins) de droite, “mais surtout il ne pèse pas très lourd”, précise Ward Kennes.
Le président du CD&V Joachim Coens estime “qu’il est normal que certaines sensibilités s’expriment au sein du parti”. “Nous respectons le dialogue et encourageons le débat”, résume M. Coens. Simple mouvement de balancier qui tantôt penche à gauche, tantôt à droite ? Dans une tribune publiée par la lettre d’information Doorbraak, Emile Desimpel et Pieter Smits, deux élus membres de Stuurboord, prônent un fédéralisme d’union et une revalorisation du niveau local. Ils estiment que le CD&V doit s’inspirer de l’exemple allemand où les verts et les chrétiens-démocrates du CDU ont uni leurs efforts sur des thèmes en commun. Se méfier de “toutes sortes d’idéologies matérialistes” est une condition de réussite durable, conclut le collectif Stuurboord.