Qui sont ces hommes et ces femmes dans l’ombre confortable des partis politiques ?
Au sein des partis francophones, il y a les élus et il y a les autres. Qui sont ces hommes et femmes de l’ombre, qui ont un pouvoir certain ? Pour les rémunérer, différentes possibilités existent.
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- Publié le 29-03-2021 à 06h41
- Mis à jour le 30-03-2021 à 09h24
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Qui sont, au sein des partis politiques francophones de ce pays, ceux qui dirigent vraiment ? Le ou la président(e), bien entendu. Les président(e)s de parti jouissent d’un pouvoir considérable. Ils mènent bien souvent les négociations, ils choisissent leurs ministres et, parfois, ils peuvent même se permettre de tirer à boulets rouges contre les décisions prises par un gouvernement auquel ils appartiennent pourtant. Pour mener leur tâche à bien, ils cherchent à s’entourer de fidèles et de personnes de confiance pour les aider dans la gestion journalière du parti. Il n’est pas question ici d’évoquer les élus, les plus en vue, membres du bureau politique ou d’un groupe restreint amené à prendre les décisions d’ordre purement politique.
Un rôle considérable
Il s’agit de placer un éclairage sur ceux dont on parle très peu, voire jamais, et qui jouent pourtant un rôle considérable. Qui sont donc ceux qui détiennent une partie du pouvoir ? Qui sont ces hommes - la très grande majorité d’entre eux sont des hommes - de l’ombre ?
Une étude récente du Crisp (Centre de recherche et d’information socio-politiques) consacrée au contrôle financier des partis politiques, relayée par La Libre le 17 mars, mettait en évidence la galaxie d’ASBL ou de fondations gravitant autour des partis politiques. Rien n’est illégal, les partis ont opté pour le statut d’association de fait, mais pour toucher les subventions et pour gérer leur patrimoine (immobilier entre autres) il est nécessaire de disposer de telles structures. C’est là, notamment, que l’on trouve les noms de ces gens de l’ombre.

Un secrétaire général à 232 000 euros par an au PS
Au PS, au cœur de l’ASBL Fonsoc qui s’occupe des finances du parti, on retrouve au sein du CA la plupart des responsables socialistes. On découvre aussi un nom moins connu, celui de Geoffroy Pitot, le directeur financier du parti. Le grand argentier du PS n’est pas un élu. Surtout, il ne s’agit pas là de son seul métier rémunéré. Le parti lui a aussi confié le rôle de secrétaire de cabinet chez le ministre wallon des Pouvoirs locaux, Christophe Collignon. Il préside la société de logement La Ruche chapelloise à Chapelle-lez-Herlaimont (poste rémunéré), où il préside aussi l’USC locale. Hormis son salaire chez Fonsoc (pas encore publié dans la déclaration de mandats), l’homme peut compter sur 25 000 euros de supplément en comptant ses autres mandats. Disposer de plusieurs mandats rémunérés lorsqu’on effectue une mission importante pour le parti est une pratique courante.
Un conseiller spécial et un secrétaire général
Au PS, on trouve aussi un conseiller spécial pour le président. Il s’agit de Laurent Pham, ancien secrétaire général de la Fédération socialiste de Charleroi. Un poste créé de toutes pièces - on ignore le montant de sa rémunération - et qui fait doublon avec celui du secrétaire général du parti, Jacques Braggaar. Le salaire de ce dernier (non élu) avoisine les 200 000 euros par an. Il siège aussi contre monnaie sonnante et trébuchante (32 000 euros par an) au conseil d’administration d’Ethias. Quant à Amaury Caprasse, le nouveau directeur de l’IEV (centre d’étude), il est difficile de savoir quels mandats (si ce n’est celui d’administrateur à la RTBF) il occupe en plus de cette fonction essentielle au sein du PS. La prochaine déclaration de mandats sera éclairante sur ce sujet. Citons encore Laurent Zecchini, qui n’apparaît dans aucun organigramme officiel mais qui fait partie de la garde rapprochée de Magnette. Il est rémunéré en siégeant chez Fonsoc, à la Spaque et à la Sogepa, deux sociétés publiques wallonnes. Jusqu’en novembre 2019, il était aussi rémunéré comme collaborateur d’un ministre sortant.
La vice-présidente du parti, Anne Lambelin, ancienne députée wallonne du Brabant wallon, n’a pas été élue lors du scrutin de 2019. Elle occupait la première suppléance de la liste PS pour la Chambre dans sa province. Et comme André Flahaut, député élu, n’a pas été nommé ministre, elle se retrouvait sans rien. Le parti lui a confié un boulot de conseillère au sein de l’IEV.

Le demi-frère d’Olivier Chastel, homme de l’ombre par excellence
Pour gérer les finances du MR, c’est l’ASBL Gal (gestion et action libérale) qui a été mise en place. Si le président en est Georges-Louis Bouchez, le vice-président n’est autre que Charles Michel, ancien président du parti qui œuvre désormais à la tête du Conseil européen et qui conserve manifestement un rôle important en interne.
Deux noms moins connus ressortent cependant: celui de Pierre Boucher, un Brabançon wallon aux vingt mandats (tous ne sont pas rémunérés), trésorier du parti, et celui du secrétaire de l’ASBL, Jean-Philippe Rousseau. Bien qu’il n’apparaisse pas dans la dernière déclaration de mandats, ce dernier siège aussi au CSA, au conseil d’administration de Belgian Media Venture SA, de la Régie Média belge SA, de la Sonuma et de la RTBF.
Jean-Philippe Rousseau est placé sous les ordres de Valentine Delwart, la secrétaire générale à temps partiel du parti. À temps partiel, parce qu’elle occupe aussi un siège d’échevine à Uccle et qu’elle est membre du CA de Fluxys. Sa rémunération annuelle varie (selon ce qu’elle déclare) entre 120 000 et 300 000 euros. Dans cet organigramme, on retrouve encore Thomas Salden, le demi-frère d’Olivier Chastel, comme secrétaire général adjoint (un mandat à 100 000 euros par an). Toute la carrière du Carolo s’est construite dans le sillage de Chastel. En 2019, il avait tenté de se créer de toutes pièces un poste de conseiller général au sein de l’ISPPC (Intercommunale de santé publique du pays de Charleroi) où il était administrateur pour le compte du MR. La démarche avait été stoppée par la ministre wallonne des Pouvoirs locaux de l’époque, Valérie De Bue (MR). Il semble donc que le parti ne lui en tienne pas rigueur. Outre son mandat au MR, Salden siège aussi au CA de la SWDE (25 000 euros) et dans celui d’une ASBL consacrée à la jeunesse (il y touche entre 10 000 et 50 000 euros par an). Citons encore le chef de cabinet du président, l’ancien banquier Axel Miller, et Corentin de Salle, directeur scientifique du centre d’études. Leurs rémunérations ne sont pas connues. Enfin, le délégué général du MR, Mathieu Bihet, l’âme damnée du président, n’apparaît pas sur l’organigramme. Outre cette fonction, il est échevin à Neupré.
Des élus locaux
Enfin, dans la plupart des cellules qui composent l’organigramme du MR, on retrouve quelques élus locaux, fidèles du président. Citons Maxime Daye, le bourgmestre de Braine-le-Comte, président de l’Union des villes et communes et attaché parlementaire, trois mandats rémunérés. Citons aussi Natacha Leroy, qui est échevine à Binche et attachée parlementaire wallonne. Ou encore Violaine Herbaux, échevine à Silly et détentrice de cinq autres mandats rémunérés.

Qui est John Lewis, omniprésent au CDH ?
Au CDH, le parti dispose de trois ASBL. La première, Action solidaire, s’occupe de la gestion financière du parti. Elle est présidée par Christian Brotcorne, ancien député fédéral désormais pensionné, qui conserve un mandat d’administrateur au sein de l’intercommunale Ideta (2 300 euros par an). L’administrateur délégué est un certain John Lewis. Ce parfait inconnu au bataillon de la vie politique occupe la même fonction au CPCP (Centre permanent pour la citoyenneté et la participation), une ASBL active, notamment, dans la formation et l’éducation permanentes. Il est administrateur délégué d’Unio ASBL qui s’occupe des "biens matériels" du parti. John Lewis est aussi président du CA de la Sofico (32 000 euros par an) et de l’agence du numérique (entre 10 000 et 50 000 euros annuels).
Gauthier de Sauvage est secrétaire général
Au CDH, le secrétaire général est l’échevin gembloutois Gauthier de Sauvage. Ce dernier déclare également un mandat d’attaché parlementaire. Au total sa rémunération oscille entre 110 000 et 160 000 euros par an. On trouve aussi Stéphane Nicolas, le directeur du centre d’études. Sa rémunération n’est pas connue. Tous les mandats figurant dans sa dernière déclaration se sont terminés en 2019. On se rappellera que l’ancien secrétaire général du parti, Éric Poncin, devait une partie de sa rémunération à un poste d’attaché parlementaire. À l’époque, le parti considérait qu’en œuvrant pour l’ensemble du parti on œuvrait aussi pour le groupe CDH du Parlement wallon. Le directeur de la communication, Alain Raviart, joue aussi un rôle important au parti. Sa rémunération n’est pas connue.

Et dans les autres partis francophones ?
Écolo, Défi et le PTB disposent aussi de leur ASBL de financement. Au PTB, les administrateurs de l’ASBL PVDA-PTB sont David Pestieau, Peter Mertens, Lydie Neufcourt (respectivement vice-président, président et secrétaire générale du parti) et Jo Cottenier (actif au sein du centre d’études). Ils sont tous rémunérés par le parti sans disposer d’un autre mandat. Seul le président du parti n’est plus rémunéré par l’ASBl depuis qu’il occupe un poste de député fédéral.
Chez Défi, c’est l’ASBL Solidarité Défi qui s’occupe des finances. On y retrouve, outre le président François De Smet, Alexandra Dupire, la secrétaire générale du parti qui est avocate ; Christophe Verbist, qui dirige le centre d’études (on ne connaît pas sa rémunération) ; Michaël Loriaux, directeur de cabinet du président, est également attaché parlementaire et avocat. Il est aussi conseiller communal à Woluwe-Saint-Lambert et siège au CA de l’Habitation moderne. Marc Loewenstein, le trésorier du parti, est député fédéral et conseiller communal à Forest.
Trois administrateurs chez Écolo
Enfin, chez Écolo, l’ASBL Écodata-Écolo fédéral est dirigée par un conseil d’administration de trois personnes. Outre Jean-Marc Nollet, coprésident du parti, il y a Julien Hordies, qui est délégué à la gestion journalière (un poste pour lequel il a quitté un emploi de conseiller au cabinet de la ministre Tellier), et Georges Ballon-Perin. Ce dernier siège au CA du BEP et au conseil provincial de la province de Namur. Ses sources principales de rémunération viennent d’un emploi d’attaché parlementaire et d’un autre au sein de l’ASBL Écodata.