Patrick Charlier (Unia) : "Des personnes n’ont pas été recrutées parce que non vaccinées..."
Patrick Charlier, codirecteur d’Unia, le centre interfédéral pour l’égalité des chances, craint des différences de traitement entre vaccinés et non-vaccinés.
Publié le 04-05-2021 à 20h08 - Mis à jour le 04-05-2021 à 20h47
:focal(2495x1671.5:2505x1661.5)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/3OXVIMR7TFAUFKBNZS3DT5K4GY.jpg)
Ce mardi, le coronapass est sur toutes les lèvres. La Libre a interviewé et demandé l'avis de Patrick Charlier, directeur d'Unia, l'organe public de lutte contre la discrimination et de promotion de l'égalité des chances. Êtes-vous favorable à l’instauration d’un coronapass ?
Sa mise en place telle qu’elle est envisagée aujourd’hui, aux niveaux belge comme européen, nous paraît problématique et dangereuse. On y décèle un risque important de discrimination.
Quels genres de discrimination ?
Actuellement, de nombreuses personnes ne sont pas encore vaccinées. 70 % de la population n’a même pas reçu la première dose. Instaurer aujourd’hui un coronapass va créer une différence entre les vaccinés et les non-vaccinés concernant l’accès à une série d’activités sociales ou culturelles. Et pas seulement dans ces domaines, puisque nous avons déjà reçu des signalements de personnes qui n’ont pas été recrutées parce que non vaccinées. Ces différences de traitement sont évidemment susceptibles de devenir des discriminations. Il y a aussi des personnes qui ne pourront pas être vaccinées pour raisons de santé ou de handicap. Qu’en sera-t-il pour ces personnes exclues en vertu d’une contre-indication ? Enfin, dernière catégorie qui me préoccupe, les personnes qui en raison de leurs opinions ou de leurs convictions, choisissent de ne pas se faire vacciner. Doivent-elles "payer" et assumer le choix qu’elles font ?
Que craignez-vous ?
Ma crainte est que certains veulent rendre le vaccin obligatoire par la bande, de manière indirecte, en faisant pression en limitant la possibilité d’activités. A contrario, on estime que le vaccin contre le Covid est indispensable et, à l’instar d’autres comme celui contre la polio, on le rend, via une loi, obligatoire pour toute la population, au nom de la prophylaxie. Dans ce sens, une décision récente de la Cour européenne des droits de l’homme considère qu’en termes de politique de santé publique, il est justifié de rendre des vaccins obligatoires. Comme ce n’est pas le cas aujourd’hui, la liberté de ne pas être vacciné doit être respectée. Notre société a fait le choix, tout à son honneur, de soigner le fumeur de son cancer ou le bon vivant de sa maladie cardio-vasculaire. L’accès aux droits fondamentaux de la santé n’est donc pas méritoire, même si on a eu un comportement problématique. Il ne peut y avoir de jugement moral. Dernier point. Il n’y a pas que la vaccination à pouvoir être reprise dans le coronapass. Les résultats d’un test PCR ou d’un test sanguin pourraient y démontrer la non-infection. Mais ces tests ont une durée de validité courte et coûtent. Se pose alors la question de l’accessibilité à tous de pouvoir prouver autrement que par un vaccin sa non-contagion.