En cas de décès d'un sans-papiers, le gouvernement serait-il responsable ? "Il ne s'agirait pas d’une non-assistance à personne en danger"
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- Publié le 19-07-2021 à 21h06
- Mis à jour le 20-07-2021 à 13h05
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Les sans-papiers qui occupent l’église du Béguinage, les locaux de l’ULB et de la VUB sont en grève de la faim depuis le 23 mai. Sans réponse favorable à leur demande de régularisation collective, certains ont entamé une grève de la soif il y a quelques jours. Certains sans-papiers ont tenté de mettre fin à leurs jours en avalant des lames de rasoir. D’autres se sont cousus la bouche.
Face à ces actes désespérés, le secrétaire d’État à l’Asile et la Migration, Sammy Mahdi (CD&V), refuse de céder mais se dit préoccupé par la situation. Le directeur général de l’Office des étrangers, Freddy Roosemont, s’est rendu sur place, samedi, avec du personnel médical, mais il semblerait que les grévistes refusent toute assistance.
La greve de la faim des sans-papiers menace la Vivaldi
Ce lundi, le président du CD&V, Joachim Coens, a suggéré d’envisager des hospitalisations forcées pour les sans-papiers dont l’état de santé se dégrade dangereusement. L’idée de nourrir, de force, les grévistes, a également été évoquée par des citoyens. Légalement, toutefois, cette question est délicate. La question de l’alimentation forcée peut se poser dans trois cas : l’anorexie, le refus d’alimentation en fin de vie et la grève de la faim. Si aucun texte clair ne régit la question, les deux premiers cas nécessitent une décision médicale prise au cas par cas. Pour les grèves de la faim, il n’existe aucun texte permettant de forcer un individu à se nourrir.
Si un des grévistes vient à succomber, les autorités belges pourraient-elles, malgré tout, être considérées responsables ? Selon Laurent Kennes, avocat et professeur de droit pénal, la réponse n’est pas évidente. "Je ne pense pas qu’il s’agirait, dans ce contexte-ci, d’une non-assistance à personne en danger parce que c’est une infraction qui nécessite une intention particulière, difficile à rencontrer dans un tel cas de figure. Mais pour le surplus, la question est et sera toujours : y a-t-il une faute dans le chef de l’État ? Seul un juge pourrait le dire, et je n’ai connaissance d’aucune législation spécifique en Belgique qui dise exactement quelles sont les obligations de l’État belge."
La piste de la "procédure Nixon" ?
Aucune solution sanitaire n’est donc envisageable pour les grévistes de la faim ? Françoise Moreau, avocate au barreau de Bruxelles, rappelle qu’il arrive que certains enclenchent une procédure particulière : la "procédure Nixon". " Je considère qu’il s’agit d’un abus, mais dans les faits, il s’agit d’une procédure d’urgence qui peut être enclenchée quand une personne devient une menace pour elle-même ou pour les autres." Une fois lancée, cette procédure permet une mise en observation de la personne que l’on considérera comme psychologiquement atteinte. "Le parquet peut être saisi, par exemple par le bourgmestre ou même par n’importe quelle personne intéressée, c’est-à-dire un parent, un voisin, un assistant social, etc."
Problème, les grévistes du Béguinage ne sont pas considérés comme ayant des troubles psychologiques ou psychiatriques. La "procédure Nixon" est-elle, ici, envisageable ? Certains pourraient le considérer, affirme Françoise Moreau. "Soyons clairs, on ne peut pas forcer un être humain à se nourrir. La question se pose, par exemple, pour les personnes anorexiques qui sont, la plupart du temps, des personnes mineures et pour lesquelles les parents interviennent. Les grévistes du Béguinage sont des adultes. Leur détresse les pousse à agir de la sorte. La ‘procédure Nixon’ permettrait de les sauver, même si je considère qu’il s’agirait d’un abus de procédure. Dans tous les cas, ce dossier démontre que les sans-papiers n’ont pas été pris au sérieux dans leurs actes. On se pose, aujourd’hui, la question en droit, pour trouver une solution pour les sauver. Il faudra aussi se poser la question d’un point de vue politique", conclut l’avocate.