Afghanistan : plusieurs députés belges réclament une prise de distance vis-à-vis des USA
Réunion ce jeudi, les députés fédéraux vont se pencher sur les leçons à tirer et les conséquences de la débâcle afghane.
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Publié le 25-08-2021 à 20h40 - Mis à jour le 26-08-2021 à 13h06
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Ce jeudi, les parlementaires fédéraux vont se plonger dans le drame afghan. Les questions qui seront examinées lors d’une réunion conjointe des commissions Relations extérieures, Intérieur et Défense sont sensibles. Quelles leçons faut-il tirer de cette débâcle ? La Belgique a-t-elle été trop lente dans le rapatriement de ses ressortissants ? Quelle attitude adopter vis-à-vis des migrants fuyant le régime des talibans ? Peut-on reconnaître officiellement le futur gouvernement ?
Au sein du gouvernement De Croo, de l'avis général, une relative harmonie règne… pour l'instant. Une arrivée importante de réfugiés afghans dans les prochaines semaines pourrait mettre en évidence de nouvelles divergences. On se souviendra que le PS et les partis écologistes, fin juillet, avaient menacé de faire tomber la majorité Vivaldi en cas de décès de l'un des sans-papiers engagés dans une grève de la faim au sein de l'église du Béguinage à Bruxelles. "On va connaître de nouvelles perturbations dans la majorité mais pas tout de suite, prédit un leader politique. Les soucis arriveront quand nous ferons face à une vague d'illégaux venant d'Afghanistan."
Qu'en pensent les parlementaires fédéraux ? Pour Malik Ben Achour, député PS, c'est le droit à l'asile qui devra prévaloir à l'égard des migrants afghans. "Quand on connaît le niveau de brutalité qu'a pratiqué le régime taliban entre 1996 et 2001, on peut comprendre qu'il y ait des vies afghanes qui soient directement menacées. Les demandes de ces réfugiés afghans seront légitimes et il serait normal que la Belgique leur accorde l'asile." Pour Simon Moutquin, député fédéral Écolo, même philosophie : "Il paraît évident que l'aggravation de la situation sécuritaire en Afghanistan doit être prise en considération par les instances belges de l'asile, qui seront chargées d'analyser les demandes de protection internationale introduites. Le CGRA (Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides) devra prendre en compte cette situation objective."
"Impérialisme"
Au-delà de la "question migratoire" qui pourrait se poser à l'égard des Afghans, de nombreux parlementaires réclament la révision des rapports entre la Belgique, et plus largement l'Union européenne, et les États-Unis. Pour plusieurs élus, le comportement des Américains dans le cadre de leur désengagement militaire en Afghanistan est un nouvel indice de la nécessité d'une prise de distance européenne. Sur Bel-RTL, mardi, le chef de groupe PTB à la Chambre, Raoul Hedebouw, affirmait par exemple que le chaos constaté à l'aéroport de Kaboul était organisé par les Américains dont il dénonçait "l'impérialisme".
"Naïveté européenne et belge"
Le scepticisme à l'égard des États-Unis ne se rencontre pas que chez les élus marxistes. "L es Européens, et les Belges parmi eux, ont montré une forme de naïveté par rapport aux Américains, analyse en effet François De Smet, qui est aussi le président de Défi, dans l'opposition au fédéral. En Afghanistan, nous nous sommes trop fiés au parapluie américain comme nous le faisons systématiquement dans les affaires de Défense et les affaires internationales. Un des grands thèmes des années à venir est la révision des rapports des Européens avec les États-Unis. La présidence de Trump constituait déjà un signal d'alarme."
Dans la majorité, du côté socialiste, la nécessité d'affirmer l'indépendance européenne à l'égard des États-Unis prévaut également. "La manière dont les USA ont organisé sans concertation leur désengagement d'Afghanistan doit nourrir la réflexion, explique Malik Ben Achour. Les États-Unis resteront un partenaire important. Mais ils réfléchissent exclusivement, et de plus en plus, en fonction de leurs intérêts vitaux. Cela contredit parfois les intérêts des Européens. Dans le monde multipolaire qui émerge, nous devons prendre en main de manière beaucoup plus profonde notre destin et notre présence sur des théâtres étrangers."
"Hégémonie"
Chez les verts, la critique de la passivité européenne est sévère. "Sur le plan de la Défense, l'hégémonie de décision est restée aux mains des Américains, affirme Simon Moutquin. L'Otan n'a clairement eu qu'un rôle d'exécution. La dépendance des membres de la coalition à l'égard des Américains est à peu près totale pour les moyens aériens et le renseignement. La débâcle afghane est donc un rappel fort de la domination du système de décision américain et de la dépendance des Européens à son égard. Nous devons reconnaître notre faiblesse. Et nous devons, enfin concrètement, nous engager pour être autonomes tant sur les moyens que sur les objectifs. Cela fait vingt ans que nous en parlons, il est temps d'agir pour une Europe de la Défense."