Ces 3 raisons qui condamnent le gouvernement De Croo à vivre un calvaire jusqu’en 2024… ou le feront tomber avant
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- Publié le 22-09-2021 à 20h57
- Mis à jour le 30-09-2021 à 11h04
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La N-VA doit se frotter les mains. Depuis l’été, le spectacle donné par l’équipe fédérale apporte sur un plateau des arguments à ceux qui estiment que ce pays ne peut fonctionner. En juillet, les ministres PS et Écolo de la Vivaldi avaient menacé de quitter le gouvernement si la grève de la faim des sans-papiers de l’église du Béguinage à Bruxelles aboutissait à un décès. À la rentrée, l’Open VLD, dont le Premier ministre est pourtant issu, a provoqué un coup de sang des socialistes en sortant dans la presse ses priorités "bleu foncé" pour la réforme des pensions. Quelques jours plus tard, la ministre en charge du dossier, la PS Karine Lalieux, a lancé une contre-attaque qui court-circuitait ses collègues.
Ce n'est pas fini. Une récente proposition de Thomas Dermine (PS), le secrétaire d'État à la Relance, a fait grincer des dents : dans les médias, il a réclamé la prise en charge par l'État fédéral de 50 % du coût de la reconstruction des infrastructures détruites par les inondations, soit 600 millions d'euros qui bénéficieront en très grande partie à la Wallonie. Les nationalistes flamands n'en demandaient pas tant pour bombarder, une fois de plus, le gouvernement De Croo qui serait à la merci des intérêts francophones.
Mardi, une nouvelle polémique a surgi et excite encore un peu plus les partis de la Vivaldi : les idées de Pierre-Yves Dermagne, vice-Premier ministre PS et ministre de l'Emploi, destinées à résoudre le problème des métiers en pénurie choquent une bonne partie de la Flandre (et le MR). Le chef de file des socialistes francophones au fédéral souhaite octroyer des allocations de chômage aux salariés qui démissionnent pour se former dans des emplois qui ne trouvent pas preneurs. Il rejoignait une position similaire des écologistes, dévoilée dans La Libre de lundi.
Des succès importants ont pourtant été remportés par le gouvernement (AIP, vaccination…). Mais la liste des points d'accrochage entre les partenaires "vivaldiens" est bien plus longue. Paul Magnette, président du PS, et Egbert Lachaert, président de l'Open VLD, se sont vus pour tenter une "Pax Vivaldi" mais elle tarde à venir… Ce gouvernement, fruit d'une longue crise politique, semble condamné à vivre un calvaire jusqu'à la fin de la législature en 2024… ou à tomber avant. Plusieurs facteurs expliquent la fréquence et l'intensité des troubles constatés au niveau fédéral.
1. Le phénomène de l’entonnoir
L’accord de gouvernement qui guide les ministres d’Alexander De Croo depuis la mise en place de la Vivaldi, le 1er octobre 2020, est ambitieux. Problème : les premiers mois de vie de la majorité ont été consacrés essentiellement à la gestion de la pandémie. Les autres dossiers restaient forcément en souffrance, la priorité était sanitaire. Alors que la pression exercée par le virus sur nos sociétés se fait moins forte, le véritable programme fédéral peut être mis en œuvre.
Et il y a un embouteillage. Pressés par le temps (on vote déjà en 2024…), les ministres jettent leurs projets dans le grand entonnoir de la Vivaldi, qui ne peut sortir de décisions qu'au goutte-à-goutte. Le gouvernement ne peut tout mener de front, les accords politiques demandent du temps. Le Premier ministre a tenté d'organiser les travaux de son équipe jusqu'à la fin de l'année et de dégager des priorités (emploi, budget, relance…).
2. Le poids de la particratie
La Vivaldi se compose de sept formations (PS, Vooruit, MR, Open VLD, Écolo, Groen et CD&V) qui ont autant de visions du monde et d’intérêts différents. C’est l’une des constantes de la politique belge : nos gouvernements de coalition sont le résultat de deals entre les présidents de parti. Le Premier ministre peut avoir de grandes qualités, il reste menacé en permanence par une épée de Damoclès suspendue à la volonté de ses partenaires de poursuivre, ou non, l’aventure gouvernementale.
Dans les couloirs fédéraux, on entend dire qu'" Alexander De Croo doit souffler la fin de la récréation ", mais le peut-il ? Comme ses prédécesseurs au "16", il a pu se rendre compte que le job de Premier ministre, en Belgique, relève davantage du coaching et de la diplomatie que de l'exercice de la pure puissance politique. En 2010, c'est d'ailleurs le même Alexander De Croo, alors président du parti libéral flamand, qui avait précipité la chute du gouvernement Leterme II…
3. Une rivalité politique exacerbée
La compétition politique naturelle est accentuée par une instabilité grandissante dans les rapports de force. La N-VA, créée il y a 20 ans, a profondément rebattu les cartes en Flandre. À terme, les nationalistes comptent avoir la peau du CD&V et de l’Open VLD. Ces deux formations, alliées au fédéral à la gauche francophone, doivent donner des gages à leurs électeurs afin de ne pas les pousser dans les bras de Bart De Wever. En arrière-plan, l’ombre grandissante du Vlaams Belang menace l’ensemble des démocrates flamands et électrise encore un peu plus les débats.
Chez les francophones, les trois partis membres de la Vivaldi - le PS, le MR et Écolo - sont en lutte pour la première place électorale. Ils doivent donc marquer des points et se différencier. En Wallonie, la vieille hégémonie socialiste est de l’histoire ancienne. Le PTB siphonne l’aile gauche d’un PS affaibli structurellement. Les libéraux lorgnent la première place, avec des écologistes en embuscade. À Bruxelles, PS, MR et Écolo sont au coude-à-coude. L’immuable lutte entre les partis est aujourd’hui d’autant plus âpre que les anciennes hiérarchies ont été balayées.