Jean-Luc Crucke (MR) : "Les 600 millions du fédéral ? Ce serait un minimum"
Jean-Luc Crucke (MR), le ministre wallon du Budget, veut croire que la solidarité fédérale dépassera 600 millions d’euros d’aide. La Wallonie doit investir massivement mais elle doit aussi maîtriser sa dette. Il en est convaincu, les ministres wallons s’accorderont sur la mise en place d’un pass sanitaire.
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- Publié le 23-09-2021 à 06h30
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Jean-Luc Crucke (MR) est ministre du Budget, des Infrastructures sportives et des Aéroports au sein du gouvernement wallon. À quelques jours d’un conclave budgétaire important - il débutera le mardi 28 septembre -, il évoque la nécessaire rigueur dont devra faire preuve la Wallonie dans la gestion de ses deniers publics.
Le conclave sera difficile cette année ?
On sait toujours quand commence un conclave, jamais quand on le termine. Il sera particulier parce que le contexte est particulier. Lorsqu’on a une dette directe telle que la nôtre, qui atteint 21 milliards d’euros dont 7 milliards générés au cours des deux dernières années à cause du Covid (4 milliards) et des inondations (3 milliards), on ne peut pas agir sans se poser la question de la maîtrise de nos finances.
Si une nouvelle crise devait survenir, les finances wallonnes seraient-elles en danger ?
Demain, nous aurions un tremblement de terre je ne sais pas comment on ferait. Il ne faut pas rigoler avec les finances. C’est pour cette raison que nous avons mis sur pied une commission de la dette composée d’académiques. Cette commission doit nous remettre un rapport en vue du conclave nous permettant de voir comment nous pourrons travailler à l’avenir. Tout cela n’enlève rien à nos ambitions pour le futur, notamment dans la lutte contre le réchauffement climatique. Mais une dette, ça se rembourse. On doit la garder sous contrôle.
À partir de quel montant sera-t-elle incontrôlable ?
La réponse se trouvera dans le rapport de la commission de la dette. C’est une question centrale. Ce rapport sera public, il est essentiel d’être transparent.
Vous devrez être créatif pour gérer cette dette et assurer les futurs investissements. En créant de nouvelles recettes, par exemple ?
Je ne crois pas. Nous sommes dans un pays avec un des taux d’imposition les plus élevés. Mais nous avons eu l’intelligence de mettre en place le budget base zéro qui consiste à passer en revue chaque ligne de dépense. Nous aurons terminé en 2022. De cet exercice, nous devons pouvoir en retirer des réformes structurelles. La Wallonie n’a pas besoin d’austérité, mais d’apprendre à mieux dépenser.
Comment, par exemple ?
Je prendrai mon cas personnel. En matière d’infrastructures sportives, auparavant, on donnait 75 % de subside pour une infrastructure sportive. C’est terminé. Désormais, on donne entre 50 et 70 % en fonction de critères à respecter comme celui qui touche à la supracommunalité, par exemple, en demandant aux communes de travailler ensemble.
Tous les ministres doivent le faire. Le font -ils ?
Nous en discuterons pendant le conclave. Mais il est clair que nous devons donner des signes positifs sur notre gestion à nos investisseurs pour qu’ils nous conservent leur confiance et continuent à nous prêter de l’argent. De plus, on ne sait pas encore ce que l’Europe exigera en matière de gestion en 2023.
On en reviendra à l’austérité budgétaire d’avant Covid ?
Selon moi, il y a un élément qui réunit ceux qui veulent un retour à l’austérité et ceux qui veulent plus de souplesse : celui de sauvegarder l’investissement public stratégique. Notamment par rapport à la lutte contre le réchauffement climatique.
Le gouvernement wallon maintient sa volonté d’assurer le retour à l’équilibre budgétaire en 2024. Le retour à l’équilibre, ce n’est pas quelque chose que l’on promet à chaque fois et qu’on ne fait jamais ?
Revenir à l’équilibre sur les dépenses courantes, c’est indispensable. On le dit peut-être à chaque législature, mais c’est doublement indispensable. Tout d’abord pour la crédibilité sur les marchés financiers et ensuite parce que dès 2025, les montants des transferts seront réduits conformément à la sixième réforme de l’État. Pour maîtriser notre avenir nous devons absolument le faire.
Le secrétaire d’État, Thomas Dermine (PS), demande que le gouvernement fédéral vienne en aide à la Wallonie pour la reconstruction des infrastructures après les inondations. Ces 600 millions permettront-ils aux finances wallonnes de respirer un peu ?
C’est évident que c’est un montant qui pourra servir utilement. Thomas Dermine reprend d’ailleurs mon argumentation - et c’est très bien -, en faisant référence à l’Allemagne. Dans ce pays plus fédéré que la Belgique, il y a eu cet accord, sans cadre législatif, mettant en place une solidarité entre les Länder. Des Länder plus pauvres ont payé pour des Länder plus riches touchés par les inondations. Si nous considérons chez nous que la solidarité nationale existe encore, eh bien, elle doit jouer. Ce chiffre de 600 millions, c’est selon moi un minimum. Cela représente 20 % du coût supporté par la Wallonie sur les inondations. Mais c’est aussi 0,2 % des recettes du fédéral. Ce sera un effort pour le fédéral mais je pense qu’un accord sera possible entre le gouvernement fédéral et le gouvernement wallon. Il faut cependant que cela aille vite.
Par rapport aux critiques faites au gouvernement d’aider financièrement les sinistrés des inondations non assurés, vous réagissez comment ?
Je peux toujours entendre les critiques. Mais je ne peux pas comprendre l’égoïsme et l’absence d’une solidarité minimale. La première manière de réfléchir pour nous, c’était d’aider tout le monde. Sans nous, je rappelle aussi que dans le meilleur des cas, ceux qui sont assurés n’auraient touché que 20 % du montant de leurs dommages. Ceux qui sont assurés toucheront donc 100 % et ceux qui ne le sont pas, toucheront maximum 50 % avec des plafonds. Le bonheur de ceux qui sont assurés, c’est de se dire que les non-assurés n’ont droit à rien ? Une société qui penserait comme ça ne m’intéresse pas.

"Il y aura un accord au gouvernement wallon sur le pass sanitaire"
Cette période d’investissements massifs n’est-elle pas un peu grisante pour un ministre du Budget ?
Le terme n’est pas si mal choisi. Sans abuser du terme non plus, il y a quelque chose de passionnant qui se passe. Nous sommes dans la construction, nous n’avons plus droit à l’échec. Nous n’avons pas le temps de nous quereller sur le passé, c’est le moment ou jamais. Que l’on me dise quelles sont les autres perspectives aujourd’hui, parce que je ne les vois pas. Il y a un momentum et il doit nous permettre aussi de faire des réformes importantes.
Ce jeudi, le gouvernement wallon discutera de la mise en place ou non d’un pass sanitaire (CST). Le PS et Écolo le souhaitent, mais on a le sentiment qu’au MR tout le monde est d’accord pour le faire sauf votre président de parti. Qu’allez-vous décider ?
Je respecte le rôle des uns et des autres. J’ai un président de parti. Mais j’ai aussi un vice-président du gouvernement en la personne de Willy Borsus (NdlR : qui a déjà dit être d’accord). Je suis intimement convaincu qu’il y aura un accord dans ce dossier, ce jeudi, entre les membres du gouvernement. Dans le contexte actuel, ce serait logique et raisonnable.
Décider de ne pas le faire est aussi un accord…
Pour ne pas le faire, il faut que tout le monde soit d’accord de ne pas le faire.
Faut-il continuer à imposer le port du masque ?
À titre personnel, ça ne me dérange pas de porter un masque dans les endroits où il y a du public. Je ne me sens pas défiguré quand j’en porte un. Mais c’est peut-être plus facile pour moi parce que je ne suis pas un play-boy.
Depuis lundi et la mise en place des nouveaux statuts du parti, vous n’êtes plus vice-président du MR. Vous nourrissez de l’amertume par rapport à ça ? Vous avez voté les nouveaux statuts ?
Je n’ai pas pu les voter puisque j’étais à la remise des mérites wallons. Mais je suis allé au congrès à un autre moment. Il n’y a aucune amertume. Je vis dans un parti qui porte les valeurs du libéralisme. C’est pour ça que je l’ai rejoint alors que ce n’était pas inné chez moi. J’aime ce parti et ça ne changera rien à mon comportement. J’ai toujours dit que je n’étais pas un courtisan. Nous avons un président, il a été élu démocratiquement jusqu’en 2023. Il a déjà annoncé qu’il demanderait une prolongation en 2023, c’est son droit le plus strict. Pour ma part, j’ai autre chose à faire dans la vie que d’avoir des conflits de personne. Quand je suis d’accord, on peut compter sur moi pour le dire. Même chose quand je ne suis pas d’accord. C’est très libéral de pouvoir avoir des différences. Nous ne sommes pas dans un parti unique où quand le grand timonier a parlé, les autres doivent se taire.