Sortie du nucléaire : les perdants du CRM ne pourront pas être repêchés
La centrale au gaz d’Engie à Vilvorde s’est vu refuser son permis. Ses concurrents ne peuvent la remplacer.
Publié le 12-11-2021 à 07h49
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Mardi, on a appris que la Flandre avait refusé d’octroyer un permis à la nouvelle centrale au gaz d’Engie à Vilvorde. Selon Zuhal Demir (N-VA), la ministre flamande de l’Énergie, le projet ne respecte pas la réglementation flamande sur les rejets d’azote.
Le carton rouge adressé à la centrale de Vilvorde est problématique. En effet, il s’agit d’une des deux nouvelles centrales au gaz sélectionnées pour faire face à la sortie du nucléaire. L’autre, située en région liégeoise (Les Awirs, à Flémalle), doit aussi être construite par le groupe Engie.
Les critiques fusent
Ces deux projets ont remporté les enchères du CRM (mécanisme de rémunération de la capacité) organisées par Elia, le gestionnaire du réseau haute tension. Durant ces enchères, les producteurs réclamant le moins de subsides pour construire une centrale au gaz ont été sélectionnés.
En refusant le permis de la centrale de Vilvorde, la N-VA a mis en sérieuse difficulté le calendrier de sortie de l’atome. On sait également qu’une prolongation d’un ou deux réacteurs nucléaires serait très compliquée. Pour des raisons techniques mais aussi juridiques. Le risque est donc réel que la Belgique se retrouve sans nucléaire et sans suffisamment de centrales au gaz pour assurer sa sécurité d’approvisionnement. Le MR, la N-VA et le Vlaams Belang, des partis pro-nucléaire, ont vigoureusement attaqué Tinne Van der Straeten (Groen), la ministre fédérale de l’Énergie, lors de la séance plénière de la Chambre, mercredi. Ils ont voulu savoir comment l’écologiste allait assurer notre sécurité d’approvisionnement en électricité sans la centrale au gaz de Vilvorde. Une question pour le moment restée sans réponse. En effet, Tinne Van der Straeten n’a pas fourni d’indication claire sur la suite à donner à ce dossier.
Elle a simplement fait savoir que certaines solutions existaient dans les règles du CRM. Sans plus de précisions. Un ultime recours d’Engie contre le refus de son permis est aussi possible devant le Conseil pour les litiges relatifs aux permis (Raad voor Vergunningsbetwistingen). Néanmoins, le verdict ne serait pas rendu avant plusieurs mois. Trop tard sans doute. En effet, une décision en faveur d’une éventuelle prolongation du nucléaire doit être prise d’ici la fin du mois de novembre.
Repêcher des projets écartés ?
Par ailleurs, certains ont évoqué l’idée de repêcher des projets de centrales au gaz qui avaient été écartés à l’issue des enchères du CRM remportées par Engie. Pour rappel, le projet de Luminus à Seraing ou celui d’Eneco à Manage n’ont pas été retenus. Mais, selon nos informations recoupées à bonnes sources, il n’est pas possible de modifier après coup les résultats du CRM : Luminus et Eneco ne pourront donc pas remplacer la centrale d’Engie à Vilvorde. À moins qu’Engie ne rachète le projet de l’un de ses concurrents. Mais ça, c’est une autre histoire…
Engie devra donc se débrouiller pour obtenir le permis de sa centrale de Vilvorde ou fournir la capacité promise d’une autre façon. Mais que faire si l’énergéticien faisait défaut sur ces deux tableaux ? Selon nos informations, une possibilité est d’augmenter le volume de capacités mis aux enchères en octobre 2024 (pour livraison en novembre 2025) dans le cadre du CRM. Notons cependant qu’il sera trop tard pour participer à cette enchère avec une centrale au gaz. En effet, il faut minimum 2,5 à 3 ans de travaux pour construire une telle centrale.
D’autres technologies, comme les batteries ou la gestion de la demande, devraient participer à cette enchère d’octobre 2024. Mais, même si la capacité recherchée était obtenue grâce à ces technologies, on n’aurait pas les deux centrales au gaz minimum évoquées par Tinne Van der Straeten pour assurer notre sécurité d’approvisionnement.
"Je ne vois pas beaucoup de solutions techniques ou juridiques sur la table, résume une source. Selon moi, la solution doit être politique." En gros, il faut que la Flandre octroie un permis à une centrale au gaz sur son territoire. Ce qui n'est pas gagné…
D’un point de vue purement politique, ce dossier a suscité pas mal de remous. Selon la VRT, Conner Rousseau, le président de Vooruit, a déclaré que la N-VA sabotait la politique fédérale. Et Joachim Coens, le président du CD&V, a réclamé que la Flandre collabore dans ce dossier. Une critique plus significative étant donné qu’elle émane d’un partenaire de la N-VA dans le gouvernement flamand.