"Reconfiner la culture est un échec majeur dans la gestion d’Alexander De Croo"
Jean-Pascal Labille, le secrétaire général de Solidaris (les mutualités socialistes), revient sur les décisions prises par le Codeco. Il demande la mise en place d'un "plan Marshall" pour le secteur culturel.
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Publié le 23-12-2021 à 20h40 - Mis à jour le 24-12-2021 à 14h17
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Jean-Pascal Labille, le secrétaire général de Solidaris (les mutualités socialistes), a été profondément heurté par les décisions du Comité de concertation de mercredi. Pour lui, reconfiner le secteur culturel est une grave erreur. "Je suis scandalisé par ce qui vient d'être décidé par le Codeco, lance-t-il d'emblée. On ne peut pas sacrifier un secteur de cette façon alors que les scientifiques ne le demandaient pas. Cela appelle à une modification substantielle de la manière dont la crise sanitaire est gérée."
Pourquoi combattez-vous aussi spécifiquement les mesures touchant le secteur culturel ?
Quand on ferme les salles de théâtres, les cinémas, on stigmatise ces lieux. On laisse supposer que c’est là que le virus se transmet. Par ailleurs, on laisse sur le carreau des milliers de travailleurs qui sont souvent dans des situations difficiles, avec des contrats précaires. On va également priver de moments d’évasion et de culture des centaines de milliers de personnes pendant plusieurs semaines, voire pendant plusieurs mois. Il importe de toujours laisser briller une lumière même dans l’obscurité la plus profonde.
Comment expliquez-vous cette décision du Codeco, jugée très largement comme aberrante ? L’Horeca, en comparaison, a été plutôt préservé.
Elle est due au poids des lobbies, tout simplement. Ce reconfinement de la culture, c’est un échec majeur dans la gestion d’Alexander De Croo. Un échec de plus, très clairement ! Il faut organiser très rapidement un nouveau Codeco pour revenir sur les décisions de mercredi.
La population semble à bout. On dirait que les décideurs politiques sont allés un pas trop loin.
Dans toutes les études menées par Solidaris ou par la fondation "Ceci n'est pas une crise" (un think tank dont fait partie Jean-Pascal Labille, NdlR), on ne cesse d'alerter sur la "désaffiliation" des gens : ils ne veulent plus qu'on leur impose des mesures qu'ils ne comprennent pas ou qu'ils n'approuvent pas. Il y a un risque de fracture majeure dans notre société. Je souscris entièrement aux propos de Marius Gilbert lorsqu'il dit que l'on risque désormais d'être confrontés à des rassemblements hétéroclites contre les mesures sanitaires où l'on retrouvera le secteur culturel en train de manifester aux côtés de l'extrême droite… Avec le dernier Codeco, on a vraiment touché le fond, on vient de passer un cap dangereux. À court terme, moyen terme et long terme, tout cela va alimenter le populisme et l'extrême droite. Et la désobéissance civile.
À ce propos, l’ASBL liégeoise Les Grignoux va maintenir en activité ses salles de cinéma. Elle l’a annoncé. Est-ce que vous approuvez cet acte de désobéissance civile ?
Je la comprends totalement. Ce secteur, à un moment donné, n’a plus d’autres ressources que ce genre de réactions. Il faut se poser les bonnes questions en matière d’intérêt général : faut-il permettre de faire ses achats dans des lieux ultrabondés ou permettre de se rendre dans des endroits de culture qui sont l’âme du peuple et qui nourrissent la cohésion sociale ?
On sait que la culture, dans sa dimension émancipatrice, occupe une place toute particulière au PS. Vous avez été ministre socialiste sous le gouvernement Di Rupo. Comment jugez-vous l’action des ministres PS présents au Codeco ?
Je ne suis pas représentant du PS, je n’ai pas de légitimité pour commenter ce point. Mais je ne comprends pas qu’on ait pris cette décision comme cela. Même Pierre-Yves Jeholet (MR), le ministre-Président de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB), qui a participé à la décision, dit désormais qu’il ne la comprend pas… On est dans quel monde ? Et tout cela prouve aussi que, Bénédicte Linard (Écolo), la ministre de la Culture en FWB, ne pèse rien. Elle est inexistante. Je demande que l’on mette en place un véritable plan Marshall pour le secteur culturel.
C’est-à-dire ?
Au lieu de financer les grands festivals, les pouvoirs publics feraient mieux de financer la culture de proximité dans les quartiers. De nouveau, c’est une question de cohésion sociale. Je précise que j’inclus le festival des Solidarités (organisé par Solidaris) dans ma réflexion. Il y a beaucoup trop de grands festivals en Région wallonne. Certains sont aux mains de groupes étrangers qui paient des dividendes ou de personnalités privées. J’appelle la ministre de la Culture à réorienter les budgets en ce sens. Que ce soit Dour, les Francos à Spa, les Ardentes à Liège ou les Solidarités à Namur, si l’on n’est pas capable de fonctionner sans argent public, alors il ne faut rien organiser.