"Il faut supprimer le Sénat tel qu’il existe aujourd’hui" : l'Open VLD ouvre le feu dans le débat institutionnel
Les libéraux flamands proposent de reconvertir le Sénat en l'ouvrant à la démocratie participative. Plus de 13 millions d'euros d'économies seraient réalisées par an.
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Publié le 08-01-2022 à 07h03 - Mis à jour le 11-01-2022 à 12h30
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Une septième réforme de l'État est envisagée en 2024, un processus de réflexion institutionnelle a été initié par la Vivaldi. Le pacte de majorité prévoit notamment que le cas du Sénat, hémicycle en déshérence, sera réexaminé. Toutefois, les libéraux flamands ne veulent pas attendre. L'Open VLD détient la présidence de la chambre haute, un mandat qui avait été attribué à Stephanie D'Hose. Aux côtés de son président de parti, Egbert Lachaert, elle l'assure : "Je serai la dernière présidente du Sénat."
L’accord de gouvernement ne prévoit pas de suppression du Sénat, mais une simple réflexion. N’allez-vous pas un peu vite ?
Egbert Lachaert (E.L.) : L’accord de gouvernement indique qu’il convient de chercher un futur pour cette assemblée. Comme l’Open VLD dispose de la présidence du Sénat, il est important de présenter un plan. Nous ne voulons pas conserver une assemblée qui agirait de manière autonome et constituerait l’un des deux piliers du parlement. C’est inutile et coûteux. Il faut supprimer le Sénat tel qu’il existe aujourd’hui. C’est notre vision depuis de nombreuses années. Mais cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas un autre rôle possible pour le bâtiment historique qui abrite cette assemblée.
Par exemple ?
E.L. : On pourrait y accueillir des panels de citoyens dans le cadre de débats participatifs (des citoyens sont tirés au sort pour donner leur avis sur une question d’intérêt public, NdlR). L’expérience en Communauté germanophone semble bien fonctionner. Les décisions importantes prises par les différents gouvernements en Comité de concertation (Codeco) pourraient également être discutées, ponctuellement, par les députés des différents niveaux de pouvoir qui se réuniraient dans l’hémicycle du Sénat. Par ailleurs, les citoyens se posent des questions sur le coût du système politique. Nous devons donc balayer devant notre porte en supprimant le Sénat et les indemnités qui en découlent. Il y a encore dix sénateurs cooptés (dont Georges-Louis Bouchez, le président du MR, NdlR). On n’a plus besoin de ces mandats qui relèvent d’un financement indirect des partis ! On a déjà assez de parlementaires dans ce pays…
Quel est le montant de l’économie qui serait réalisée ?
Stephanie D’Hose (S.D.) : Au total, le budget annuel du Sénat s’élève à 40 millions d’euros. Un tiers de cette somme correspond à son coût politique (indemnités versées aux parlementaires, etc.). Donc, plus de 13 millions d’euros par an. Voilà une économie qui serait immédiate. Pour le reste de l’enveloppe, une réorganisation est possible qui permettra de réduire davantage les dépenses. Je précise que le personnel du Sénat ne sera pas le jouet de ces réformes. Tous les collaborateurs auront un rôle dans le futur Palais de la Nation, la maison des 11 millions de Belges.
Il est paradoxal, comme présidente du Sénat, de préparer la fin de sa propre assemblée…
S.D. : Quand j’ai accepté la présidence du Sénat, il y a un peu plus d’un an, j’ai immédiatement travaillé selon trois axes. Tout d’abord, la réduction des coûts. J’ai réalisé 4 % d’économies sur une année, au lieu de 1 % comme demandé par le gouvernement. Ensuite, grâce à une très bonne collaboration avec Éliane Tillieux (la présidente de la Chambre, PS), on a développé des synergies entre le personnel du Sénat et de la Chambre. Techniciens, traducteurs… Tout était coupé en deux entre le Sénat et la Chambre ! J’ai proposé de les rassembler. Troisième axe : agir de manière légaliste. Puisque le Sénat avait encore des compétences, je voulais qu’elles soient effectivement exercées.
Mais pourquoi proposer sa suppression, après de telles réformes ?
S.D. : Pour être honnête, le nouveau rôle dévolu au Sénat depuis 2014 ne suffit plus à justifier le maintien d’une assemblée permanente. Nous préparons des rapports d’information très intéressants mais personne ne les lit… Le Sénat exerce un rôle dans les conflits d’intérêts mais aucune intervention n’a été nécessaire. L’expérience tentée avec la réforme de 2014 ne marche pas. Comme libérale, mon idée est claire, je souhaite la suppression du Sénat. Toutefois, comme présidente de l’assemblée, je veux associer tous les sénateurs et les partis à une réflexion. Ce travail pourrait démarrer mi-février, après la fin des travaux de la commission mixte (Chambre/Sénat) chargée d’évaluer les six réformes de l’État menées depuis 1970.
E.L. : Parallèlement au travail de Stéphanie, l’Open VLD va préparer les textes au niveau du gouvernement pour une révision de la Constitution destinée à supprimer le Sénat comme assemblée autonome, à intégrer son budget et le budget de la Chambre, à supprimer les sénateurs cooptés… Les autres partis comprennent notre point de vue, j’ai consulté les autres présidents. D’autres formations réfléchissent toutefois à un futur différent. On peut discuter. Mais ce que je ne veux pas, c’est qu’on supprime le Sénat tout en recréant une nouvelle assemblée qui, à nouveau, distribuerait des indemnités parlementaires.
"Il est primordial de renforcer le pouvoir fédéral"
Aux États-Unis, l’un des modèles du fédéralisme, le Sénat garantit une représentation égale des entités fédérées. Pourquoi le Sénat belge n’a-t-il jamais réussi à jouer ce rôle classique ?
S.D. : Les élus issus des différentes Régions et Communautés du pays n’ont pas besoin du Sénat pour se rencontrer. Ils se voient déjà à la Chambre. Le bâtiment qui accueille aujourd’hui encore le Sénat doit plutôt ouvrir ses portes aux organisations qui veulent des colloques, des journées d’études. Il faut aussi que les citoyens puissent venir tous les jours dans les murs sénatoriaux et y ressentir la riche histoire de la Belgique.
La question du Sénat s’insère dans une vision institutionnelle plus large de l’Open VLD.
E.L. : En effet. L’Open VLD veut une réforme en 2024 destinée à rendre notre pays à nouveau efficace. On voit bien que l’on est arrivé aux limites du système. Le pouvoir décisionnel a été dispersé un peu partout et on n’arrive plus à prendre de décisions, on n’avance plus. Une Belgique à quatre Régions ? Cela serait plus simple. En outre, la gestion de Bruxelles doit également être simplifiée. C’est actuellement ingérable. Pour l’équilibre des compétences entre le fédéral et les entités fédérées, on peut encore régionaliser certaines choses : emploi, fiscalité…
Comment articuler un renforcement des Régions et le bon fonctionnement du pouvoir fédéral ?
Il est primordial, en parallèle, de renforcer le pouvoir fédéral, notamment pour mener à bien des travaux d’infrastructures essentiels et assumer nos obligations internationales. Je pense à la question des centrales nucléaires et des centrales au gaz, aux accords climatiques, à la 5G, aux prisons… Pour le moment, c’est difficile car des sensibilités régionales s’opposent et se neutralisent. Notre pays passe à côté de beaucoup d’occasions à cause de cela ! À un moment, s’il n’y a pas d’accord en Comité de concertation, il faudrait que le fédéral puisse trancher. Si on veut que la Belgique survive, le fédéral doit jouer un rôle d’arbitre dans des compétences importantes.
Autre point important dans votre vision institutionnelle : la création d’une circonscription électorale fédérale.
E.L. : Oui, l’Open VLD défend l’idée d’une circonscription fédérale qui pèserait de 15 à 20 sièges à la Chambre des représentants. Le futur Premier ministre devra obligatoirement avoir été élu dans cette circonscription à la taille de la Belgique. Il devra puiser sa légitimité politique auprès de tous les Belges. Si on continue comme c’est le cas actuellement, si l’univers électoral flamand et l’univers électoral francophone restent séparés, on aboutira au confédéralisme… qui ne fonctionnera jamais. Cette paralysie future, c’est toute l’ambition de la N-VA et du Vlaams Belang.