Semaine politique surréaliste en Flandre: le gouvernement se désunit et tangue dangereusement
Pour certains N-VA, le gouvernement flamand doit surtout être un outil d’opposition au gouvernement fédéral.
/s3.amazonaws.com/arc-authors/ipmgroup/223bb6d6-9e5e-4195-84c5-a0e810d98bf2.png)
- Publié le 22-01-2022 à 10h00
- Mis à jour le 28-01-2022 à 21h35
/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/C3MDOWWVI5HEHMLQQSIDMB5TZQ.jpg)
En Flandre, on n’est pas près d’oublier la semaine politique qui vient de s’écouler. Une semaine qui peut être qualifiée de surréaliste et d’irréelle tant le spectacle livré dans l’hémicycle flamand, mercredi, lors de la séance plénière presque intégralement consacrée à la politique du logement a été pitoyable. On y attendait une vision claire de la part d’un gouvernement capable de surmonter ses divergences. On a eu exactement l’inverse : trois scénarios défendus par trois ministres représentant trois partis politiques différents. Voilà à quoi se résume la majorité flamande aujourd’hui : une équipe en train de perdre la face par manque de cohésion. À force d’avancer en ordre dispersé, le paquebot visiblement sans capitaine se perd dans un brouillard qui s’épaissit de plus en plus.
Une majorité divisée
Trois heures de débat et trois ténors de la majorité qui donnent chacun leur version des faits : le fait est plutôt rare. Et ce, tandis que le ministre-Président Jan Jambon (N-VA), jugeant sa présence non essentielle, était absent de l’hémicycle. Il ne voulait pas donner l’impression que l’heure est grave. Il a été mal inspiré.
Matthias Diependaele (N-VA), le ministre en charge du Logement, a d'abord défendu son idée, lancée il y a une semaine, de transférer un montant de plus de 450 millions d'euros - non dépensés en 2021 et initialement destinés au logement social - pour que le secteur privé puisse en disposer sous la forme de prêts au logement. Le vice-Premier ministre Bart Somers (Open VLD), qui n'est pas compétent pour la matière, est ensuite intervenu dans le débat pour émettre une nouvelle idée. Le libéral a proposé de limiter à neuf ans maximum l'occupation d'un logement social pour tout citoyen apte au travail. Selon lui, la mesure incitera les occupants d'un logement social à accepter un emploi s'ils n'en ont pas et des logements sociaux se libéreront pour d'autres. Pour contrer la pénurie de logements sociaux, les libéraux proposent donc d'en limiter l'accès.
Hilde Crevits prend l’initiative
Il n'en fallait pas plus pour que sa collègue vice-Première, Hilde Crevits (CD&V), prenne la parole à son tour. La ministre flamande de l'Économie a insisté pour exécuter à la lettre l'accord gouvernemental. La figure de proue du CD&V a précisé qu'aucune des deux idées de ses collègues n'avait été discutée au sein du gouvernement… "Pour le coup, ce ne sont que des idées…" Rien n'est décidé. À sa manière et en l'absence du boss, la vice-première Hilde Crevits a remis les pendules à l'heure.
Les partis de l'opposition Groen, Vooruit et PVDA/PTB ont évidemment moqué cette "farce" jouée au moment où le secteur du logement traverse pourtant une crise sans précédent dans le Nord du pays. Répondant d'abord à Bart Somers, la députée Ann Moerenhout (Groen) est revenue sur les propos que ce dernier avait tenus au Standaard avant Noël. "À ce rythme, Jambon I vire à la catastrophe", avait dit le ministre. "Effectivement, a conclu Ann Moerenhout, ce que vous faites porte préjudice au gouvernement et, pire encore, c'est le citoyen qui en est la victime en fin de compte."
La politique du logement n’est pas la seule pomme de discorde qui divise la majorité flamande aujourd’hui. Le secteur de la culture déprime depuis les contraintes imposées pour faire face à la pandémie. Le chanteur flamand Christoff s’est adressé à Jan Jambon en composant un chant de protestation. Il y dénonce le bain de sang qui tue le secteur à petit feu.
On attend aussi une décision du gouvernement sur le dossier des émissions d’azote. N-VA et CD&V n’ont toujours pas d’accord sur un règlement relatif aux émissions d’azote. La question plombe l’ambiance au sein de l’équipe de Jan Jambon.
Et puis il y a la pénurie d'enseignants, le "stop au béton", autant de dossiers en rade, en attente de décisions qui ne viennent pas. Et dans ce contexte déjà difficile, la commission parlementaire sur la pollution PFOS ne brasse que du vent. Preuve de l'embarras dans lequel se débat la majorité flamande, avec en prime, la ministre de l'Environnement Zuhal Demir (N-VA) qui préfère… jouer cavalier seul.
Échéance Carnaval
Et Jan Jambon ? Que fait le ministre-Président flamand ? Que sa propre formation politique le fustige passe très mal. Quand la confiance ne règne plus, il est très difficile de travailler ensemble.
La crise du logement social fragilise encore davantage la majorité N-VA, CD&V, Open VLD. "D'ici les congés de Carnaval, une solution devra être trouvée à ces dossiers épineux", souligne une source. Même la N-VA se montre sceptique. "Il faudra juger sur pièces", poursuit un interlocuteur. La N-VA se préoccupe-t-elle réellement du sort de la majorité flamande aujourd'hui ? Certains en doutent. On entend dire que certains élus nationalistes considèrent le gouvernement flamand "comme un simple outil d'opposition au gouvernement fédéral".