Pour l’opposition bruxelloise, l’ordonnance gaz-électricité manque sa cible : "Alain Maron a raté le coche"
Le Parlement bruxellois entame le débat sur l’ordonnance électricité et gaz portée par Alain Maron (Ecolo). Christophe De Beukelaer, député CDH, reproche notamment à l’Ecolo et au PS "de ne pas faire confiance au privé".
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Publié le 07-03-2022 à 16h32 - Mis à jour le 07-03-2022 à 17h38
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Le débat de l’ordonnance réorganisant les marchés de l’électricité et du gaz à Bruxelles, censé se dérouler en détail ce lundi en commission environnement du Parlement bruxellois, aura finalement lieu ce mercredi, après une discussion générale ce lundi.
Le but de l’ordonnance est de stimuler la concurrence entre fournisseurs, de lutter contre la précarité énergétique, tout en accélérant la transition énergétique.
Le MR, le CDH, le CD&V, la N-VA, et même le PTB - en résumé toute l’opposition bruxelloise - se sont entendus, et ce n’est pas courant, pour obtenir le report du débat sur les articles et amendements d’un texte qu’ils n’ont réceptionné que mercredi dernier, pour un débat censé initialement se dérouler ce lundi.
"Ce n'était pas correct: Maron l'a reconnu"
"Ce n'était pas correct de nous demander d'étudier ce texte en si peu de temps, pour un débat aussi complexe. Même Alain Maron l'a reconnu lundi matin", pointe David Leisterh, député MR.
"Ce texte aurait dû être prêt en juin 2021. Il a un an de retard, et là, d'un coup, on veut nous le faire voter d'urgence un texte de 393 pages. On a eu deux jours ouvrables pour consulter la société civile… Nous traversons une crise énergétique et géopolitique. Les gens voient actuellement le résultat de l'augmentation du prix sur la facture. C'est maintenant que l'ordonnance aurait dû déployer ses effets. Mais elle n'est pas prête et mettra des mois à être effective. Alain Maron a raté le coche", fustige Christophe De Beukelaer, député CDH.
En pratique, le gouvernement bruxellois doit transposer dans sa législation deux directives européennes sur l’énergie renouvelable et l’organisation du marché intérieur de l’électricité.
"Le délai était en effet court. Mais franchement, ce n'est pas une décision politique d'escamoter le débat. Ça découle de l'organisation interne du parlement sur laquelle on n'a pas de prise. J'ajoute que pour faire un incident de procédure, ce qu'ont fait le MR et le PTB, il faut être présent. Or, M. De Beukelaer ne l'était pas ce lundi... Je rappelle qu'on travaille de nouveau en présentiel…", objecte Alain Maron, ministre bruxellois de l'Environnement (Ecolo).
Le CDH, précisons-le, était volontairement absent, afin de protester contre le timing de la réunion, de même que la N-VA et le CD&V.
Le gouvernement bruxellois créé une fourniture d'énergie garantie
Sur le fond, l'ordonnance du gouvernement prévoit la création d'un service universel sous la forme d'une "fourniture garantie". Les ménages endettés et vulnérables bénéficieront du statut de client protégé, leur donnant accès à un tarif social, assuré en dernier ressort par Sibelga (gestionnaire des réseaux de distribution de gaz et d'électricité) pour une durée de 12 mois renouvelables.
Il s'agit de l'équivalent de la protection hivernale, mais appliquée toute l'année plutôt que pour six mois. "Et puisque ce texte doit remplacer celui sur la fourniture de coupure hivernale, laquelle se termine le 31 mars, l'ordonnance doit impérativement être en place le 1er avril. Le texte doit donc être voté vendredi en plénière", reprend Alain Maron.
L’objectif est de faire bénéficier davantage de Bruxellois de ce tarif social, notamment en le faisant connaître, mais le ministre ne peut chiffrer avec exactitude le nombre de bénéficiaires futurs.
Le limitateur de puissance sera par ailleurs supprimé et il n’est pas question, contrairement à la Wallonie et à Bruxelles, de mettre en place un compteur intelligent.
L’ordonnance vise également à faire revenir les fournisseurs d’Energie à Bruxelles. Actuellement, il n’en reste que deux, Engie et Lampiris.
Les autres fournisseurs ont déserté la capitale, invoquant un cadre régulatoire trop strict, et fustigeant notamment la procédure systématique devant le juge de paix en cas de coupure.
Le gouvernement bruxellois maintient toutefois le passage systématique devant le juge de paix, pour le fournisseur d’énergie qui veut rompre le contrat en cas de non-paiement.
Ce manque de concurrence entre fournisseurs exerce une pression à la hausse sur le prix de l’énergie dans la Région. Selon Brugel, le consommateur bruxellois paie un montant pour l’électricité et le gaz de 223,31 € plus élevé que le consommateur wallon et 329,11 € de plus qu’un consommateur flamand. Une comparaison de prix que conteste le cabinet Maron, précisant qu'il s'agit d'une comparaison "à un moment donné, entre les meilleurs offrent disponibles, et non sur le long terme."
Sur le fond, les différents partis d’opposition ont jugé lundi que la future ordonnance gaz-électricité n’atteindra que très partiellement son but. Le MR a déposé une proposition d’ordonnance alternative.
"Ecolo et le PS ne font pas confiance au privé"
“Les deux objectifs de cette réforme sont ratés. Les fournisseurs d’énergie sortis du marché bruxellois indiquent que, malgré une réception positive de la mesure, elle ne serait pas suffisante pour les inciter à revenir sur le marché. Et Brugel (le régulateur bruxellois pour l’énergie) a analysé l’impact du service universel, qui sera très faible et ne touchera qu’assez peu de ménages. Entre 1.000 et 2.800 pour... 70 à 100.000 ménages en précarité énergétique à Bruxelles”, reprend Christophe De Beukelaer qui veut revoir l’obligation de fournir trois ans pour les fournisseurs.
Le cabinet d'Alain Maron souligne qu'en Région bruxelloise, les fournisseurs doivent composer avec un marché de plus petite taille, une réalité socio-économique différente et une mobilité des résidents supérieure.
“Cette procédure en justice qui soi-disant protège le consommateur ne fonctionne pas. Aujourd’hui, le système bruxellois pousse à la coupure plutôt que de protéger le consommateur. Car dans 80% des cas, les clients sont jugés en tort par le juge de paix qui prononce donc la coupure. Ça les endette encore plus : après deux ans de procédures, ils doivent payer la facture de consommation totale, plus les frais de justice”, conclut Christophe De Beukelaer qui regrette également que l’ordonnance ne soit pas plus ambitieuse en termes de mise en place de compteurs budget. “Enfin, on voit dans cette ordonnance qu’Ecolo et le PS ne font pas confiance au privé. Ils voient les entreprises comme un adversaire sur ce marché de l’énergie. Le projet d’ordonnance restreint très fort l’espace des entreprises dans les communautés d’énergie qui, de ce fait, ne contribueront pas à la transition énergétique.”