À Bruxelles, la fin de la suprématie du PS ? "Il y a une double concurrence"
Les derniers sondages prédisent un bouleversement politique à Bruxelles, où le PS ne serait que quatrième. “Ce n’est pas la panique à bord”, assure Philippe Close.
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Publié le 04-04-2022 à 06h39 - Mis à jour le 06-04-2022 à 21h11
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Les derniers sondages sont alarmants pour le PS bruxellois. Avec 15,1 % d’intentions de vote en Région bruxelloise, les socialistes chutent à la quatrième place, derrière Écolo (20, 3 %), qui se maintient en dépit d’une séquence compliquée sur le nucléaire, le MR à 19,9 % et le PTB, avec 16,4 %. En Wallonie, le parti se maintient à la première place à 22,4 %.
En 2019, le PS était arrivé en tête en Région bruxelloise avec 22,03 %, et 26,59 % en 2014.
La maison rouge brûle-t-elle ? Au sommet de la Fédération bruxelloise du PS, Ahmed Laaouej paraît persuadé de faire mentir les sondages une fois la machine de campagne socialiste mise en branle. Le meeting de mercredi, devant plus de 300 militants, l'a rassuré.
"Franchement, l'ambiance est bonne au PS. Ce n'est pas la panique à bord. On est toujours sous-évalués dans les sondages. On travaille à notre stratégie, il reste deux ans", abonde Philippe Close, bourgmestre de Bruxelles. "Ce qui se passe, c'est que le fédéral prend tout l'espace, et c'est difficile pour la Région bruxelloise d'exister, face à ce rouleau compresseur".
Certains socialistes vont plus loin dans l'introspection. "À Bruxelles, on ne parle pas des sondages, que ce soit entre nous ou avec les militants, comme si rien ne se passait. Or, je ressens une incompréhension, une déception des militants. Si les chiffres restent comme ça, nous aurons du souci à nous faire", ajoute un poids lourd socialiste bruxellois. Les causes de ce tassement sont multiples.
Le PS se situe à des taux historiquement faibles, au niveau wallon comme bruxellois, mais c’est à l’instar de la social-démocratie européenne.
À Bruxelles, il subit une forte concurrence à gauche, avec Écolo et le PTB, tandis que le MR occupe presque seul le versant droit de l’échiquier.
Certains voient dans la baisse le reflet d’une sociologie changeante qui pousse les jeunes urbains diplômés à se tourner mécaniquement vers Écolo.
La double concurrence du PTB et d’Écolo
On nous cite aussi la succession difficile des Charles Picqué, Philippe Moureaux, Laurette Onkelinx.
La participation au pouvoir, que le PS occupe à tous les niveaux, est également évoquée. Un socialisme de compromis qui s'accorde mal au besoin de radicalité de nombreux électeurs de gauche, qu'incarne le PTB. "C'est bien qu'on soit au fédéral, on a vu que l'opposition ne nous réussissait pas", objecte Philippe Close.
Pour Pascal Delwit, politologue à l'ULB, le PS bruxellois se heurte à une "double concurrence" politico-électorale, davantage qu'en Wallonie. "Sur le segment classe moyenne/populaire salariée, il est fortement concurrencé par le PTB dans le nord-ouest, à Molenbeek, Laeken etc. Sur la partie du sud et à l'est, là où le PS est faible, comme Uccle, Watermael-Boitsfort, il y a Écolo. Ce parti est aussi présent là où le PS est fort, comme à Forest ou Saint-Gilles. Or, cela ne débouche pas sur une réflexion et une action pour combler ce déficit de présence politique", constate Pascal Delwit, qui tempère la portée des classements entre partis en raison d'une marge d'erreur plus importante à Bruxelles. "En 2019, le PS n'était premier à la Région dans aucun sondage et il a terminé en tête. Ceci étant dit, il est vrai que le PS ne se porte pas bien, et le PS bruxellois en particulier. On ne voit pas assez sa marque spécifique dans le gouvernement bruxellois. C'est plus difficile pour un ministre-Président qui coordonne six partis. Une autre difficulté de Rudi Vervoort est que le PTB bruxellois est particulièrement assertif sur le logement. Le PS, qui exerce cette compétence, ne parvient pas à la marquer de son empreinte."
La ligne du parti sur plusieurs dossiers tels que le port du voile dans l'administration ou l'abattage rituel a été plus difficile à définir dans la capitale. "D'un côté, il y a ceux qui disent que le PS n'a pas assez défendu les musulmans . De l'autre, le camp laïque qui dit que la frange du PS bruxellois qu'incarne Ahmed Laaouej, Jamal Ikazban et Redouane Chahid est dans le renoncement à certaines valeurs. C es deux franges sont plus difficiles à réconcilier à Bruxelles. Le PS bruxellois, c 'est comme la F1, chacun travaille pour son écurie ", reprend ce poids lourd socialiste bruxellois.
"Close préfère rester bourgmestre"
Les relations compliquées entre Rudi Vervoort et Ahmed Laaouej, de même que le manque de leadership du ministre-Président bruxellois sont aussi évoqués. Au PS bruxellois, on justifie principalement les difficultés de Rudi Vervoort par les problèmes que posent Alain Maron (Écolo) et surtout Bernard Clerfayt (Défi), jugé trop conflictuel, au sein du gouvernement.
Si sa succession anime les débats, c'est surtout en vue de 2024. Philippe Close, voire Ahmed Laaouej et Caroline Désir, sont cités. Mais en interne, rares sont ceux qui croient en un départ de l'Everois avant la fin de la législature. "Changer de ministre-Président maintenant serait avouer une erreur stratégique", pointe un historique du PS bruxellois. "Et puis, il faut la bonne personne. Il y a Philippe Close. Mais ma conviction est qu'il préfère rester bourgmestre que d'aller à la Région." La donne pourrait être différente en 2024. À condition que le PS reste le premier parti…