Faut-il revoir la charte qui fixe les règles du cordon sanitaire en Belgique ? "Un point particulier pourrait être ajouté"
La Charte de la démocratie réactualisée en 2002 et qui fixe les règles du cordon sanitaire en Belgique francophone mérite-elle d’être revue ? Faut-il aussi, comme le demandent certains élus, l’étendre au PTB ? Tentative de réponses avec Pascal Delwit, politologue à l’ULB, et Benjamin Biard, politologue au Crisp.
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Publié le 25-04-2022 à 20h37 - Mis à jour le 26-04-2022 à 09h21
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À la première question, Pascal Delwit ne voit pas très bien "ce que les partis démocratiques pourraient modifier profondément dans le texte existant. Il est vrai que les textes datent un peu et qu'ils ne tiennent pas compte des réseaux sociaux. Mais, même en en tenant compte, je ne vois pas ce que l'on pourrait modifier".
Et même s'il admet que l'on peut discuter de la question de l'argent dépensé par le Vlaams Belang dans les réseaux sociaux comme Facebook, il ne voit toujours pas "ce que les partis démocratiques pourraient en tirer".
Pour Benjamin Biard, "le volet déontologique de cette charte qui évoque le comportement à adopter ou à ne pas adopter est extrêmement complet. Tous les types de relations sont prévus. Le seul point qui pourrait peut-être être ajouté concerne le traitement médiatique de l'extrême droite à l'étranger. Prenons l'exemple du deuxième tour de l'élection en France et le fait que les discours de Le Pen et de Zemmour ont été retransmis à la télévision belge".
Le politologue du Crisp estime, par contre, qu'il n'est probablement pas mauvais de remettre en avant "ce document qui est déjà ancien". "On peut même se demander si le fait que le président du MR ait débattu avec le président du Vlaams Belang n'aura pas comme effet de redonner une nouvelle jeunesse à ce texte, mais j'extrapole peut-être."
Réaffirmer le rejet
Sur cette question, Benjamin Biard se demande aussi s'il ne serait pas nécessaire que, de temps en temps, les partis démocratiques "réaffirment leur rejet de l'extrême droite".
Rappelons qu'en 1994 le président du PSC (actuellement Les Engagés) Gérard Deprez avait débattu avec le président du FN Daniel Féret. "Deprez s'inscrivait dans une logique pédagogique et de déconstruction du discours du FN. Néanmoins, il s'est vite aperçu que la logique du débat, même de cette façon, n'empêchait pas le FN de dérouler son discours", explique Pascal Delwit.
Quant à la question de l'élargissement du cordon sanitaire médiatique et politique à l'égard du PTB, la chose semble loin d'être entendue.
Pascal Delwit donne quelques repères historiques. "Je ne pense pas que le PTB corresponde aux critères mis en place à la fin des années 1980 et au début des années 1990. Il faut rappeler le contexte de l'époque, où la parole était très libre en Belgique. C'est surtout le programme en 70 points du Vlaams Blok qui a servi d'élément déclencheur. Un programme qui remettait en cause l'état de droit et la Déclaration universelle des droits de l'homme. Et de nombreux cadres affichaient des formes d'incitation à la haine raciale."
Aujourd'hui, Pascal Delwit ne voit pas "sur quoi pourrait s'appuyer la mise en place d'un cordon sanitaire à l'égard du PTB". "Ni dans leurs programmes électoraux ni dans les textes de leurs trois derniers congrès je ne vois quoi que ce soit qui mette en cause l'état de droit."
Sur cette même question, le politologue du Crisp précise lui aussi qu'"on voit mal comment un cordon sanitaire pourrait s'instaurer à l'égard du PTB puisque ce n'est pas un parti qui s'inscrit dans une logique xénophobe et raciste. Même s'il y a quelques socialistes et plusieurs libéraux qui le souhaitent, il n'y a pas d'unanimité comme c'était le cas à l'époque du Vlaams Blok".
Le communisme, oui, mais…
Quant à la question du communisme, idéologie défendue par le PTB, Benjamin Biard s'interroge. "Le PTB est-il encore un parti communiste ? C'est un parti ouvrier qui capte une partie de l'électorat socialiste, c'est une formation de gauche radicale qui a évolué, mais leur position face au communisme est moins claire. Au sein même du communisme, il y a d'ailleurs plusieurs tendances différentes."
Le seul concept par lequel Benjamin Biard voit une possibilité de décréter un cordon sanitaire politique et médiatique à l'égard du PTB, s'il y avait consensus évidemment, c'est le populisme. "Les sciences politiques ont mis en évidence que le populisme pouvait constituer un danger pour les fondements de la démocratie. Sur cet angle-là, on pourrait peut-être le justifier, mais alors c'est le principe de base du cordon sanitaire qui est remis en cause."