Le patron de la Défense avertit: "Il faut passer d’une industrie de paix à une industrie de guerre"
Les besoins en armes et munitions sont énormes. Les industriels peinent à suivre.
/s3.amazonaws.com/arc-authors/ipmgroup/f394a229-cc41-4a6d-bbe2-7a0025d5130c.png)
- Publié le 18-07-2022 à 21h39
- Mis à jour le 18-07-2022 à 21h40
:focal(2245x1505:2255x1495)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/O2ZFPSPMOVEWLHBKHO5P67QNX4.jpg)
À peine nommé, le nouveau ministre français des Armées envoyait un message au secteur industriel. "Les industriels de la défense doivent être au rendez-vous de l'économie de guerre", prévenait Sébastien Lecornu, dans Les Échos, début juillet. En Belgique, le chef de la Défense (Chod), l'amiral Michel Hofman, est sur la même longueur d'onde. "Il faut passer d'une industrie de paix à une industrie de guerre", a-t-il dit, lundi, lors d'une rencontre avec la presse écrite.
L'industrie de paix, c'est celle "où tout est régulé, avec des contrats dont on connaît le début et la fin, qui permettent de dimensionner la chaîne de production". Ce schéma est obsolète, selon lui. "Il faut basculer vers une industrie où le tempo de production est beaucoup plus élevé, en gardant la même qualité."
Le contexte militaire est transfiguré depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Les États européens, dont la Belgique, ont accéléré leurs politiques de réarmement. En parallèle, ils envoient des armes et des munitions aux forces ukrainiennes, le plus souvent en allant piocher dans leurs propres stocks. Cette logique atteint ses limites.
À l'image du ministre français Lecornu, les autorités nationales en Europe attendent de l'industrie qu'elle produise plus, plus vite, et à des coûts maîtrisés. "Tous les pays ont les mêmes problèmes de réapprovisionnement de leurs stocks, explique l'amiral Hofman. Toutes les demandes arrivent en même temps, vers les mêmes industries. L'industrie n'est pas organisée pour absorber toutes ces demandes dans les délais impartis. Lorsque nous commandons des munitions, il faut entre un et quatre ans pour qu'elles soient livrées."
"Ce sera une gageure"
Le chef de la Défense ne minimise pas l'ampleur du défi. "C'est plus difficile de basculer vers une industrie de guerre avec des capacités militaires qu'avec des masques buccaux. Pendant la pandémie, certaines entreprises avaient pu se réorienter en six ou huit semaines pour fabriquer des masques. Pour des systèmes de combat et des munitions, c'est plus compliqué."
Concrètement, "il faut des lignes de production supplémentaires". "Une autre partie du problème, ce sont les ressources et les composants nécessaires pour des systèmes d'arme de plus en plus technologiques. Là aussi, on voit qu'il y a des ratés dans les livraisons. Ce qui pourrait améliorer la situation, c'est l'interopérabilité, la standardisation des munitions au niveau européen."
Les capacités actuelles de l'industrie ne devraient pas handicaper les programmes d'investissements majeurs à long terme. C'est plutôt la capacité de l'armée à répondre à une menace imminente, à être déployée en urgence et sur des périodes longues - ce qu'on appelle le readiness -, qui est menacée.
Avec la guerre en Ukraine, le gouvernement belge a débloqué un milliard d'euros entre 2022 et 2024 pour améliorer le readiness de la Défense. L'argent devrait être dépensé dans les délais impartis, selon le Chod. Par contre, les livraisons risquent de se faire attendre. "On va peut-être réussir à écourter des lignes de production, mais ce sera une gageure pour l'industrie. Si elle ne met pas le paquet, avec ou sans aides gouvernementales, ça ne sera pas facile."