Marie-Christine Marghem: "Il faut abroger la loi de sortie du nucléaire, les écologistes ont été suffisamment prévenus, hein"
Marie-Christine Marghem (MR) s’attaque au principe de sortie de l’énergie nucléaire en Belgique et lorgne les voix de l’opposition. Parallèlement à ce nouvel épidsode de la “saga nucléaire”, la facture des dépenses publiques pour faire face à la crise de l’énergie atteint près de 7 milliards en 2022.
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- Publié le 20-09-2022 à 06h41
- Mis à jour le 22-09-2022 à 11h48
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Marie-Christine Marghem, ancienne ministre fédérale de l'Énergie, est désormais membre de la Chambre des représentants. La prolongation de réacteurs nucléaires fait partie des gros dossiers du moment et elle craint que la Belgique tergiverse. La députée vient de déposer un texte visant à abroger la "loi de 2003", c'est-à-dire le cadre historique permettant l'abandon de l'atome. Face aux désaccords au sein de la majorité fédérale, elle veut jouer "un rôle d'aiguillon". Elle s'exprime ici en tant que présidente du MCC (Mouvement des citoyens pour le changement), une composante du MR.
De nombreux partis s’affichent en faveur de la prolongation de plus de deux réacteurs nucléaires en Belgique. Au sein de la majorité fédérale, Écolo et Groen souhaitent s’en tenir à la prolongation de Tihange 3 et Doel 4. Faut-il passer en force face aux verts via une majorité alternative s’appuyant sur l’opposition ?
Dans la population, de plus en plus de gens sont en faveur du nucléaire, y compris parmi les électeurs d’Écolo et de Groen. La sécurité d’approvisionnement en énergie est une préoccupation qui est partagée par tout le monde. J’ai déposé une première proposition, prise en considération en mars 2020, pour la prolongation de réacteurs dans le cadre de la loi de 2003 (la loi de sortie du nucléaire). Aujourd’hui, dans la situation où nous sommes, avec des risques de black-out en France cet hiver, avec l’Allemagne qui quitte le nucléaire mais qui est asséchée en gaz, on sait que l’on va avoir de grosses difficultés. La Belgique devra combler le manque cet hiver en allant chercher chez nos voisins, avec de l’interconnexion pure. Or, vu le contexte, les pays voisins vont d’abord servir leur propre territoire en électricité. Donc, on risque de ne rien recevoir. Pour ces raisons, j’ai été incitée à déposer une nouvelle proposition de loi destinée à abroger la loi de 2003.
Aurez-vous le soutien des écologistes au sein de la coalition fédérale ? Peu probable…
En 2003, Olivier Deleuze (Écolo), secrétaire d’État à l’Énergie, conditionnait la sortie du nucléaire à la sécurité d’approvisionnement. Aujourd’hui, cette condition n’est pas rencontrée. Nous ne disposons pas d’énergie alternative massive : on n’a que 20 % de renouvelable. Par ailleurs, le nucléaire a été reconnu comme énergie durable par la taxonomie européenne. Bref, cette loi de sortie du nucléaire est dépassée et il faut s’en séparer. Je fais le tour de la Vivaldi et je ne pense pas que l’establishment d’Écolo et de Groen signera mon texte… Comme il s’agit d’une proposition d’intérêt national, vitale pour la Belgique, je ne m’opposerais pas à ce que des parlementaires issus des partis démocratiques soutiennent mon texte, même s’ils ne font pas partie de la majorité.
Vous appelez à une majorité alternative ?
Je ne veux pas dire les choses de cette manière, pour ne pas que le texte fasse figure de repoussoir. Ce qui manque, c'est du courage : il faut penser out of the box, rendre les choses plus efficaces et plus rapides en se débarrassant du corset que représente la loi de 2003. Cette loi est complètement has been, elle ne correspond plus à la réalité. Si on l'abroge, on retrouvera pour chaque réacteur un arrêté d'exploitation à durée limitée qui en conditionne la production. Le gouvernement fixera alors une ligne claire pour demander à Electrabel (Engie) de prolonger tout ce qui est prolongeable et de mener les études avec l'Agence fédérale de contrôle nucléaire pour aboutir à cet objectif.
Si l’opposition adopte votre texte et qu’une majorité alternative voit le jour, c’est toute la Vivaldi qui vacillerait… Les écologistes ne vont pas l’accepter.
Écoutez, ils ont été suffisamment prévenus, hein. J’ai été pondérée, observatrice. Or, je vois qu’il y a des partis de la majorité fédérale qui commencent à bouger très fortement. Il y a une discussion qui vit au sein du gouvernement et qui a besoin d’être aidée. Nord Stream I (gazoduc reliant la Russie à l’Allemagne via la Baltique) est complètement fermé, il y a une menace de black-out… Il faut donc oser quelque chose d’autre.
Agir au niveau européen, par exemple ?
Certains attendaient de l’Europe qu’elle plafonne les prix du gaz - la Belgique figurait parmi les pays les plus revendicatifs -, mais ça ne va pas arriver… On ne peut pas attendre plus longtemps alors que des familles entières vacillent dans la précarité, que des entreprises vont devoir fermer, licencier. Je suis tombée sur une pensionnée qui a 1 200 euros de pension et qui a une facture de… 1 200 euros. Qu’est-ce qu’elle fait ? C’est grave. Il serait inadmissible que les responsables au plus haut niveau ne bougent pas sur ces questions alors que la réalité nous crève les yeux.