Financement des partis : en finir avec la particratie
Le politologue Bart Maddens estime qu’on touche aux limites d’un système.
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Publié le 23-09-2022 à 14h30
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Dans notre pays, le financement des partis politiques est un sujet de préoccupation permanent mais aussi un réel enjeu démocratique. En quelques années, la Belgique est passée d'un système dérégulé à un financement public des groupes politiques représentés dans les parlements. Mais le contrôle de ces dispositifs pose toujours problème. Il a lieu au sein de la Commission de contrôle des dépenses électorales et de la comptabilité des partis politiques. Dans les faits, les contrôleurs et les contrôlés ne font qu'un et les sanctions sont rarissimes. Pour le politologue Bart Maddens, professeur à la KU Leuven, on touche aux limites d'un système. "Une réforme s'impose. Elle passe par un débat sur le rôle des partis politiques dans la société actuelle", déclare-t-il à La Libre.
Les extrêmes en profitent
Notre interlocuteur explique que les partis politiques restent discrets sur l'usage qui est fait des deniers publics. "Nous savons que la N-VA, le Vlaams Belang et le PTB-PVDA consacrent des montants importants à des campagnes de communication sur Facebook", souligne Bart Maddens.
"Rien que pour les six premiers mois de 2022, le parti nationaliste a dépensé plus de 823 000 euros. Le Vlaams Belang : 573 000 euros. Le PTB-PVDA : 310 000 euros. C'est énorme comparé à d'autres pays européens", observe le politologue.
Le montant annuel que les partis politiques en Belgique ont dépensé en publicité sur Facebook en 2020 dépasse les 4,8 millions d’euros. Les politiciens belges sont d’ailleurs les champions d’Europe dans la promotion de leur page sur le réseau social.
La dotation aux partis politiques s'avère fort généreuse chez nous. "Aux Pays-Bas, les partis politiques touchent 17 millions d'euros. En Belgique la manne à partager s'élève à… 74 millions", relève le politologue.
Une possibilité ne serait-elle pas de réduire progressivement le niveau de la dotation publique en diversifiant les sources de revenus en sachant que la contribution belge aujourd’hui représente plus de trois quarts des revenus des partis ? C’est ce qu’a préconisé le député Groen Kristof Calvo. Le Malinois prône une déduction fiscale des dons aux partis politiques pour compenser une réduction des dotations publiques.
Bart Maddens est partisan de cette proposition, mais ajoute qu'il existe différentes manières de stimuler les dons : "En Allemagne par exemple, l'État rajoute 0,45 euro par euro donné à un parti."
Il prend aussi l'exemple du Parlement européen : "Les partis doivent percevoir 10 % de leurs revenus du privé. Cette technique est la plus évidente. Mais 10 %, ça reste très bas : 20-25 % me semblent préférable. S'ils n'atteignent pas ce pourcentage, leurs dotations diminuent."
M. Maddens constate aussi un manque de vision concernant le rôle et les missions des partis politiques dans notre pays. "Chez nous, les partis peuvent affecter des fonds destinés aux groupes parlementaires pour le fonctionnement du parti. Dans d'autres pays, on ne peut pas utiliser des moyens destinés aux groupes politiques pour le parti", explique-t-il.
Le professeur prône une nette séparation, à l’exemple des Pays-Bas et de l’Allemagne, de la dotation pour les partis politiques et de celle des groupes parlementaires.
Les partis sont-ils prêts à légiférer sur eux-mêmes ? Dès que le gouvernement met en place des règles, les partis vont essayer de les contourner. "Sans une séparation claire entre les différents flux d'argent et la manière dont ils peuvent être utilisés, il est impossible d'avoir une vue claire sur le financement des partis politiques et d'en augmenter la transparence et le contrôle effectif", argue M. Maddens.
Pour progresser dans la réflexion, notre interlocuteur propose d'organiser un débat incluant toutes les parties prenantes consacré au rôle des partis politiques. "Nos partis sont en train de se déconnecter progressivement de la société civile et pourtant ils restent au pouvoir. Pour renforcer la transparence, il faut ramener les citoyens au centre des discussions", professe-t-il.