"C’était assez tendu" : la réforme des pensions empoisonne encore la vie de la Vivaldi
Le Premier ministre Alexander De Croo (Open VLD) a tenté de passer en force sur le dossier pensions, fustige le PS. La droite appelle à une réforme plus ambitieuse pour satisfaire les exigences de la Commission européenne. L’ambiance était pesante en kern, ce vendredi.
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Publié le 16-12-2022 à 18h10 - Mis à jour le 16-12-2022 à 21h11
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En aboutissant à un accord au forceps sur la réforme des pensions en juillet, l’équipe De Croo pensait se retirer une belle épine du pied. Mais voilà que cinq mois plus tard, le dossier revient subitement empoisonner la Vivaldi. La Commission européenne n’est en effet pas convaincue de la copie présentée, qui selon elle, ne contribue pas à la “soutenabilité financière” de la sécurité sociale et des finances publiques belges. L’Europe conditionne désormais l’octroi du versement d’une partie non négligeable de son plan de relance (847 millions d’euros sur les 4,5 milliards prévus pour la Belgique) à une révision de la réforme.
Pour rappel, en juillet, la Vivaldi s’était accordée sur un paquet de trois mesures : un “bonus pension” pour les travailleurs qui poursuivent leur carrière au-delà de la date légale de leur retraite, une condition de travail effectif pour prétendre à la pension minimum, ainsi qu’une revalorisation du travail à temps partiel dans le calcul de cette pension minimum. Or, selon les calculs du Bureau du plan, ces mesures entraîneraient un surcoût budgétaire à terme, chiffré entre 0,1 et 0,3 % du PIB à l’horizon 2070.
Une note surprise qui passe mal
Face aux exigences de la Commission européenne – du “chantage”, selon le président du PS Paul Magnette – le fédéral a été obligé de se remettre illico autour de la table. Après un premier kern de “débroussaillage” vendredi dernier, des réunions trilatérales entre le Premier ministre Alexander De Croo (Open VLD), la ministre des Pensions Karine Lalieux (PS) et chaque vice-Premier devaient se tenir cette semaine, afin que chacun puisse exprimer ses doléances. En raison de l’agenda “trop chargé” du Premier ministre – forcé notamment de s’expliquer sur le “Whatsappgate” -, ces rencontres en petit comité ont dû être reportées. Ce qui n’a pas empêché le cabinet De Croo de faire cavalier seul et de plancher sur une note, qui a atterri dans la boîte mail des sept vice-Premiers, jeudi soir. Et qui a bien failli étrangler les socialistes.
Dans cette note aux saveurs très libérales – que La Libre a pu se procurer -, Alexander De Croo souhaite aller beaucoup plus loin qu’une simple révision de l’accord intervenu en juillet. “Ce socle ne suffira pas à convaincre la Commission européenne dans le cadre du Plan de relance”, précise le courrier. Outre les mesures de correction (dont le plafonnement du bonus pension), le Premier présente des mesures supplémentaires pour réaliser des économies. Il est notamment question de ne pas mettre en œuvre la quatrième augmentation de la pension minimale prévue au 1er janvier 2024. Un point qui figure pourtant dans l’accord du gouvernement et sur lequel la Vivaldi avait déjà tranché en octobre 2020. Des propositions imbuvables pour les socialistes, qui s’indignent de l’absence de concertation sur le dossier et vont jusqu’à évoquer une “rupture de confiance” avec le Premier ministre.
Un travail en deux temps
La note était au menu du kern, ce vendredi midi. Et sans surprise, l’ambiance y était glaciale. “C’était assez tendu”, confirme une source proche du dossier. Si les libéraux ont globalement appuyé la proposition de De Croo, l’aile gauche du gouvernement s’y est farouchement opposée.
Pour le PS, ce “catalogue de mesures de droite” ne peut absolument pas servir de base pour la suite des discussions. D’autant que la ministre Lalieux assure avoir travaillé pendant des mois sur des “propositions très concrètes” pour répondre aux exigences de l’Europe, en prévoyant notamment un plafonnement de la péréquation des fonctionnaires. Pour Ecolo, qui fustige une note "déséquilibrée", il est impensable de remettre en cause le relèvement des pensions les plus basses. "C'est une démarche très à droite mais très maladroite", résume le vice-Premier ministre Georges Gilkinet.
La droite, tant au nord qu’au sud du pays, emboîte le pas à De Croo et appelle à “redresser la barre” en proposant une réforme bien plus ambitieuse. “La Commission est très claire : la simple correction des mesures n’est pas suffisante. On ne peut pas se permettre de rester dans l’inaction”, glisse une source libérale.
Le kern du jour a finalement abouti à deux conclusions. D’ici au 13 janvier, date limite à laquelle la Belgique doit introduire sa première demande de paiement du plan de relance à la Commission, il faudra d’abord s’atteler à corriger l’accord de juillet pour qu’il soit neutre budgétairement. Ensuite, seulement, il pourra être discuté d'éventuelles mesures supplémentaires en vue de l’ajustement budgétaire, prévu au mois de mars.