L’ex-chauffeure de Valérie De Bue a porté plainte contre son chef de cabinet : “Les SMS d’hommes, il faut faire avec… Mais là c’était mon chef”
Nathalie B. a porté plainte contre Jean-Marc Galand, chef de cabinet de Valérie De Bue, pour harcèlement. En juin 2021, juste après s’être vue communiquer son licenciement, elle avait fait informer la ministre du problème.
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Publié le 01-02-2023 à 21h22 - Mis à jour le 01-02-2023 à 21h33
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Le chef de cabinet de Valérie De Bue (MR), licencié la semaine dernière par la ministre wallonne, fait l’objet d’une plainte pour harcèlement et licenciement abusif.
La Libre a contacté l’auteure de la plainte. Nathalie B. a travaillé durant un an et demi comme chauffeure de la ministre wallonne du Tourisme et de la Fonction publique. Cette mère de 4 enfants, qui était la seule femme dans un pool de quatre personnes, s’est vue signifier le 2 mai 2021 son licenciement prochain. Elle avait rentré tardivement les fiches de route censées lui permettre d’être remboursée de ses kilomètres. Elle s’estime alors lésée, car les sommes engagées ne lui ont pas été remboursées. Le cabinet, de son côté, invoque la gravité des risques encourus pour une déclaration tardive, notamment vis-à-vis de la Cour des comptes.
Au début de la législature précédente, un chauffeur de Jean-Marc Galand, le chef de cabinet de la ministre, avait déjà été licencié. L’intéressé avait ensuite obtenu gain de cause auprès du conseil d’État. Le cabinet avait dû lui payer des indemnités.
Ce second licenciement a toutefois eu des conséquences plus importantes.
”Le jour où on m’a mise dehors, j’ai décidé d’agir”, souligne Nathalie B. La collaboratrice évincée, en effet, a décidé, en mai 2021, de dénoncer certains comportements du directeur de cabinet. “Dans la vie de tous les jours, je suis une dame fort appréciée et il y a des limites à ce qu’on peut accepter. J’ai pris un avocat. Et j’ai fait parvenir à la ministre des SMS que je recevais de Jean-Marc Galand.”
La ministre en sera informée dans un courrier envoyé en mai 2021 par Me Maxim Töller. L’avocat de la plaignante y déplore que sa cliente fasse “depuis qu’elle a véhiculé ce monsieur (Jean-Marc Galand), l’objet d’approches répétées et lourdes de sa part et dont le caractère sexuel ne fait aucun doute”.
"M. Galant conteste tout harcèlement"
”M. Galant conteste fermement toutes formes de harcèlement envers la personne en question et envers qui que ce soit au sein du cabinet”, rétorque Me Lemmens, l’avocat de l'ex-chef de cabinet. “Il considère que le courrier dont il est fait état, déjà très ancien, est diffamatoire.”
Nathalie B. revient sur les évènements.
”Un soir, Jean-Marc Galand m’a prise en remplacement comme chauffeure. Il m’a fait arrêter sur le bord de la route à Namur, dans le noir. Il a pris le volant. C’était surprenant… C’est à partir de là (début 2020) que les SMS ont commencé, pour m’inviter, me voir hors des heures de travail, sortir avec moi. Ça a duré plusieurs mois, c’était presque tous les jours.”
Les SMS que La Libre a pu consulter vont en effet dans le sens d’un net dépassement du strict échange professionnel.
Elle ne portera toutefois plainte que près d’un an plus tard. “Il y a eu une réflexion de ma part car j’avais peur de porter plainte. Je l’ai finalement fait, en avril 2022, car c'était difficile d'oublier."
"Mon erreur a été de faire semblant de rien”
“J’ai fini par lui dire : 'Arrête, tu vas me mettre en danger'. Mais il continuait. Je suis une femme discrète et je sais que les SMS d’hommes, il faut faire avec… Mais là, c’était mon chef. Je faisais donc semblant de rien, reprend la plaignante. C’était pendant le confinement, et j’avais d’autant plus peur de perdre ma place. Dans cette affaire, j’ai regretté qu’il n’y ait pas de cellule d’écoute au sein du cabinet. J’étais une femme seule, une chauffeure entourée d’hommes. Mon erreur a été de faire semblant de rien.”
S’agit-il de harcèlement ou d’avances, voire d'une relation entre adultes potentiellement consentants ? Dans son courrier à Valérie De Bue, M. Töller livre son analyse sur la question. “La drague d’un supérieur est un geste imposé de force lorsqu’elle s’adresse à une subalterne, car celle-ci n’a que des possibilités de fuites limitées et se retrouve dans un piège”, écrit l'avocat, soulignant que la solitude “est précisément le cadre dans lequel une subalterne doit naviguer lorsqu’elle est l’objet des attentions déplacées d’un supérieur”.
Le courrier d’avocat du 3 mai provoquera une rencontre, le 3 juin 2021, entre Nathalie B., la ministre, leur avocat respectif et deux autres membres du cabinet.
Mercredi, dans La Libre, le porte-parole de la ministre a confirmé qu’en début de législature “un courrier d’avocat émanant d’une personne licenciée par le cabinet évoquait un problème avec le chef de cabinet”, et a admis qu’il “a été un des éléments pour justifier” le licenciement de Jean-Marc Galand.
En mai 2021, pourtant, lorsque le problème a été porté à sa connaissance, la ministre n’a pas pris le parti de sa chauffeure. La ministre a réprimandé son chef de cabinet pour lui avoir caché l’existence d’une relation avec l’une de ses collaboratrices. Mais Valérie De Bue a jugé qu’en l’absence de plainte, sans preuve ni élément de culpabilité suffisant, la présomption d’innocence devait primer. Cet épisode a toutefois contribué à détériorer la confiance entre la ministre et Jean-Marc Galand. Jusqu'à son licenciement, la semaine dernière.
Une ancienne collaboratrice contredit la version de la ministre: "Valérie De Bue ne m’a pas crue"
Pour le reste, la ministre assure n’avoir jamais “reçu le moindre signe émanant de qui que ce soit au sein du cabinet concernant le comportement éventuellement problématique de Jean-Marc Galand”.
Sylvie T., assistante personnelle de la ministre en 2017 et 2020, contredit cette version. “Je me suis ouverte auprès de la ministre, durant la précédente législature déjà, du cas de Jean-Marc Galant, pour dénoncer ses agissements envers une personne du cabinet (NdlR : qui n’était pas Nathalie D.)”, nous indique-t-elle, évoquant à nouveau l’envoi de messages WhatsApp. “Valérie De Bue ne m’a pas crue et elle n’a rien fait. Cela a fini par détériorer mes relations avec la ministre. Au final, après un certain temps, c’est moi qu’on a poussée vers la sortie.”
La ministre De Bue n’a pas souhaité réagir personnellement à ces propos. Dans son entourage, on nous indique toutefois que la Nivelloise n’a été informée d’aucun fait de harcèlement par sa collaboratrice, celle-ci s’étant contentée de lui parler de la réputation de coureur de jupons de son chef de cabinet.