Pourquoi les ministres fédéraux ne remettent pas en question les montants des rémunérations des top managers
La limitation de ces salaires décidée il y a quelques années est suffisante, selon eux.
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Publié le 01-02-2023 à 06h41 - Mis à jour le 01-02-2023 à 06h43
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Pour l’heure, on ne touche à rien. Les top managers des administrations et entreprises publiques ou à participation publique significative gagnent très bien leur vie. 150 000, 200 000, 300 000, parfois un million d’euros brut par an, comme La Libre avait pu le mettre en évidence la semaine dernière. Le politologue Jean Faniel faisait remarquer à cette occasion qu'“il n’est pas évident d’établir un lien” entre le niveau de la rémunération d’un dirigeant et l’importance des responsabilités qu’il assume ou l’utilité sociétale de son entreprise.
Ces top managers gagnent-ils trop ? Faudrait-il réduire ou plafonner leurs salaires ? Le sujet n’est manifestement pas sur la table du gouvernement fédéral. Aucun des ministres interrogés par La Libre ne remet en cause la hauteur de ces rémunérations.
”Les derniers accords passés au sein du gouvernement fédéral concernant les salaires des top managers datent de 2016, rappelle le cabinet du vice-Premier ministre CD&V, Vincent Van Peteghem. Il avait alors été décidé qu’un top manager pouvait gagner au maximum 290 000 euros par an. Ce montant est indexé. Le régime actuel prévoit un équilibre entre une rémunération suffisamment compétitive et le fait de ne pas mettre en danger les opérations commerciales des entreprises publiques.”
Depuis le départ de Didier Bellens
”Les entreprises publiques ont une fonction exemplative. Elles doivent offrir un emploi de qualité, dans un cadre de service public, en évitant une tension salariale démesurée, prolonge le vice-Premier Écolo, Georges Gilkinet. Depuis le départ de Didier Bellens de la tête de Belgacom (devenue Proximus), on en est revenu à des politiques salariales plus raisonnables, avec un maximum salarial communément admis comme équivalent à celui du Premier Ministre, ce qui correspond peu ou prou aux barèmes des CEO des entreprises publiques sous ma responsabilité” – la SNCB (319 000 euros brut en 2021), Infrabel (317 000 euros brut en 2021) ou Skeyes (317 000 euros brut en 2021)
Les rémunérations en vigueur à la Banque nationale et chez Belfius (détenue à 100 % par l'État belge) sont très supérieures au plafond.
Les rémunérations en vigueur à la Banque nationale et chez Belfius (détenue à 100 % par l’État belge) sont très supérieures au plafond. Vincent Van Peteghem, en sa qualité de ministre des Finances, ne les remet toutefois pas en question.
Concernant le gouverneur de la Banque nationale (465 000 euros brut en 2021, plus une prime d’assurance groupe de 103 000 euros, et divers avantages), “une révision du régime actuel n’est pas sur la table pour le moment”, indique le cabinet du ministre. “Le montant actuel répond à une rémunération compétitive afin de recruter un profil qui répond à la norme fit and proper (juste et appropriée) nécessaire pour l’organisation.”
Quand l’entreprise est cotée en Bourse
Quant à la rémunération du patron de Belfius (684 000 euros brut en 2021, plus assurance groupe de 220 000 euros et rémunération variable), elle “est soumise à une analyse de proportionnalité par la Banque nationale, qui s’assure que cette rémunération ne met pas en danger les opérations commerciales normales de l’institution financière. Cela vaut pour toutes les institutions financières.”
”Les entreprises bpost et Proximus communiquent de manière transparente les salaires de leurs CEO. Il leur revient d’en définir les montants”, commente pour sa part le cabinet de la vice-Première ministre Groen, Petra De Sutter, qui a la tutelle sur ces deux sociétés. En 2021, le grand patron de Proximus avait gagné autour d’un million d’euros brut. Et celui de bpost, 530 000 euros. “Concernant les salaires des top managers des sociétés cotées en Bourse, et en particulier dans les secteurs concurrentiels des télécoms et de l’e-commerce, la compétitivité du marché international joue un rôle important”, ajoute le cabinet de la ministre, sans réellement prendre position.
Enfin, également sollicitée, la ministre de l’Énergie, Tinne Van der Straeten (Groen), estime ne pas avoir à commenter la rémunération du CEO d’Elia (1 million d’euros brut en 2021), entreprise cotée en Bourse qui a le monopole du transport de l’électricité en Belgique.
”Ce régime est suffisamment transparent”
Plusieurs administrations ou entreprises contactées par La Libre, la semaine dernière, n’avaient pas communiqué la rémunération de leur patron. Parmi elles, la Régie des Bâtiments. Son administrateur général, Laurent Vrijdaghs, assure qu’il s’agit d’un malentendu et communique à présent sa rémunération annuelle : 102 162,42 euros brut (montant barémique non indexé), avec une voiture de fonction Audi A4 Avant, GSM et ordinateur portable. Selon les données de la Cour des comptes, sa rémunération était d’environ 200 000 euros brut en 2020.
M. Vrijdaghs, comme Jannie Haek, administrateur délégué de la Loterie nationale (plafond de 290 000 euros hors indexation), ne donne pas la rémunération actualisée. “La Loterie Nationale est une entreprise publique autonome qui peut décider elle-même si elle communique ou non la rémunération de son CEO, commente le cabinet du ministre des Finances, qui a la tutelle sur la Loterie. Cette rémunération est fixée par le conseil d’administration, avec un maximum de 290 000 euros, plus indexation depuis 2016. Ce régime est suffisamment transparent puisqu’il est clairement indiqué quelle est la rémunération maximale.”
Fedasil (en charge de l’accueil des demandeurs d’asile) n’avait pas communiqué la rémunération de sa directrice générale ad interim. Le cabinet de Nicole De Moor (CD&V), secrétaire d’État à l’Asile, fait remarquer que, “parfois, il est possible que Fedasil n’ait pas le temps de donner une réponse immédiate sur des questions moins urgentes”. Or l’agence est débordée à cause de la crise de l’accueil. Le cabinet De Moor ajoute que la rémunération de la directrice relève des barèmes de la fonction publique fédérale, qui sont publics.