En Wallonie, on ne contrôle pas assez l’utilisation de l’argent public malgré les mises en garde
Le détournement de 15 millions d’euros à la FN est un nouvel exemple de cette absence récurrente de contrôle.
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Publié le 03-02-2023 à 21h04
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Depuis plusieurs mois, une nouvelle direction a été mise en place à la FN Herstal. Les membres du comité exécutif qui ont décidé, notamment, de mettre fin à l’omerta exercée par l’ancienne équipe dirigeante ont aussi convenu de mettre un certain nombre de choses à plat. Quelle ne fut pas leur surprise de constater alors qu’un employé à mi-temps du service achats, Jean-Thomas Mayaka – lequel exerçait aussi la profession d’agent dans le monde du sport – aurait détourné depuis 2014 au moins un montant astronomique de 15 millions d’euros. Depuis la découverte de l’affaire, l’employé en question, qui semble avoir bénéficié de complicité parmi les sous-traitants de l’entreprise, est introuvable. Selon certaines sources, il pourrait être allé se cacher au Congo RDC.
La nouvelle direction du groupe n’a pas cherché à cacher cette affaire qui, une fois de plus, révèle une faille gigantesque dans l’utilisation de l’argent public en Wallonie – il faut, en effet, rappeler, que la FN Herstal est la propriété de la Wallonie à 100 %.
Dans cette affaire, l’ancienne direction du groupe FN Herstal, incarnée par Philippe Claessens, l’ancien administrateur-délégué, – remplacé par Julien Compère depuis quelques mois – est évidemment pointée du doigt. Tout comme le conseil d’administration, présidé par le très discret Jean-Sébastien Belle ou encore le comité d’audit présidé par Laurent Levaux. Nombreux sont en effet les observateurs du dossier qui se demandent pourquoi personne ne semble avoir réagi aux signaux d’alarme qui ont été déclenchés ces dernières années. En 2017, le prédécesseur de Laurent Levaux au comité d’audit, Pierre Meyers (ancien patron de CMI et ancien président du CA de… Nethys) avait quitté ses fonctions faute d’être entendu. Il réclamait depuis au moins deux ans, un renforcement des contrôles internes de l’entreprise.
Un rapport datant de 2017 pointait déjà les problèmes
En 2017, toujours, après le déclenchement d’un conflit social qui paralysait l’entreprise, le ministre wallon de l’Économie à l’époque, Jean-Claude Marcourt (PS) avait demandé à la patronne du Forem, Marie-Kristine Vanbockestal de mener une mission de médiation entre la direction et les organisations syndicales. La “facilitatrice” rédigera un rapport que la Libre a retrouvé. Dans ce rapport, elle préconisait des changements pour rendre certains services (dont le fameux service achat) de la FN Herstal plus efficace de manière rapide. En assurant, notamment, “une plus grande fluidité de la chaîne opérationnelle en sortant du silotage actuel, et ce, par une meilleure articulation entre entités, par des circuits de décisions raccourcis et par une meilleure coordination – collégialité – entre responsables d’entités”. L’administratrice générale du Forem encourageait aussi la direction du groupe à “une planification plus précise et une meilleure anticipation des achats, du stockage et de l’aménagement d’espaces pour les nouveaux équipements”. Enfin, dans ses conclusions, elle disait que “bien que des mécanismes de contrôle soient présents, il serait utile de mieux structurer l’anticipation et la gestion des risques, en établissant une cartographie des risques et en confiant le suivi tantôt à une fonction de contrôle interne, tantôt à un service d’audit interne”.
L’OWD, Nethys, etc.
Cette absence de contrôle est récurrente. Et ne concerne pas que la FN. Ce n’est pas la première fois que des mises en garde sont adressées en vain. Prenons l’exemple, en 2016, du détournement de plusieurs millions à l’OWD (Office wallon des déchets) par un comptable peu scrupuleux. La Cour des comptes avait pourtant, plusieurs fois pointé du doigt (depuis 2000), des problèmes de contrôle internes dans un grand nombre de structures publiques. Mais aussi, l’absence de séparation entre les rôles de comptables et de trésoriers dans certaines petites structures. Le monde politique n’avait pas bougé.
L’affaire Nethys est aussi symptomatique de la légèreté avec laquelle certains n’ont pas vu venir le problème. Il n’y a pas eu, ici, de détournement au sens judiciaire du terme, si ce n’est un détournement du pouvoir exercé au sein de la structure publique. L’intercommunale (Tecteo, puis Publifin) qui chapeautait Nethys a été vidé de sa substance via la création de filiales. Elle n’a, de plus, plus eu de tutelle pendant un certain nombre d’années. Les salaires des membres du management n’étaient pas connus, etc.
Combien faudra-t-il encore d’affaires de ce style pour que le monde politique wallon se saisisse enfin du problème ?