Dans la course au “16”, la rivalité monte entre Alexander De Croo et Paul Magnette: trois facteurs peuvent l'expliquer
L’actuel Premier ministre et le président du PS veulent tous les deux diriger le prochain gouvernement fédéral. Un signe que cette fonction a retrouvé du lustre, mais aussi que les socialistes et les libéraux ne se feront pas de cadeau aux prochaines élections.
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Publié le 07-02-2023 à 06h39
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Dans la phase finale de la formation de la coalition Vivaldi, les techniciens du PS et de l’Open VLD avaient pris les choses en main. Imposant une cadence infernale aux experts des autres formations, les deux co-formateurs, Paul Magnette et Alexander De Croo, avaient arraché un pacte de majorité au bout d’une dernière nuit de palabres. Le 30 septembre 2020, entourés des marbres du Palais d’Egmont, ils présentaient à la presse les contours de leur accord. Qui allait devenir le chef du gouvernement fédéral ? Alexander De Croo. Par boutade, un large sourire illuminant son visage, ce dernier a expliqué aux journalistes que le président du PS et lui avaient tranché la question en jouant à pile ou face…
Une promenade très politique
En fait, l’attribution du “16” n’était pas le fruit du hasard mais le résultat d’une promenade. La veille de cette annonce, le président du PS et le président de l’Open VLD, Egbert Lachaert, avaient fait quelques pas seul à seul dans les jardins du Palais d’Egmont. “J’y ai réfléchi, je laisse le 16 à Alexander”, avait soudainement confié Paul Magnette. En échange, il réclamait notamment le portefeuille lié à la Relance pour Thomas Dermine, son fils spirituel en politique et bras droit durant les négociations. Alexander De Croo n’apprendra que le lendemain matin le tournant que devait prendre sa carrière personnelle.
Deux ans et demi plus tard, il ne reste plus rien de cette cordialité. Le poste de Premier ministre est désormais ouvertement convoité par le patron des socialistes francophones. À de multiples reprises, il a affirmé, réaffirmé, son ambition nationale. Encore la semaine dernière, il a déclaré dans une interview qu’il ne déclinerait pas ses responsabilités si la famille socialiste arrivait en tête en 2024. Traduction : il compte bien devenir Premier ministre si le PS cartonne aux élections. C’était écrit, cela dit. Dans la DH, il y a deux ans, le président du PS avait reconnu que l’attribution du “16” à De Croo a été “un peu frustrante” pour lui. Mais après Elio Di Rupo, Charles Michel et Sophie Wilmès, “il fallait un Flamand”.
Les récentes déclarations de Magnette ont heurté l’actuel locataire du “16”, lui-même candidat à sa reconduction. De manière inhabituelle, Alexander De Croo a contre-attaqué sur VTM, dimanche. “Nous sommes à un peu moins de 500 jours des élections. Apparemment, M. Magnette travaille là-dessus. Si j’étais lui, je travaillerais sur le gigantesque écart – qui ne cesse de se creuser – entre le nombre de travailleurs en Flandre et le nombre de chômeurs en Wallonie. Le PS a tous les leviers en main pour y remédier.”
Pour le “16”, les ministres PS ont un mauvais bilan
Lundi, l’agacement du Premier ministre était toujours à son comble. Dans l’entourage d’Alexander De Croo, on juge durement les résultats des ministres fédéraux socialistes francophones après deux ans et demi de Vivaldi. Ces derniers se seraient repliés en position défensive dans plusieurs dossiers (Pensions, Emploi….) et refuseraient de poursuivre les réformes. Les libéraux flamands s’inquiètent également de voir resurgir le spectre des “affaires” du PS (en lien avec le scandale de corruption au parlement européen). Ils regardent également avec crainte l’évolution dramatique des finances publiques de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Comment expliquer cette rivalité grandissante entre Magnette et De Croo, nourrie par la compétition pour le même poste ? Tout d’abord, l’attrait du mandat de Premier ministre a paradoxalement augmenté par la multiplication des crises mondiales. Des décisions fortes et éminemment politiques ont été prises durant les confinements et déconfinements sanitaires. Le sauvetage de secteurs entiers de l’économie a été organisé. Avec l’invasion de l’Ukraine, ce sont désormais les grandes questions géopolitiques qui ont fait leur retour au 16, rue de la Loi. La fonction a repris du lustre dans ses dimensions régaliennes et intéresse à nouveau les hommes et les femmes d’État.
Bleus et rouges, les meilleurs ennemis
Par ailleurs, au sein du gouvernement fédéral, libéraux et socialistes sont à couteaux tirés. En particulier, sur la réforme des Pensions. À la base, ce dossier relève de la ministre PS Karine Lalieux mais le Premier ministre a repris l’initiative en soumettant une note “surprise”, à la tonalité très libérale, à ses partenaires vivaldiens. Les socialistes, comme on pouvait s’en douter, ont très mal pris la chose. Après cette séquence, faut-il voir une vengeance dans l’insistance médiatique de Paul Magnette à réclamer le poste d’Alexander De Croo ?
Enfin, c’est presque mécanique, lorsque les élections approchent (on sera vite en 2024…), les libéraux et les socialistes deviennent les meilleurs ennemis du monde. Les bleus tapent sur les rouges, les rouges tapent sur les bleus. Et cette polarisation des débats autour des deux camps les renforce. Indiquer convoiter la tête du gouvernement fédéral est aussi un message envoyé par Paul Magnette à ses propres électeurs. Il tente de les mobiliser autour d’un objectif : une victoire des socialistes qui serait suffisamment importante pour permettre d’installer l’un des leurs, 10 ans après Elio, au 16, rue de la Loi…