"On peut penser que Paul Magnette était prêt à assumer les conséquences de sa phrase polémique"
Pour le politologue Min Reuchamps (UCLouvain), le président du PS a prêté le flanc aux attaques. Mais il estime que Paul Magnette savait certainement à quoi s’attendre.
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Publié le 08-02-2023 à 18h20 - Mis à jour le 08-02-2023 à 18h21
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Paul Magnette a un bon sens de l’humour. Il le manie en interview comme dans les conversations informelles. Mais, pour un mandataire politique, passer au second degré peut être fatal. Les adversaires ont alors beau jeu de prendre au pied de la lettre toute remarque décalée. L’humour est-il à bannir lorsqu’on gère la chose publique ? Min Reuchamps, professeur de science politique à l’UCLouvain, décode la polémique qui a embrasé les réseaux sociaux depuis que le président du PS a lâché dans une interview que “les Flamands doivent toujours travailler dur, les Wallons aiment profiter de la vie. Est-ce si mal ?”
Paul Magnette s’est défendu en déplorant l’impossibilité de faire du second degré en politique. Est-ce juste ? Ce domaine de l’activité humaine ne tolère-t-il pas l’humour ?
On peut encore faire de l’humour en politique mais, par rapport au passé, c’est désormais moins facilement accepté unanimement. On fait face à un paradoxe : l’humour est moins accepté en politique car la parole s’est davantage libérée. Certaines personnes auraient pu dire la même chose que Paul Magnette sur les Flamands et les Wallons mais en le pensant réellement, en étant sérieux. C’est ce flou qui rend la frontière poreuse entre ce qui est de l’humour en politique et ce qui ne l’est pas.
Sa phrase était-elle trop ambiguë ?
Il était en effet facile pour certaines personnes de détourner ses propos et d’inciter à penser que ce n’était pas de l’humour. En toile de fond, on tombe sur la question de la polarisation du débat politique : il est plus délicat de manier l’humour car tout peut être mal interprété.
Ce qui est étonnant, c’est que Paul Magnette n’est pas un débutant… Il devait savoir que ce genre de trait d’esprit est dangereux. Une stratégie de sa part afin de provoquer un incident et attirer l’attention ?
Chassez le naturel, il revient au galop : Paul Magnette aime jouer dans les interviews. C’est difficile pour lui de s’exprimer autrement. Mais sa phrase polémique a été prononcée dans le cadre d’un entretien en presse écrite et, par conséquent, on peut penser qu’il était prêt à en assumer les conséquences. On sait aussi qu’en politique, attirer l’attention sur soi, en bien ou en mal, n’est pas forcément une mauvaise chose.
L’humour peut passer dans certaines sphères mais pas dans d’autres. C’est lié à la fragmentation des opinions."
Malgré tout, l’humour se révèle être une arme redoutable pour celui qui sait la manier…
Oui, je pense à la fameuse réponse de Mitterrand à Jacques Chirac lors des présidentielles de 1988. Lors du débat télévisé, ce dernier lui avait demandé de ne pas l’appeler par le titre de “Premier ministre” car ils n’étaient que de simples candidats. Et Mitterrand lui avait répondu : “Mais vous avez tout à fait raison, Monsieur le Premier ministre”… C’était une autre époque mais une réplique peut faire mouche. Pour en revenir à Paul Magnette, une partie du public a certainement pu sourire de son trait d’humour et le trouver acceptable. L’humour peut passer dans certaines sphères mais pas dans d’autres. C’est lié à la fragmentation des opinions.
Cette séquence va-t-elle le desservir dans la conquête du “16” ? Paul Magnette s’est déclaré candidat à plusieurs reprises mais il aura besoin de l’aval des partis flamands.
Est-ce que cette phrase change fondamentalement la vision que certains avaient déjà du PS et de son président ?
Les réseaux sociaux jouent aussi un rôle majeur dans cette hyper-susceptibilité à l’égard de chaque propos…
Les réseaux sociaux permettent beaucoup d’humour, même sur des sujets graves comme la guerre en Ukraine. Mais l’humour est un jeu dangereux pour les personnalités politiques.
