Paul Magnette détourne l'attention des affaires socialistes, le contre-feu lui revient dans le visage
Il aura provoqué des réactions particulièrement épidermiques en annonçant sa volonté de devenir Premier ministre
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Publié le 08-02-2023 à 15h24
En annonçant dans la presse sa disponibilité pour occuper le poste de Premier ministre après les élections législatives de 2024, Paul Magnette a mis le feu aux poudres. Il a pourtant bien précisé qu’il ne bouderait pas la fonction si les conditions devaient le permettre. Rappelons-les : que la famille socialiste (PS et Vooruit) soit la première force du futur gouvernement et surtout que le PS soit, au sein de cette famille, le premier parti. Bref, rien n’est joué. Mais cette déclaration d’ambition n’a fait plaisir à personne chez les alliés et adversaires. Mais surtout chez les libéraux. Parce que la partie flamande de la famille bleue occupe aujourd’hui le poste et estime peut-être que d’autres ne peuvent pas exprimer cette ambition. On peut cependant comprendre qu’Alexander De Croo l’ait mal pris, à titre personnel. Il dirige un gouvernement où les derniers accords peinent à se conclure. Mais on peut aussi comprendre Magnette. En 2019, si la coutume – qui n’est certes pas toujours respectée – avait été suivie, c’est à lui que revenait la première place pour occuper le 16, rue de la Loi.
Mais en évoquant cette ambition par voie de presse, Magnette a donné, la semaine dernière, le sentiment de lancer, très tôt, la campagne électorale. Ses partenaires y voient une manière d’enterrer définitivement la Vivaldi qui devra vivoter jusqu’à la fin de la législature, sans possibilité de relancer la machine en changeant la coalition actuelle. La guerre électorale est-elle lancée ? Peut-être pas.
Parce que la séquence lancée par le Carolo peut être analysée d’une autre façon. En déclarant qu’il ne se débinerait pas, si le poste était à sa portée, Magnette a aussi, qu’il l’ait fait exprès ou non, détourné l’attention. Une attention qui était, ces dernières semaines, focalisée sur le Qatargate. Une affaire qui touche de plein fouet le député européen Marc Tarabella et, par ricochet, sa collègue Marie Arena.
Les socialistes et les affaires
Les socialistes et les affaires, c’est une vieille histoire qui revient de manière régulière, à chaque fois différente, mais toujours pénible pour celui qui occupe la présidence du PS. Philippe Busquin a eu droit au déchaînement des années nonante qui démarre de l’assassinat d’André Cools et qui mit en lumière l’affaire Agusta-Dassault et la mise au pilori des trois Guy (Coëme, Spitaels et Mathot). Di Rupo qui lui succède en 1999, récoltera l’affaire de la Carolo au début des années 2000 qui vit Van Cau quitter la tête du gouvernement wallon et toute une série d’échevins de Charleroi être inculpés, emprisonnés, etc. C’est l’époque des fameux “parvenus” qui agacent le Montois. C’est aussi, plus récemment, l’affaire Intradel qui touche Alain Mathot, alors député fédéral et bourgmestre de Seraing. C’est enfin l’affaire Nethys qui, certes, touche aussi le MR et le CDH (désormais : Les Engagés) mais dans laquelle plusieurs membres du PS sont à la manœuvre ou en embuscade. Une affaire qui démarre sous Di Rupo et qui se termine sous Magnette.
On pensait que c’était fini. Et puis non, il y a l’affaire du Parlement wallon et l’une de ses dérivées qui touche aux voyages parlementaires, qui entraîne la démission de son président, l’ancien ministre socialiste Jean-Claude Marcourt. Et voilà que dans la foulée, arrive le Qatargate. Ça fait beaucoup pour le président du PS. En annonçant qu’il pourrait prendre le 16, rue de Loi, si les astres s’alignent, il aura réussi à détourner l’attention de Marc Tarabella. Le jour de la sortie de Magnette, le Parlement européen votait d’ailleurs la levée d’immunité du député.
A quel prix ?
Mais les réseaux sociaux et leur instabilité émotionnelle permanente ont une nouvelle fois servi de caisse de résonance et l’affaire s’est emballée. De Croo lui-même a répondu à Magnette en opposant, sans humour aucun, les chômeurs wallons et les travailleurs flamands. Ce à quoi, Magnette a répondu sur le ton de la boutade, ce qui a envenimé les choses. Des responsables politiques du nord mais aussi du sud du pays lui sont tombés sur le râble, de manière malhonnête convenons-en. Si Magnette a voulu détourner l’attention de Tarabella et du Qatargate, en tout cas, il y est parvenu. Mais à quel prix ?