"Porter plainte n’est pas facile, surtout contre des personnalités publiques"
Sihame Haddioui (Écolo), échevine à la Culture à Schaerbeek, est la première à avoir porté plainte contre l’échevin Michel De Herde. Ce dernier est sous le coup de nouvelles inculpations. L’élue écologiste réagit.
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- Publié le 15-02-2023 à 06h43
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Michel De Herde (Défi), échevin du Budget et de l’Instruction publique à Schaerbeek, a été inculpé pour viol sur mineur de moins de seize ans, mineur de plus de seize ans et détention d’images pédopornographiques. L’information a été rendue publique lundi, mais l’inculpation date de vendredi.
À Schaerbeek, la bourgmestre faisant fonction, Cécile Jodogne (Défi), a communiqué mardi. Elle explique que Michel De Herde a accepté de ne plus participer au Collège et au conseil communal, de ne plus avoir “de relation avec les services communaux” et d’être remplacé par un autre représentant “dans les organismes communaux dans lesquels il a été nommé”. “Michel De Herde reconnaît la gravité de l’inculpation. Il continue à clamer son innocence, mais il comprend qu’il met en grande difficulté sa famille politique. […] Il est indispensable d’avoir une position claire pour continuer à porter les dossiers de manière efficace et afin de permettre à l’administration de travailler dans un climat serein et de protéger toutes les personnes concernées”, commente le cabinet de la bourgmestre.
”La parole des femmes ne pèse pas”
Ce n’est pas la première fois que Michel De Herde est épinglé dans une affaire de mœurs. Il a été accusé en mai 2022 d’attentat à la pudeur et de sexisme par Sihame Haddioui (Écolo), échevine à la Culture à Schaerbeek, qui a d’ailleurs porté plainte contre son collègue. Ces nouvelles inculpations visant Michel De Herde sont “un choc” pour Sihame Haddioui.
Si l’élue salue la mise à l'écart de Michel De Herde, elle estime que cela se fait un peu tardivement. “Je suis plutôt soulagée de voir que ce qu’on demande depuis des mois arrive enfin, à savoir la mise à l’écart de la personne le temps de l’enquête. Mais cela vient un peu tard, il y a une certaine amertume quand même”, avance-t-elle. Ce qui me dérange, c’est que Défi a considéré que, jusqu’à présent, ce n’est pas très grave. Qu’une plainte, ça n’est pas si grave. Que deux plaintes, ça n’est pas si grave. Lorsqu’il (Michel De Herde, NdlR) a été inculpé pour les chefs d’inculpation qui me concernaient et concernaient la deuxième plaignante, des mesures ont été mises en place. Sauf qu’elles n’ont pas été respectées par l’intéressé. En fait, moi, j’ai le sentiment que, globalement, la parole des femmes ne pèse pas. Et je regrette que les paroles, les dénonciations des femmes n’ont pas suffi.”
Sihame Haddioui a également expliqué avoir tenté de trouver une issue avant de choisir la voie judiciaire. Mais selon elle, peu de mécanismes permettent aux victimes d’être entendues. Elle pointe aussi la difficulté d’oser s’exprimer lorsqu’une victime est confrontée à une personnalité publique. “Actuellement, les freins sont tellement nombreux que porter plainte n’est pas facile, surtout contre des personnalités publiques. Parce qu’il y a, de facto, une forme de double peine qu’on va subir. La plaignante sera systématiquement accusée de vouloir mener une cabale politique si c’est une élue, ou de vengeance si ce n’est pas une élue. C’est ça qui rend la libération de la parole de ces femmes difficile”.
"Ce qui moi me dérange, c'est que Défi a considéré que, jusqu'à présent, ce n'est pas très grave. Qu'une plainte, ça n'est pas si grave. Que deux plaintes, ça n'est pas si grave."
”Le monde politique est violent”
Pour la Schaerbeekoise, il y a également des lacunes au sein du monde politique. “Selon moi, le problème, c’est la masculinité toxique dans les milieux de pouvoir, l’incapacité et l’impossibilité à pouvoir mener des enquêtes administratives auprès des élus, l’absence d’outils à disposition des bourgmestres. J’ai confiance en la justice, mais on ne peut pas dire qu’en libérant la parole, tout sera résolu. Libérer la parole, ce n’est pas juste laisser les femmes parler et prendre le risque de les jeter en pâture et finir par subir ce que moi j’ai subi.”
Et d’ajouter : “Je reproche au monde politique de ne pas avoir pris sa part de responsabilité. On peut être impliqué dans un processus judiciaire et, en même temps, prendre des mesures politiques. Défi vient de le faire en retirant des attributions et en ne permettant plus à l’intéressé de venir au Collège. C’est bien la preuve que c’est possible et qu’il faut agir sur les deux fronts. Mais cela aurait pu se faire avant. Le judiciaire ne fait pas de politique, il s’occupe du pénal. Et quand le judiciaire s’occupe de l’individu au niveau pénal, le politique doit pouvoir s’occuper de l’élu”.
L’écologiste dit vouloir continuer son mandat politique, même si, confie-t-elle, cette histoire la marquera à jamais.
”Le cyberharcèlement dont j’ai été la cible, les insultes, le mépris et l’indifférence de la classe politique, ce sont des choses qui vont laisser des traces. Et je ne vise personne en particulier, mais cela prendra du temps pour réparer les dégâts. Mais j’ai été élue et je compte aller au bout de mon mandat. La suite ? On verra.”
Et de conclure : “Que cette affaire nous permette de tirer des leçons. Je vais continuer à plaider pour l’émergence d’un Me Too Politique et j’appelle le politique à me suivre et à s’inscrire dans ce mouvement. Le monde politique est violent. Il faut que cela change”