L’Holodomor est un “génocide contre le peuple ukrainien”, selon le Parlement belge
Les députés voteront, la semaine prochaine, une résolution qualifiant en ce sens la grande famine orchestrée par Staline dans les années 1932 et 1933. La qualification de l’Holodomor reste toutefois un sujet de controverse politique et académique.
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Publié le 02-03-2023 à 06h39 - Mis à jour le 02-03-2023 à 08h43
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Les députés belges ajouteront leur assemblée à la liste des parlements qui – en Europe et en Amérique latine essentiellement – considèrent qu’un “génocide” a été commis en Ukraine par le régime de Staline. Le vote, qui devait avoir lieu ce jeudi en plénière, a été repoussé d'une semaine. Dans leur résolution, ils reconnaissent “la famine expressément provoquée par le régime soviétique en Ukraine en 1932-1933, l’Holodomor, comme un génocide visant le peuple ukrainien”. Une reconnaissance qui fait suite à la visite du premier ministre, Alexander De Croo (Open VLD) et de la cheffe de la diplomatie, Hadja Lahbib (MR), à Kiev à l’occasion de la commémoration de cette tragédie le 26 novembre 2022.
Il a fallu quelques années aux députés belges pour aboutir à cette conclusion. Si l'on s'en tient à cette législature, un premier texte avait été déposé en ce sens par les élus du Vlaams Belang le 17 septembre 2020. Un deuxième avait ensuite été introduit par Georges Dallemagne (Les Engagés) le 3 février 2022, rejoint par François De Smet (Défi) et Peter De Roover (N-VA), demandant au gouvernement de considérer cette “tragédie […] comme un crime contre l’humanité” et invitant à intensifier les recherches afin de voir s’il y a lieu ou non de qualifier aussi l’Holodomor de génocide.
C’est une troisième proposition de résolution qui – sauf surprise – sera finalement adoptée en plénière le 9 mars, celle déposée le 12 janvier par les partis de la majorité Vivaldi (PS, CD&V, Open VLD, MR, Vooruit, Écolo et Groen) avec Les Engagés et la N-VA, et qui a déjà été approuvée le 7 février, par la commission des Relations extérieures, à l’unanimité moins l’abstention du PTB. “Il y a encore beaucoup de débats et de controverses sur ces faits”, avait argumenté Steven De Vuyst (PTB). Mais, pour Michel De Maegd (MR), ce vote constitue une “reconnaissance politique”.
Une question controversée
Plusieurs millions d’Ukrainiens avaient péri affamés à l’époque de la collectivisation des terres et de la lutte contre les paysans relativement aisés (les koulaks), aggravées par la répression menée par la police politique soviétique. Cette politique, “cyniquement planifiée et cruellement exécutée”, selon les députés belges, avait mené à une désorganisation de la production agricole et à des pénuries de denrées alimentaires, à une époque où l’Union soviétique exportait des céréales.
Elle avait tué au-delà de l’Ukraine, au Kazakhstan notamment. Mais une partie des historiens, s’appuyant sur la parole des survivants après la chute de l’URSS et l’ouverture des archives soviétiques, y voient aussi la volonté d’anéantir la nation et les traditions ukrainiennes, d’étouffer toute velléité indépendantiste de la république d’URSS. Génocide ou crimes contre l’humanité ? La qualification de l’Holodomor reste un sujet de controverse politique et académique.
Le sujet résonne en tout cas particulièrement aujourd’hui, alors que Vladimir Poutine – qui s’est fait “historien en chef”, pour reprendre l’expression du spécialiste de l’histoire de l’Union soviétique Nicolas Werth – a déclenché une guerre contre l’Ukraine, dont il nie la légitimité.
La Chambre, d’ailleurs, “condamne (aussi) la manipulation actuelle de la mémoire historique par le régime russe dans le but d’assurer sa propre survie”. Elle “dénonce […] la guerre d’agression” qui vise “à faire disparaître l’Ukraine en tant qu’État-nation et à détruire l’identité et la culture de sa population”, tout comme elle dénonce la “crise alimentaire mondiale” qu’elle a entraînée.