Comment le PS et Vooruit sont devenus deux partis très différents depuis 20 ans
L’électorat des socialistes flamands a changé, les priorités du parti aussi.
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Publié le 20-03-2023 à 20h35
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Dimanche dans une émission de télévision flamande, le ministre de la Santé, Frank Vandenbroucke (Vooruit) déclarait qu’il voulait “que les gens puissent travailler plus longtemps et soient motivés et récompensés pour pouvoir travailler plus longtemps”. “C’est urgent”, assénait-il. En épousant ainsi une volonté que l’on trouve plutôt dans les partis de droite et de centre droit du gouvernement fédéral, le socialiste flamand a pris à rebrousse-poil l’argumentaire de ses homologues socialistes francophones. Certes, le même Vandenbroucke a déclaré, dans la foulée, que les économies que l’État belge doit réaliser permettront d'“investir dans les soins de santé, dans la protection sociale et dans tant d’autres choses” – des propos qui laissent quand même penser qu’il n’a pas délaissé tous fondamentaux historiques de la gauche. La question ne se pose pas moins : les deux partis “frères” sont-ils encore sur la même longueur d’onde ?
Bien qu’ils partagent à nouveau le même siège au boulevard de l’Empereur, les socialistes du nord et du sud du pays sont en fait devenus deux partis très différents. Pour le politologue de l’ULB, Pascal Delwit, il est évident que le PS et Vooruit “présentent deux profils idéologiques et programmatiques différents. Le PS reste très ancré sur les questions sociales – salaires, pensions, conditions de travail, etc. – alors que Vooruit, à la charnière des 20e et 21e siècles déjà, a changé de focale et de profil électoral. Il est moins profilé que le PS sur la question sociale”.
Un parti du centre
Et même s’il se situe à gauche dans l’ensemble du paysage politique flamand, “Vooruit est un parti centriste” en comparaison des partis francophones. “Je dirais même qu’il est difficile de définir avec clarté la focale actuelle de Vooruit”, estime le politologue. Pascal Delwit précise aussi que lors du scrutin de 2024, on voit clairement quelles seront les victoires que défendra le PS – à savoir “l’augmentation de la pension minimum et le fait qu’on n’ait pas touché à l’index” – alors que “pour Vooruit, c’est moins clair”.
Selon le politologue, Vooruit suit la même voie que celle prise par le SP.A. (son ancien nom) en 2002-2003 en s’appuyant sur un leader charismatique – Patrick Janssens à l’époque, Conner Rousseau aujourd’hui. “Rousseau écrase tout sur les réseaux sociaux. Il a d’abord été chef de groupe au Parlement flamand, il est devenu président alors qu’il était encore un parfait inconnu ou presque.” Néanmoins, à la différence de l’époque de la présidence de Patrick Janssens qui pouvait s’appuyer sur d’autres personnalités fortes comme Steve Stevaert, Johan Vande Lanotte, etc., aujourd’hui au sein du parti “on ne voit pas émerger d’autres figures ou une nouvelle génération”.
À l’exception certes de Frank Vandenbroucke, mais ce dernier n’incarne pas vraiment l’avenir. “Le choix de Vandenbroucke comme ministre de la Santé était logique à l’époque, c’était un choix marqué par le moment, à savoir la gestion d’une pandémie. Vandenbroucke, depuis un certain nombre d’années, incarne l’aile droite du parti”. Pascal Delwit se demande même si les déclarations récentes de ce dernier ne vont pas faire perdre à Vooruit “ce qui lui reste encore d’électorat ouvrier”.
L’exception louvaniste
De fait, l’électorat des socialistes flamands a évolué avec le temps. “Là où le PS a encore une densité opérationnelle importante, même si elle n’est plus aussi forte qu’avant, avec un ancrage municipal plus fort, l’électorat de Vooruit a bougé”, explique encore Pascal Delwit. Le politologue précise que, “par le passé, le vote pour le SP.A était très marqué du côté d’Anvers, de Gand et de Malines. Désormais il est devenu plus périphérique avec des scores plus importants en Flandre occidentale et en partie dans le Limbourg”. Néanmoins, même dans ces deux provinces, Vooruit a perdu des maïorats. “En 2018, le SP.A a été saigné aux communales avec les pertes d’Ostende, de Bruges et d’Hasselt, en plus de Gand”. Il reste cependant l’exception louvaniste, mais “cela ne percole pas pour autant pour l’ensemble de la province du Brabant flamand”.
Et Bruxelles alors ? “Historiquement, le parti avait de la consistance dans les communes du nord de Bruxelles. Il y a cependant une diminution tendancielle de la population néerlandophone dans ces communes et puis le parti a misé sur un leader comme Pascal Smets qui a délaissé les milieux ouvriers du nord de Bruxelles”.