"Le chantier du métro bruxellois fait courir un risque d’emballement de la dette régionale"
Isabelle Pauthier (Écolo), députée bruxelloise, veut que le Parlement bruxellois étudie les alternatives au métro Nord, censé relier la gare du Nord à Schaerbeek à la gare de Bordet.
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Publié le 23-05-2023 à 17h25 - Mis à jour le 24-05-2023 à 09h46
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Le chantier du Métro Nord est menacé d’un grave enlisement. Le projet devait coûter, initialement, 1,6 milliard d’euros. L’addition pourrait finalement atteindre les 3 milliards d’euros, peut-être davantage.
”Le financement n’a pas encore été trouvé”
Jusqu’à quel coût et quel dépassement de délai faut-il soutenir ce projet ? “La conclusion, à l’heure actuelle, c’est que les budgets et les calendriers du métro ont été sous-estimés. En fait, les déboires du premier tronçon, qui a déjà pris 60 % d’augmentation, amène à questionner le second”, a analysé en avril Isabelle Pauthier (Écolo), députée bruxelloise et membre de la commission de la Mobilité. “Le premier tronçon (qui va de la gare du Nord à Forest, NdlR), c’est une chose car les travaux sont en cours. Par contre, le deuxième (qui va de la gare du Nord à Evere, NdlR) n’a pas encore de permis d’urbanisme, les travaux ne sont pas encore adjugés et le financement n’a pas encore été trouvé.”
Isabelle Pauthier, lorsqu’elle était directrice de l’Atelier de recherche et d’action urbaine (ARAU), avait introduit un recours contre l’extension du métro.

Du côté d’Écolo, l’idée de réévaluer l’opportunité d’une extension de la ligne fait son chemin, même si en tant que membre de la majorité, Isabelle Pauthier se dit “solidaire du gouvernement”. Car les verts se trouvent isolés. Leurs partenaires socialistes et Défi sont favorables au projet, de même que le MR et les Engagés depuis l’opposition.
Précisons qu’il y a bien deux tronçons de métro séparés. Le nord est pris en charge par Beliris et prévoit la construction de sept stations entre la gare du Nord et Bordet. Il est annoncé pour 2032. Le sud, pris en charge par la Stib, se matérialise par la “métroification” du prémétro (la ligne de tram 3-4) entre la Gare du Nord et Albert (Forest). Le projet prévoit un nouvel arrêt, la station Toots Thielemans, dans le quartier Stalingrad. Le chantier de ce projet, prévu initialement pour 2025, est à l’arrêt en raison notamment de l’instabilité du sol. La Stib a proposé de faire passer la ligne par le Palais du Midi, qui serait démoli.
L’Echo a annoncé jeudi que le consortium Toots (Besix, Jan De Nul et Franki Construct), chargé de ces travaux, a intenté une action en référé contre la Stib.
“Déjà quatre ans de cauchemars”
”Les riverains du quartier Stalingrad ont déjà vécu quatre ans de cauchemars. Ils espéraient voir la fin du tunnel en 2024, voire 2025. Mais ils ont appris par la STIB que le chantier risquait de durer 8 années de plus !, s’insurge Isabelle Pauthier. Sur ce premier tronçon, il y a déjà 60 % de dépassement de l’addition, qui franchit les 750 millions d’euros. Mais il reste 120 mètres à finaliser sous le palais du Midi. Le bon sens veut qu’on termine ce chantier le plus vite possible, par respect pour les commerçants.”
La donne est différente pour l’autre tronçon (de gare du Nord à Bordet) dont les travaux n’ont pas encore débuté. “Ce chantier du métro fait courir un risque d’emballement de la dette régionale bruxellois, avertit Isabelle Pauthier. Par le passé, les grands projets de ce type ont été financés par l’État fédéral, via l’endettement. Mais nous nous trouvons dans une situation nouvelle, après la crise du Covid. Le déficit de la Région bruxelloise est énorme. La charge de la dette fait peser un risque. La Cour des comptes l’écrit dans son rapport : “Attention avec le métro”. Il y a également l’augmentation des taux d’intérêt. Sven Gatz (Open VLD, ministre bruxellois du Budget) a clairement dit qu’on allait devoir trouver une solution.”
Pour financer ce second tronçon, le gouvernement bruxellois a demandé au gouvernement fédéral que Beliris accorde une rallonge. L’exécutif bruxellois monte en outre un dossier pour obtenir un prêt supplémentaire de la banque européenne d’investissement.
La Région aura pu dès le départ choisir les transports en surface. Mais elle ne voulait alors pas remettre en cause la place de la voiture en ville."
”Il existe une alternative au métro, qui a été remise sur la table par un collectif associatif : le pré-métro plus. Cette alternative optimise les réseaux sous-terrain existant, avec une autre architecture de lignes de tram existantes (les 3, 7 et 55.) J’ai demandé officiellement à la commission mobilité d’inviter ces gens à venir l’expliquer, conclut Isabelle Pauthier. Le ver est dans le fruit depuis 2009, quand la Stib a présenté son programme métro vision. Il n’y a pas eu à l’époque de débat public sur l’opportunité du choix du mode de transport lourd, le métro. La Région aurait pu dès le départ choisir les transports en surface. Mais elle ne voulait alors pas remettre en cause la place de la voiture en ville. Admettons même qu’on trouve le financement pour le métro nord, il n’y aura rien avant 2035 ! Il ne faut pas se braquer sur cet enjeu de métro, mais trouver des solutions plus rapides et moins chères à mettre en œuvre avant 2035.”