Un milliard d’euros flamands investis chaque année dans la capitale : “La politique bruxelloise meurt de médiocrité”
Pour le ministre flamand de Bruxelles Benjamin Dalle, pas question de couper le lien entre la Flandre et Bruxelles. “Bruxelles n’est pas une île et est liée aux autres régions.”
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Publié le 23-05-2023 à 12h41
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Dans le monde politique, il est le Bruxellois en Flandre, le Flamand à Bruxelles. Sous ses airs bon chic bon genre, Benjamin Dalle (CD&V) supervise les deniers flamands investis dans la capitale. À savoir, un milliard d’euros par an. Avec cet argent, la Flandre fait tourner ses écoles, ses centres culturels, soutient quantité de projets. Avec comme fil rouge, la langue. “La connaissance du néerlandais offre aux Bruxellois de nombreuses possibilités d’emploi. Tout le monde devrait en être conscient”, déclare le Laekenois d’adoption, originaire de Damme, à un jet de pierre de Bruges.
Pourquoi au juste avoir un “ministre de Bruxelles” au niveau flamand ?
La loi spéciale prévoit qu’il doit y avoir au gouvernement un membre responsable pour les affaires bruxelloises, et je suis le seul Bruxellois au gouvernement flamand. Je m’occupe des affaires communautaires et institutions néerlandophones à Bruxelles, à savoir les écoles, les crèches, la santé, la culture (comme l’Ancienne Belgique ou le Kaaithater), l’intégration (cours de langue), les médias (Bruzz), la jeunesse… Tout cela représente un investissement d’un milliard d’euros par an. Pour les investissements, on utilise la norme de Bruxelles : on dépense au moins 5 % des moyens communautaires flamands à Bruxelles et on essaie d’atteindre 30 % des Bruxellois. On ne vise donc pas uniquement les “Flamands de souche” comme on pourrait dire : c’est une offre ouverte pour tous ceux qui parlent ou veulent parler le néerlandais. Par exemple, 20 % des élèves bruxellois vont dans des écoles néerlandophones et 25 % pour les maternelles.
Un ministre flamand compétent pour Bruxelles, un autre pour le Vlaamse Rand… ces divisions géographiques ne sont-elles pas génératrices de tensions ?
Non, il n’y a pas d’opposition entre les intérêts de Bruxelles et ceux de la périphérie flamande. Si on investit dans les écoles néerlandophones, c’est bénéfique pour l’économie bruxelloise mais aussi pour l’économie de la périphérie où on cherche des travailleurs qui parlent néerlandais.
Comment jugez-vous la situation actuelle de Bruxelles ?
La politique bruxelloise meurt de médiocrité et n’est pas à la hauteur des Bruxellois. À la place de l’ambition, je vois chez les politiques bruxellois beaucoup de passivité et de lassitude. Les structures ne fonctionnent pas. Pour une ville de 1,2 million d’habitants, on a 19 communes, 19 CPAS, 6 zones de police, une Cocom, une Cocof, une VGC, une Région, Beliris… Il faut simplifier et cela peut se faire par une fusion des communes tout en gardant une politique de proximité au niveau des quartiers. Il faut plus d’efficacité et moins de clientélisme. Un exemple, le Peterbos : la situation sociale est terrible. Et il y a deux sociétés de logements qui semblent ne pas travailler ensemble. C’est le désordre total, l’absence de gestion efficace. Autre point : l’avenir des jeunes, pourtant le plus grand capital de Bruxelles. Il y a ici énormément de talent, d’engagement, de diversité, de connaissance des langues, mais un manque total de perspective. Un jeune sur quatre est au chômage. Les chiffres s’améliorent certes mais le résultat est toujours désastreux. Actris ne suit pas avec assez d’intensité les chômeurs. Notre proposition est d’avoir un pacte global entre Actiris et la société civile avec beaucoup plus de moyens pour les associations de terrain. Car actuellement, la société civile n’est absolument pas respectée, c’est l’étatisme des socialistes, qu’on retrouve également à la NVA.
Êtes-vous partisan d’une Région bruxelloise dotée de toutes les compétences (enseignement, culture, etc.) ?
Non, nous ne voulons pas régionaliser les compétences communautaires. Par ailleurs, je constate que la plupart de mes collègues francophones de Bruxelles ne le veulent pas non plus. Bruxelles n’est pas une île et est liée aux autres régions. Conserver les liens de la Flandre avec Bruxelles est essentiel. Nous ne sommes pas séparatistes : nous voulons des Régions et Communautés fortes mais dans un système fédéral. Notons qu’aujourd’hui, le ministre-président bruxellois a plus de compétences que le ministre-président wallon, notamment en matière de sécurité. Même si je trouve qu’il ne les exerce pas bien, pas suffisamment. Bruxelles a aussi plus de compétences au niveau sportif ou culturel, comme le musée Kanaal.
L’identité flamande à Bruxelles n’est-elle pas en train de disparaître ? Beaucoup de néerlandophones se considèrent avant tout comme Bruxellois.
C’est une question personnelle. De mon côté, je me sens Bruxellois mais je me sens aussi Flamand et Belge. Trois quarts des Bruxellois ont d’ailleurs une origine migratoire. La majorité des Bruxellois sont des zinnekes aux identités multiples.
Bruxelles doit-elle rester la capitale de la Flandre ?
Oui, bien sûr ! Bruxelles doit rester une capitale multiple : capitale de l’Europe, de la Belgique, de la Communauté française, de la Flandre… Bruxelles reste, économiquement, une ville importante pour la Wallonie et la Flandre. Symboliquement, c’est la capitale bilingue. Certains rêvent peut-être de Malines ou d’Anvers comme capitale (rires). Mais pour nous, il est sûr et certain que Bruxelles est et restera la capitale de la Flandre, et de la Belgique.
Beaucoup de Flamands ont une mauvaise image de Bruxelles. Pourquoi ?
C’est pareil en Wallonie. Jusqu’à 18 ans, je n’étais allé qu’une fois ou deux à Bruxelles. Les gens ne connaissent que les gares et les grands axes routiers. Mais chaque quartier est différent, avec ses beautés et ses défis. Les Flamands ne connaissent pas bien Bruxelles, comme c’est le cas pour les Wallons je pense. Onbekend is onbemind (”L’inconnu est mal aimé”). Mon job au gouvernement flamand est d’être l’ambassadeur de Bruxelles en Flandre.
Les élections approchent. Sur quelle liste serez-vous ?
Les listes ne sont pas encore déterminées. Mais je serai candidat à Bruxelles.