Le gouvernement bruxellois veut tenter de sauver la ligne 3, mais ne fera pas son métro “quoi qu’il en coûte”
Le coût total du métro 3 pourrait bien dépasser les 3,5 milliards d’euros. Le gouvernement bruxellois doit prendre une décision politique. Si l’arrêt complet n’est pas actuellement sur la table, il pourrait être question de revoir les ambitions initiales à la baisse sur le tronçon nord de la ligne, censé relier la gare du Nord à Bordet.
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Publié le 24-05-2023 à 19h53
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Le courrier envoyé ce lundi par Beliris à Rudi Vervoort (PS), ministre-président bruxellois, Sven Gatz (Open VLD) et Elke Van Den Brandt (Groen), a eu l’effet politique d’une bombe. Dans ce document, Cédric Bossut, directeur général de Beliris – une structure dépendant du fédéral chargé de financer des grands chantiers d’infrastructure à Bruxelles – alerte contre l'” important dépassement” des offres négociées avec les soumissionnaires pour les travaux de la portion nord du métro 3. Ce projet prévoit la construction de sept stations entre la gare du Nord et Bordet (Evere).
Ce courrier de Beliris, qui somme le gouvernement de prendre une décision pour le 15 juillet, est explosif. Parmi les quatre options qu’il met sur la table figurent la suspension du projet et même son arrêt complet.
Ce document informe le gouvernement de l’explosion du budget des travaux pour le tronçon nord. La facture passerait de 1,052 milliard d’euros dans les prévisions 2018 à 2,4 milliards d’euros, selon les dernières offres reçues.
A ce montant doit s’ajouter celui prévu pour le tronçon sud, entre la Gare du Nord et Albert (Forest), qui pourrait coûter plus d’un milliard d’euros (en comptant un surcoût à venir lié au Palais du Midi). Soit plus de 3,5 milliards au total, dont plus d’un milliard d’euros de dépassement par rapport aux prévisions de 2022.
Les regards se tournent désormais vers le gouvernement bruxellois, qui se réunit ce jeudi. Et qui, avant le 15 juillet, devra trancher.
Le ministre-président se tait pour l’instant dans toutes les langues. Ridouane Chahid, qui supplée Rudi Vervoort comme bourgmestre d’Evere, est sorti du bois, côté socialiste. “Celles et ceux qui sont en train de torpiller le projet métro 3 ne se rendent pas compte qu’ils portent atteinte à l’image de Bruxelles. On peut évidemment s’interroger sur les coûts que ce projet représente. Mais abandonner à la moindre difficulté, cela pourrait être la démonstration que certains ne sont pas en mesure de porter des projets de grande envergure pour le développement de Bruxelles, pour les Bruxellois à qui on ne cesse de dire qu’ils doivent abandonner la voiture”, assène-t-il.
Les écologistes apprécieront…
"Celles et ceux qui sont en train de torpiller le projet métro 3 ne se rendent pas comptent qu’ils portent atteinte à l’image de Bruxelles. On peut évidemment s’interroger sur les coûts que ce projet représente. Mais abandonner à la moindre difficulté pourrait être la démonstration que certains ne sont pas en mesure de porter des projets de grandes envergures"
”Rappelons aussi que le développement du métro offrira une alternative aux navetteurs qui se rendent à Bruxelles chaque jour. À travers ce dossier, il y va de la crédibilité de l’administration fédérale, de la capitale de la Belgique mais aussi de l’Europe”, ajoute Ridouane Chahid, également chef de groupe PS au Parlement bruxellois.
Ce mercredi, il est ressorti un élément central des contacts préparatoires à la réunion du gouvernement de ce jeudi. “Ce ne sera pas le métro quoi qu’il en coûte”, nous glisse une source gouvernementale. Le gouvernement, cependant, n’a pas non plus l’intention de l’abandonner sans tenter de trouver des solutions.
Baisser les coûts puis revoir la voilure
Dans un premier temps, l’exécutif va se réunir avec Beliris pour analyser les offres reçues. La hauteur des nouvelles estimations est jugée injustifiée. Le gouvernement envisage de faire un appel du pied aux opérateurs français qui réalisent actuellement les travaux du Grand Paris Express (nouveau métro en banlieue de Paris) afin d’introduire de la concurrence sur le marché. Et in fine, faire baisser les prix.
Le gouvernement bruxellois pourrait ensuite envisager, et c’est l’une des quatre options proposées par Beliris, de revoir sa copie et proposer un tronçon nord différent, en y enlevant éventuellement une ou deux stations, voire en changeant le tracé, pour réduire les coûts.
Mais le gouvernement reste partagé.
Les réserves d’Écolo
Alain Maron et Barbara Trachte (Écolo) ne remettent pas frontalement le projet en cause. Mais les députés Écolo ont déjà fait connaître leurs vives réserves. Au contraire de leurs homologues flamands. La ministre de la mobilité Elke Van den Brandt (Groen) est globalement favorable au métro nord.
L’aspect financier sera décisif. Car le gouvernement bruxellois devra vraisemblablement se contenter des 50 millions d’euros de financement annuels de Beliris. Le reste sera à la charge du contribuable bruxellois.
Selon le cabinet de Sven Gatz (Open VLD), ministre du budget, “le métro demeure un projet important pour le gouvernement”.
”À condition que les coûts pour la ligne nord restent sous contrôle”, avait-il souligné en début de semaine sur BX1. Ce n’est plus vraiment le cas…
S’endetter encore davantage
Comment alors trouver les 3,5 milliards d’euros requis ? Sven Gatz a déjà obtenu 500 millions d’euros de prêt de la banque européenne d’investissement (BEI). Un second prêt d’un milliard d’euros pourrait être prochainement obtenu auprès de la même instance. Ces montants, toutefois, seront consacrés au tronçon sud de la ligne 3.
Pour financer le tronçon nord, Bruxelles devra donc encore, même à des taux avantageux, s’endetter davantage. Or, la dette de la Région atteint déjà les 10 milliards d’euros…
”Abandonner n’est pas une option”, a pourtant scandé le député de l’opposition, David Leisterh (MR) sur La Première ce mercredi matin, qui veut maintenir le chantier, même si le coût devait tripler. “Il y avait un projet structurant à Bruxelles, un seul : le métro.”
La Région bruxelloise va devoir faire face à des choix très difficiles.