L’affaire Sanda Dia enflamme la Flandre: “Des gens payent des amendes plus élevées quand ils oublient leur abonnement de train”
Les peines infligées aux organisateurs du baptême ayant coûté la vie à un jeune ont soulevé un débat sur “la justice de classe”.
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- Publié le 03-06-2023 à 07h05
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De 200 à 300 heures de travaux d’intérêt général, de 250 à 400 euros d’amende ainsi que le paiement de dommages et intérêts. Les 18 membres du cercle estudiantin Reuzegom qui avaient organisé le baptême au cours duquel un bleu, Sana Dia, avait trouvé la mort en décembre 2018 ont échappé à la prison. La cour d’appel d’Anvers a même estimé, vendredi dernier, que leur casier judiciaire devait rester vierge pour ne pas hypothéquer leur chance de réinsertion.
Cet arrêt que les avocats des prévenus ont trouvé “équilibré, juste et bien motivé” a heurté une partie de l’opinion publique en Flandre. Et ouvert, séance tenante, un nouveau procès sur place publique : celui d’une “justice de classe” qui épargne les riches – les étudiants du cercle Reuzegom appartiennent à des familles plutôt aisées – et écrase les faibles – Sanda Dia, d’origine mauritanienne, était issu d’un milieu plus modeste. Dès le lendemain, une manifestation silencieuse a réuni une centaine de personnes à Anvers pour dénoncer la “clémence” du jugement. Une autre manifestation sera organisée pour la même raison ce dimanche à 13 heures devant le palais de justice de Bruxelles.
Film supprimé sur YouTube
Toute la semaine, les réseaux sociaux ont servi de caisse de résonance à l’indignation que l’affaire a soulevée en Flandre. Mercredi, un youtubeur connu sous le nom d’Acid – un demi-million d’abonnés au compteur – a publié un film d’une douzaine de minutes dans lequel il fait part de sa colère et donne le nom de 5 des étudiants de Reuzegom avec des photos et des informations sur leurs parents. Il a dit faire “ce que la VRT et VTM n’osent pas”. Dans sa vidéo, il donne même le nom d’étudiants appartenant au cercle, mais qui n’ont pas participé au baptême fatal et n’ont donc pas été condamnés.
YouTube a supprimé le film le jour même “pour violation de sa politique en matière de harcèlement et de contenu offensant”. Son auteur pourrait être poursuivi pour “doxing” – acte qui consiste à révéler des informations en ligne permettant d’identifier quelqu’un sans son consentement. Ce qui, en retour, fait hurler certains au motif que le youtubeur pourrait devoir payer une amende supérieure à celle qui a été infligée aux 18 Reurzegomer’s.
La colère n’est pas restée cantonnée aux réseaux sociaux. Dans la nuit de mercredi à jeudi, des inconnus ont tagué les noms de certains condamnés sur la façade de l’hôtel de ville de Gand. Les autorités communales ont tout de suite fait effacer les inscriptions. Mais les noms des 18 prévenus sont réapparus ce vendredi sur le mur de la ruelle des graffitis.
Le restaurant appartenant aux parents d’un des étudiants du cercle Reuzegom est par ailleurs pris pour cible depuis mercredi. Il fait l’objet de fausses réservations et de commentaires très négatifs sur les réseaux sociaux. Certains messages affirment que les plats contiennent trop d’huile de poisson – en référence à l’huile de poisson que Sanda Dia a dû ingurgiter.
Le politique entre dans la danse
Le monde politique flamand a fini par s’emparer de l’affaire. Dans De Morgen, ce vendredi, le chef du groupe PTB au Parlement flamand, Jos D’Haese, s’est moqué du montant des amendes infligées aux organisateurs du baptême mortel. “Des gens payent des amendes plus élevées quand ils oublient leur abonnement dans le train”, a-t-il dit. Mais c’est la sortie du président du CD&V qui a été la plus remarquée. Prenant la défense d’Acid qui, pour lui, “n’a rien fait d’autre que ce que font les journalistes tous les jours”, Sammy Mahdi a lui aussi dénoncé des peines trop légères dans une vidéo sur TikTok. Ce qui a fait bondir les avocats des prévenus. “On peut trouver une peine trop légère, a affirmé l’un d’eux. Mais il faut réfléchir aux accidents qui pourraient se produire si nous commençons à faire la justice nous-mêmes.”
L’Open VLD n’a pas apprécié non plus. Le ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne (Open VLD) a mis en garde contre une “justice TikTok”. Le président de son parti, Egbert Lachaert, a estimé pour sa part que Sammy Mahdi “sape encore davantage la confiance dans la démocratie et l’État de droit”. Et de poursuivre : “Nous, les partis démocratiques, devrions simplement rétablir la confiance, au lieu de renforcer la méfiance des populistes”.