La ministre Dedonder se positionne: ”Faire le choix de l’Europe de la défense, c’est faire le choix du Scaf”, le futur avion de combat franco-allemand
La ministre de la Défense, Ludivine Dedonder (PS), estime que la Belgique doit monter à bord de ce programme dès sa phase de développement, aux dépens de son concurrent italo-britannique.
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- Publié le 10-06-2023 à 07h13
- Mis à jour le 10-06-2023 à 07h23
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L’achat du F-35 était le contrat du siècle, disait-on, avec son coût global évalué en 2015 à 15 milliards d’euros sur trente ans. Le chasseur bombardier remplacera progressivement le F-16 d’ici 2030. Mais, en réalité, le vrai contrat du siècle pour la Défense belge, c’est celui qui arrive. Celui de l’avion de combat de 6e génération, successeur du F-35, qui devrait sortir d’usine à l’horizon 2035-2040.
Deux grands programmes se concurrencent : le Scaf (Système de combat aérien du futur), qui associe la France, l’Allemagne et l’Espagne ; et le GCAP (Global Combat Air Programme), précédemment appelé Tempest, qui réunit le Royaume-Uni, l’Italie et le Japon (l’Arabie saoudite est aussi citée). Pour la ministre de la Défense, Ludivine Dedonder (PS), il n’y a plus à hésiter : la Belgique doit monter à bord du Scaf.
”Dans le cadre du F-35, le choix avait été fait (au début des années 2000, NdlR) de ne pas entrer dans le programme dès la phase de développement. On est passé à côté d’une série de retours économiques et sociétaux, rappelle-t-elle. La Belgique doit pouvoir monter dans le programme de l’avion du futur dès sa phase de développement, ce qui offrira une série d’opportunités économiques et industrielles.”
Vous aviez mis en place un groupe de travail avec l’industrie pour, justement, évaluer les opportunités offertes par les deux programmes. Il a rendu ses conclusions. Quel programme va être choisi ? Le Scaf ?
Une décision sera prise au Conseil des ministres la semaine prochaine. Mais je voudrais rappeler que l’avion de 6e génération est plus qu’un avion. C’est un ensemble de systèmes de combat interopérables, tels que des drones. On a une industrie en Belgique avec un savoir-faire qui peut être valorisé à ce niveau. Et le Scaf offre cette possibilité. Avec une priorité pour nous : renforcer l’Europe de la défense. On le fait déjà au niveau de la Marine avec les Pays-Bas, des blindés avec la France, de l’avion de transport A400M avec le Luxembourg… Le Scaf est dans la logique de l’Europe de la défense, avec trois pays – France, Allemagne et Espagne – qui sont des partenaires militaires et commerciaux. La décision n’est pas arrêtée politiquement. Mais dans le groupe de travail, on sent qu’il y a un intérêt pour le programme Scaf.
Nous voulons intégrer le programme pour apporter une plus-value, pas pour avoir des miettes.
Est-ce que les différents projets ont été analysés de manière équitable ? Le chef de la Défense disait fin janvier, donc avant la mise en place du groupe de travail avec les industriels, qu’il y avait “une volonté politique très forte d’essayer de rejoindre le programme Scaf”. Les dés étaient pipés, non ?
Dans le groupe de travail, il n’y avait pas de représentants politiques. C’était assez ouvert. Une analyse poussée a été faite des programmes. Le Tempest a aussi été évalué. Mais le Scaf, avec son ensemble de systèmes, offrent davantage d’opportunités pour notre industrie, et notre industrie a davantage de choses à apporter dans ce projet. Quant à moi, je ne m’en suis jamais cachée : je privilégie un projet totalement européen. Ça va dans le sens du renforcement de l’Europe de la défense.
Le Tempest n’est pas suffisamment européen, selon vous, avec les Britanniques et les Italiens ?
Ils sont nos alliés et on travaille avec eux. On a d’ailleurs toujours dit qu’on voulait renforcer le pilier européen au sein de l’Otan. On n’est pas en train d’opposer les uns aux autres. Mais le choix de l’Europe de la défense, pour moi, c’est le choix du Scaf.
Le reste du gouvernement vous suit-il, les libéraux en particulier ?
On ne peut pas avoir un double discours. Si vous êtes en faveur de l’Europe de la défense, vous devez le montrer dans vos actes. Et le Premier ministre Alexander De Croo (Open VLD, libéral flamand) s’est toujours exprimé en faveur de l’Europe de la défense.
Le Français Eric Trappier, PDG de Dassault Aviation (leader du programme Scaf), n’a pas caché qu’il n’a aucune envie de faire de la place à la Belgique, qui avait préféré le F-35 américain au Rafale français. La Belgique a une chance d’intégrer le Scaf ?
Oui, certainement. L’Allemagne, qui est partie prenante du Scaf, a aussi acheté des F-35. L’un n’empêche pas l’autre. Et nous voulons intégrer le programme pour apporter une plus-value, pas pour avoir des miettes. La sortie du PDG de Dassault me choque, mais elle ne m’étonne pas. Ce type de discours, on l’a entendu pendant des années, avec un intérêt uniquement commercial. C’est pour cela que l’Europe de la défense n’est toujours pas implémentée comme elle devrait l’être. Se dire que l’Europe de la défense, ils vont la faire à trois (les industriels des trois pays impliqués, NdlR), c’est en total désaccord avec ce que prônent leurs gouvernements. Bien sûr qu’il faudra ouvrir le programme. Mais pas ouvrir pour vendre. Ouvrir pour que chacun puisse apporter une plus-value et rendre le système encore plus performant.