Alexander De Croo confronté à un dilemme à la rentrée
Le Premier ministre prend son bâton de pèlerin et va tenter de démontrer que le bilan du gouvernement fédéral est bon. Il attend de ses partenaires de majorité une même attitude “positive”. L’Open VLD, son parti, joue gros aux prochaines élections.
/s3.amazonaws.com/arc-authors/ipmgroup/61ea4bcb-8f0c-46f5-9d38-093e75998718.png)
- Publié le 22-08-2023 à 06h28
- Mis à jour le 22-08-2023 à 07h49
:focal(368.5x254:378.5x244)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/MZNY2T4ATJAV3NYKPVZROX2JUQ.jpg)
Cet été, juste après la Fête nationale, le Premier ministre avait frappé fort. Dans une lettre ouverte, largement diffusée dans les médias, Alexander De Croo avait voulu se placer au-dessus de la mêlée. Par ce texte, il prenait ses distances à l’égard de la rivalité entre les partis, des disputes incessantes au sein de sa majorité, des attaques de l’opposition, des flèches que peuvent s’envoyer Flamands et francophones… Il reconnaissait également avoir commis personnellement quelques erreurs.
Comme patron de la Vivaldi, la majorité fédérale, Alexander De Croo a dû arbitrer ou tempérer les chamailleries entre les partenaires gouvernementaux. C’est la tâche ingrate dévolue à tout Premier ministre. Mais, avec sept formations autour de la table, l’intensité des disputes a atteint des sommets de haute montagne. Menace de démission des ministres PS et Ecolo dans le dossier migratoire, chute d’Eva De Bleeker (Open VLD) sur un budget mal ficelé, départ de Sarah Schlitz (Ecolo) suite au “logo-gate”, déstabilisation de Hadja Lahbib (MR) dans l’Irangate, négociations interminables sur tous les sujets “chauds”, guerre de positions entre présidents de parti, opposition farouche de députés N-VA traquant la moindre faille, montée du Vlaams Belang dans les sondages, démission d’Egbert Lachaert, l’ancien patron de l’Open VLD, la formation d’Alexander De Croo… Longue est la liste des difficultés, bourrasques, éléments perturbateurs, qu’a dû affronter le Premier ministre.
De Croo veut rester Premier ministre
Et pourtant, après trois années éprouvantes passées au “16”, Alexander De Croo en redemande. Il l’a annoncé : il se verrait bien poursuivre sa mission de chef du gouvernement après les prochaines élections de juin 2024. Encore faut-il que les libéraux flamands survivent au verdict des urnes. L’Open VLD, en déclin, développe une stratégie mise au point il y a plusieurs mois : tout miser sur la personnalité du Premier ministre, qui reste très populaire en Flandre. Pour les bleus du nord, il s’agit de faire disparaître derrière l’image sereine de leur figure de proue leurs errements idéologiques et leurs doutes. S’allier au fédéral avec les socialistes et les écologistes plutôt qu’avec la N-VA semble avoir accéléré la chute de l’Open VLD. Ce parti avait opté pour un virage à droite en 2020 mais s’était finalement embarqué dans une Vivaldi perçue comme centriste. Stratégiquement, Alexander De Croo marche sur des œufs : il doit assumer son propre bilan comme capitaine de l’équipe fédérale tout en prenant subtilement ses distances vis-à-vis de l’aile gauche de la coalition.
Le locataire du “16” et son entourage estiment qu’il faut mieux mettre en évidence les réussites du gouvernement. Le Premier ministre va prendre son bâton de pèlerin durant les prochains mois afin de justifier l’expérience vivaldienne. Il attend des autres partis de la coalition qu’ils mettent également en évidence les accomplissements fédéraux. Et ils existent, d’ailleurs, pour celui qui veut bien voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide.

La Vivaldi a affronté avec succès les suites de la crise sanitaire, puis le bouleversement géopolitique engendré par l’invasion russe en Ukraine. Deux réacteurs nucléaires ont été prolongés, un accord a pu être trouvé avec Engie. Afin de permettre aux Belges de se chauffer l’hiver malgré l’explosion des coûts de l’énergie, le fédéral a sorti son portefeuille. Cette gestion de l’urgence peut être mise à l’actif de la Vivaldi.
Pour la suite, le Premier ministre veillera à ce qu’aucune décision irréversible ne soit prise en matière nucléaire : la porte doit rester ouverte pour une prolongation de réacteurs supplémentaires durant la prochaine législature. L’hypothèse circule déjà au sein de différents cabinets.
Sur le plan des réformes socio-économiques, un accord inespéré sur les pensions a été arraché cet été. Il permet par ailleurs à la Belgique de sécuriser le versement de fonds européens de relance dépendant de l’adoption de mesures structurelles. Par contre, la grande réforme fiscale que portait le ministre des Finances, Vincent Van Peteghem (CD&V), a été retoquée en juillet et définitivement enterrée. Adopter ce plan ambitieux ne figurait toutefois pas dans l’accord de gouvernement. Il ne s’agit donc pas réellement d’un échec vivaldien.
Le budget, le gros dossier de cette rentrée
Après plusieurs années très coûteuses pour les finances publiques, le gouvernement fédéral s’est également lancé dans un assainissement budgétaire. C’est le gros dossier fédéral de la rentrée, le conclave d’octobre doit fignoler le budget 2024. L’état d’esprit au sein du gouvernement est le suivant : il faut réaliser un exercice “sérieux”, poursuivant l’effort entamé lors du dernier ajustement des comptes fédéraux en mars. “La pire chose que l’on pourrait faire en octobre, c’est un budget à la va-vite et qui laisserait les arbitrages difficiles pour le prochain gouvernement. On ne sait pas combien de temps il faudra pour former la prochaine coalition”, note une source haut placée. En effet, si une nouvelle crise politique devait survenir après les échéances de juin, le gouvernement, prolongeant les affaires courantes, ne pourra pas prendre de mesures importantes.
Toutefois, le climat de campagne électorale va très probablement s’inviter dès la rentrée politique de septembre et la confection du budget 2024 sera corsetée par le fait que les partis vont se regarder en chiens de faïence. “Lors du conclave budgétaire, il n’y aura pas de doublement de la taxe sur les comptes titres ni de limitation dans le temps des allocations de chômage”, relève le même informateur. Aucun partenaire de la Vivaldi ne voudra prendre le risque de donner un “trophée” politique à ses concurrents. Les négociations d’octobre devraient fonctionner comme un jeu à somme nulle : aucun parti ne sortira clairement comme le grand gagnant ou le grand perdant des discussions.