Plus de 45 000 Wallons travaillent en Flandre: "Stigmatiser les demandeurs wallons n’incite pas à améliorer l’attractivité des entreprises flamandes"
Guéguerre de chiffres sur la mobilité des travailleurs wallons. Le refrain est connu, mais les pistes d’amélioration restent largement exploitables. Il n’y a notamment pas d’accord de coopération entre la Flandre et la Wallonie.
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- Publié le 23-08-2023 à 18h31
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Seuls 51 demandeurs d’emploi auraient sollicité en Flandre en 2022, alors que 117 000 annonces d’emploi ont été transmises à la Belgique francophone l’an dernier par l’office de l’emploi flamand. Le constat, délivré par la presse néerlandophone, doit être nuancé. “En réalité, précise Thierry Ney, porte-parole du Forem, l’office de l’emploi wallon, ce sont 51 personnes demandeuses d’emploi qui se sont directement inscrites sur le site du VDAB pour recevoir des annonces d’emploi en Flandre. Cela ne dit rien, évidemment, de la promotion – qui s’intensifie – des offres d’emploi du VDAB sur le site du Forem ou d’Actiris, qui se comptent en dizaines de milliers”.
2022, un bon cru
Quelques précisions chiffrées, dès lors. Source : le Forem lui-même. “En 2022, notre site a proposé 8 % d’annonces d’emploi en plus, à quelque 600 000 offres au total. Effectivement, plus de 100 000 proviennent de Flandre. Et contrairement à ce qu’on pourrait laisser croire, pas mal de travailleurs se rendent en Flandre pour un emploi, poursuit Thierry Ney. En 2022, plus de 45 000 Wallons travaillent en Flandre et 146 000 à Bruxelles. Sur les 20 dernières années, 2022 est la 6e meilleure année en termes de mobilité inter-régionale”. Il n’est pas surprenant que ces chiffres soient à la hausse : le marché de l’emploi est tendu. Les offres affluent, surtout dans les métiers en pénurie, mais la demande ne suit que très partiellement. Le problème est connu et surtout prégnant en Flandre, où les postes vacants s’élèvent à environ 130 000 unités, contre 40 000 en Wallonie et 25 000 à Bruxelles. “Ces derniers mois, au-delà de la promotion des annonces, des initiatives ont été prises pour faire connaître des entreprises flamandes au travers des 'werkweeken'”, précise-t-on au Forem. La présentation d’avril a permis à 500 demandeurs wallons de se manifester. Pour être complet, 124 600 demandeurs d’emploi ont reçu une offre de mobilité de la part du Forem entre 2018 et 2022, et 7 500 d’entre eux ont reçu un accompagnement spécifique pour travailler en Flandre”.
La barrière de la langue
Ce n’est pas tout. Toujours en avril, les ministres wallons de l’emploi Pierre-Yves Jeholet et son homologue flamand Philippe Muyters se sont accordés sur un nouveau plan d’action pour que davantage de postes de travail vacants en Flandre soient pourvus par des demandeurs d’emploi wallons, notamment via une plus grande coopération entre le VDAB et le Forem, ainsi qu’un travail de fond sur le néerlandais. “La langue reste évidemment un frein majeur à l’emploi de francophones par les entreprises flamandes mais il faut être honnête, pas mal de métiers ne nécessitent pas une connaissance approfondie de la langue, qui s’apprend aussi au contact de collègues. Le niveau de prétention des entreprises flamandes doit ainsi être revu à la baisse. On ne trouve plus aussi facilement le mouton à 5 pattes”, glisse Benoit Caufriez directeur cher Acerta, et spécialiste du marché de l’emploi. Lequel reconnaît que la barrière de la langue reste un frein historique toujours bien présent chez les demandeurs d’emploi francophones. “Cependant, stigmatiser les demandeurs d’emploi wallons n’incite pas non plus à améliorer l’attractivité des entreprises flamandes à leurs yeux”, glisse le porte-parole du Forem. D’autant plus que la géolocalisation du lieu de travail est un critère de plus en plus prépondérant, explique l’office d’aide à l’emploi. Entendez : les travailleurs wallons habitant loin de la Flandre sont moins enclins à y aller.
Un protocole d’accord dans les limbes
Du côté de l’Union wallonne des entreprises (UWE), où l’on rappelle tout de même aussi qu’il y a plus de travailleurs wallons en Flandre que l’inverse, on explique que “les premiers à pâtir du manque actuel de main-d’œuvre disponible, ce sont les entreprises wallonnes qui peinent tout autant à recruter. Au-delà de la barrière de la langue, les profils recherchés par les entreprises flamandes sont exactement les mêmes que ceux qui sont recherchés par nos entreprises wallonnes : on revient au problème de base dans l’inadéquation des compétences”, explique l’UWE, qui rappelle donc la nécessité de réduire davantage les pièges à l’emploi pour activer davantage de personnes. La fédération patronale insiste aussi sur “la mise en œuvre de la réforme de l’accompagnement adapté, et l’application de tous ses volets, où le Forem a un rôle central à jouer. Il faut une approche beaucoup plus structurée et systématique de l’accompagnement. Enfin, la formation reste évidemment essentielle. Il faut la formation tout au long de la vie, en la réorientant vers les métiers en pénurie”, poursuit l’UWE. “Cela dit, conclut une de nos sources de l’administration publique, le problème reste qu’un accord de coopération sur la mobilité reste dans les limbes des cabinets politiques depuis très longtemps. Par ailleurs, il ne faut pas sous-estimer le fait que les deux Régions recherchent des profils souvent identiques, ce qui rend le sujet sensible”. Contacté, le cabinet de la ministre de l’emploi Christie Morreale (PS) n’a pas donné suite.