Tensions au sein de la majorité à Molenbeek : Georges-Louis Bouchez tente de bloquer la désignation comme échevine de Saliha Raiss

Saliha Raiss, conseillère communale Vooruit à Molenbeek, sera-t-elle bien désignée échevine ce mercredi soir ? La question agite le collège échevinal.

Ce 31 août, l’échevin Jef Van Damme quittera en effet le collège de Molenbeek pour une fonction dirigeante dans l’administration de la VGC (Commission communautaire flamande). Vooruit a désigné Saliha Raiss pour assumer les compétences des Travaux publics, de l’Accueil des enfants et de l’Enseignement néerlandophone.

L’élue, 35 ans, pourrait devenir la première échevine portant le voile en Région Bruxelles-Capitale, depuis Mariem Bouselmati, échevine à Molenbeek de 2000 à 2006.

Mais le MR (Liste de la bourgmestre, 12 sièges), qui forme avec le PS et Vooruit (17 sièges) la majorité au conseil communal, a mis son veto. Motif : elle porte le foulard islamique.

”Je vous confirme que le MR ne signera pas l’acte de présentation de Saliha Raiss à Molenbeek, on ne le votera pas. Être échevine et porter un signe convictionnel sont des éléments incompatibles. Nous souhaitons la neutralité de l’administration”, a déclaré Georges-Louis Bouchez ce mardi matin au micro de BX1.

Pour que la conseillère communale soit désignée, il faut qu’une majorité de conseillers communaux, ainsi que l’intégralité des conseillers de la liste PS-Vooruit, signe son acte de présentation puis vote sa désignation en conseil communal.

Mais le vote, prévu initialement ce mercredi au conseil communal, a dû être reporté au 6 septembre. Motif officiel : la conseillère communale a réuni les signatures nécessaires, mais trop tard.

La semaine s’annonce tendue, tant la situation, dans les sections locales molenbeekoises des partis, est très précaire.

Au sein du MR molenbeekois, certains élus ont mal reçu la prise de position de leur président. David Leisterh, président du MR bruxellois, a dû organiser une réunion d’urgence avec les élus locaux pour rappeler la ligne du parti.

“La section locale est sur la même ligne que le président, assure la cheffe de file des libéraux molenbeekois, Françoise Schepmans, quoique du bout des lèvres. Mais pour moi, ce n’est pas une question de majorité.”

Ce dossier, et Catherine Moureaux l’a rappelé au MR ce mardi, risque de miner des relations déjà compliquées entre libéraux et socialistes au sein de la majorité.

Saliha Raiss sauvée par l’opposition ?

Le véto libéral pourrait toutefois ne pas être suffisant pour bloquer la désignation de l’élue socialiste. Paradoxalement, Saliha Raiss pourrait être sauvée par des élus… de l’opposition

Écolo (3 sièges) soutiendra sa désignation mercredi, de même que Molenbeek Autrement – Molenbeek Anders (3 sièges) et le PTB (7 sièges).

”Il manquait deux ou trois signatures pour avoir une majorité sur l’acte de présentation. Des élus de chez nous ont donc fait en sorte de compléter cela, ajoute Didier De Block, chef de groupe du PTB à Molenbeek. Car cela ne va pas que Georges-Louis Bouchez se positionne sur le dos de Molenbeek, en promulguant ses oukases. Et Molenbeek a besoin d’échevins qui fonctionnent.”

Dissensions au sein du PS ?

L’affaire, pour autant, n’est pas encore tout à fait entendue. Car pour encore compliquer les calculs, il n’est pas exclu, nous disent plusieurs sources, que certains élus socialistes fassent défaut lors du vote final.

Les relations entre Saliha Raiss et la bourgmestre (PS) Catherine Moureaux seraient plutôt tendues. “Je n’ai pas l’impression que Catherine Moureaux soutient de tout son poids Saliha Raiss. Elle la laisse seule mendier elle-même les signatures…”, glisse Didier De Block, du PTB.

Selon des bruits de couloirs, si la désignation de Saliha Raiss est bloquée, Vooruit pourrait éprouver des difficultés à proposer un autre candidat. Et le poste d’échevin tomberait dans l’escarcelle des socialistes…

”J’ai entendu ces bruits. Cela me motive encore plus à être présent au conseil communal pour soutenir Saliha Raiss, pointe Jamal Ikazban, député bruxellois et conseiller communal, qui a récemment pris ses distances avec sa section locale. Il faut juger les gens sur la base de leur travail, pas de leur apparence. Saliha Raiss a été élue comme elle est, elle n’a rien caché. Voir un partenaire de majorité (le MR) refuser de soutenir la désignation d’un échevin d’un autre parti peut créer un dangereux précédent. Ce coup politique démontre qu’il y a un problème de confiance et de loyauté. Chacun peut avoir son opinion, mais alors pourquoi le MR ne quitte-t-il pas la majorité ? Ils peuvent démissionner de leurs mandats.”

La loi communale bruxelloise, contrairement au cas wallon, ne permet pas au MR de retirer la prise si Saliha Raiss est élue. Le momentum permet toutefois au président du MR, comme dans l’affaire Ishane Haouach, de réaffirmer sa position de défenseur d’une neutralité stricte. “Un problème va se poser dans les prochaines semaines. Comment cette échevine pourrait-elle empêcher le port du voile dans l’administration, et en particulier des personnes en contact avec des enfants ?”, se demande Georges-Louis Bouchez. Contacté par La Libre, le président du MR se refuse toutefois à incriminer la bourgmestre de Molenbeek. “Catherine Moureaux n’est en rien responsable de cette désignation, c’est Vooruit. Conner Rousseau (président de Vooruit) a dit ne plus se sentir en Belgique à Molenbeek. Il dénonce le communautarisme, mais il le renforce lui-même ce qu’il dénonce par cette désignation. À l’allure où ça va, en 2024, on aura le même problème au gouvernement fédéral.”

Le risque de raviver les tensions sur la laïcité au PS

L’affaire risque par ailleurs de raviver les tensions au sein du PS sur le thème de la laïcité. “La position du PS n’est-elle pas l’interdiction du port de signes convictionnels lorsqu’on assume une position d’autorité, en front office ?”, a tweeté Julien Uyttendaele (PS), député bruxellois et partisan d’une neutralité stricte.