Comment le bon d’État a changé le destin de Vincent Van Peteghem
Il aurait pu entrer dans la longue liste des ministres dont tout le monde oublie le nom après quelques années. Mais depuis le succès des bons d’État, le ministre des Finances a changé de dimension.
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- Publié le 16-09-2023 à 20h00
- Mis à jour le 17-09-2023 à 20h47
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Le 19 juillet 2023, la Vivaldi enterrait la première étape de la fameuse réforme fiscale tant voulue par Vincent Van Peteghem et inscrite dans l'accord gouvernemental. Sur les ondes des radios flamandes, le ministre des Finances s’est assez rapidement déclaré “déçu de voir que certains (il visait le MR tout particulièrement, NdlR) n’ont pas le courage de prendre des décisions dans l’intérêt de tous.” Son grand projet de la législature s’effondrait. Le bilan du ministre des Finances était en outre bien maigre : une réforme des accises imbuvable pour le commun des mortels, un verdissement du parc des voitures de sociétés (sans toucher à l'avantage fiscal) et une réforme des droits d'auteur décriée. Depuis, le vice-Premier ministre CD&V s’est refait une petite santé. Avec près de 22 milliards d’euros récoltés auprès des épargnants belges, son projet d'émission d'un bon d'Etat assorti d'un régime fiscal favorable a fait mouche. Le come-back du natif De Pinte en a surpris plus d’un. Y compris lui, d'ailleurs,... Mais le succès de l'opération en fait une figure incontournable du CD&V pour les prochaines élections.
Débarqué en 2020 par surprise à l’un des postes les plus stratégiques du gouvernement, Vincent Van Peteghem n’a, à l’époque de sa nomination, pas une longue carrière politique nationale derrière lui. L'homme est surtout un intellecturel, docteur en économie de l'UGent. Son engagement chrétien-démocrate ne doit cependant rien au hasard. Pendant 15 ans, son père a dirigé De Pinte, une commune de 11 000 habitants en périphérie de Gand. Tout naturellement, le jeune Vincent suivait alors avec attention toutes les réunions présidées par son père, jusqu’à se présenter lui-même au suffrage communal en 2012 sur la même liste, celle du CD&V. Directement, fort de son patronyme, il réalise le deuxième score de la liste, alors qu’il y figurait en onzième position.
En mission pour venger son père
Celui qui se voyait déjà premier échevin auprès de son père doit pourtant déchanter. Le CD&V est poussé dans l’opposition par une coalition de toutes les autres listes. Face à la bourgmestre qui a poussé son père dehors, il se fait les dents comme chef de file de l’opposition. “C’est une personne sympathique, mais il n’hésitait pas à taper fort lors des conseils communaux, parfois jusqu’à l’exagération, confie une mandataire qui était à l’époque dans la majorité. Il s’était donné pour mission de reconquérir la ville, et je dois bien constater qu’il a tenu parole.” Six années plus tard, effectivement, les élections communales de 2018 marquent l’avènement de la carrière locale de Vincent Van Peteghem. Avec 2 400 votes de préférences et 41 % de voix pour sa liste, le “fils de Martin Van Peteghem”, comme l’appellent parfois certains locaux, reprend le mayorat et devient bourgmestre de De Pinte.
Cette forte impression dégagée au niveau local encourage le parti à lui proposer un destin plus important, en le plaçant sur les listes fédérales en 2014. Deux ans après, en sa qualité de deuxième suppléant, il devient député à la Chambre. Il reste trois ans au parlement fédéral, où il se place comme l’une des nouvelles figures du CD&V. Poussé par cette expérience récente, et sa popularité locale, il devient en 2019 député au parlement flamand. Et cette fois, sans être suppléant.
Le bon soldat du fisc
La période vécue par le CD&V après les élections de 2019 est déterminante pour Vincent Van Peteghem. Il fait partie des “douze apôtres”, ce groupe de réflexion voulu par les chrétiens-démocrates pour tirer les leçons de la défaite électorale. Après l’annonce du départ de Wouter Beke au gouvernement flamand, il se lance en novembre dans la course à la présidence du parti. Sans succès. Il prend la quatrième place du premier tour, laissant Joachim Coens et Sammy Mahdi s’affronter au second. Mais chacune de ces étapes permet au natif de Gand de placer ses pions et gagner en influence. Le 1er octobre 2020, ce travail de sape finit par payer : il est nommé vice-Premier ministre au sein du gouvernement fédéral, et reçoit le ministère des Finances. Un poste prestigieux pour ce quasi-néophyte au plus haut niveau.
Au sein du kern, “Van Pet”, comme on le surnomme certains autres membres de la Vivaldi, se retrouve souvent au centre du jeu. “Vu que c’est un gouvernement avec des socialistes et des libéraux, on finit souvent avec un compromis au centre, favorable à la ligne du CD&V, remarque Dave Sinardet, politologue à la VUB. Il a petit à petit imposé son style. C’est un pur chrétien-démocrate, probablement même plus que son président de parti. Ce n’est pas quelqu’un qui donne une image rock’n’roll, il est plus technicien. Il est un peu terne. Et il n’est pas là pour faire de grandes déclarations”.
Cet autre vice-Premier ministre confirme. “C’est un chouette gars, vraiment, mais il n’est pas le plus bavard. Il répète surtout ce que lui dit son administration. Il est vraiment le bon soldat du fisc.” Plutôt réputé pour sa culture du compromis, comme tout bon membre du CD&V, Vincent Van Peteghem n’est pas vraiment celui qui se fait remarquer par de grandes colères ou des claquements de portes. Dans la presse flamande, il est souvent présenté comme une “personnalité grise”. Une image pourtant éloignée de la réalité du conclave fédéral, d’après cet autre membre du kern. “Il a un humour ravageur. Il a toujours un bon mot pour détendre l’atmosphère.”
”Familieman”
Comme négociateur, Vincent Van Peteghem a réussi à prendre du galon au fil des ans. “C’est vrai que la nuance est importante pour lui, mais il a pu aussi se montrer très ferme à certaines occasions. Dans les négociations sur les mesures de soutien pendant la crise énergétique, il était inflexible sur la baisse de la TVA à 6 %.” Dans son cabinet, des proches confirment la méthode Van Peteghem : consulter énormément, écouter beaucoup, puis décider et ne plus trop changer d’avis. Un petit côté borné parfois ? C’est le propre de tout politicien, répond-on dans son entourage.
Quand il doit se concentrer, Van Peteghem joue aux fléchettes dans les couloirs de son cabinet. Il prend souvent le temps d’appeler ses trois enfants par appel vidéo, entre deux réunions. C’est son côté “familieman”, “bon père de famille”, comme disent ses proches. Il tente de se montrer souvent les week-ends à De Pinte, où il est resté président du Conseil communal. Le vice-Premier avoue lui-même ne pas très bien savoir de quoi son avenir sera fait après son passage au ministère des Finances. La réponse vient alors la bouche de son propre président de parti, Sammy Mahdi. “Vincent jouera un rôle clé dans la campagne. Tout le monde sait au CD&V ce qu’on lui doit. Et contrairement à ce que certains disent, son bilan est excellent. Ce n’est pas le succès des bons d’État qui me fera changer d’avis.”