Branle-bas de combat à moins de neuf mois des élections : les grands enjeux des partis politiques francophones
La Libre analyse les grands enjeux pour chacune des formations francophones à l’aune de la campagne électorale qui s’ouvre.
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- Publié le 18-09-2023 à 06h33
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Il ne manque plus que Les Engagés. Côté francophone, Écolo, PS, MR, PTB et Défi ont fait leur rentrée politique ces dernières semaines à l’occasion d’un congrès ou autre université d’été. On y a parlé travail, sécurité, protection sociale, environnement, gouvernance, institutions… La rentrée des Engagés est, elle, programmée au 7 octobre, lors d’un "Conviviali-day" organisé au parc Pairi Daiza.
Cette rentrée est la dernière avant le méga-scrutin du 9 juin 2024 (élections européennes, fédérales et régionales). C’est l’effervescence pour le moment dans les partis. Les différents gouvernements du pays ne devraient plus accoucher de réformes majeures d’ici la fin de la législature. L’heure est plutôt à l’écriture des programmes, à la désignation des têtes de liste, au recrutement des candidats, à la préparation des équipes de campagne et de la stratégie électorale.
Chaque formation politique a ses atouts, ses faiblesses, ses espoirs, craintes, ses objectifs, ses gageures… Petit tour d’horizon du côté francophone, parti par parti, à moins de neuf mois du grand rendez-vous électoral.
Le PS doit redevenir "le parti des travailleurs"
Au PS, l’objectif est toujours le même : arriver partout en tête pour avoir la main et dicter l’agenda des négociations gouvernementales en Wallonie et à Bruxelles. Et être incontournable au fédéral.
Facile à écrire… La route pour y parvenir est semée d’embûche. Au fédéral, le PS doit mettre en avant ses victoires au sein de la Vivaldi. Problème, certaines décisions, comme celle sur la pension minimale que le parti ne manque jamais de mettre en avant, datent un peu. La Vivaldi ne semble plus en mesure d’engranger de nouvelles réussites. Une réforme fiscale semble s’éloigner. Et si elle devait revenir sur la table, le PS sait qu’un accord trop marqué par les partis de droite du gouvernement serait catastrophique à la veille d’un scrutin important.
Capitaliser sur le plan de relance
Partout, avec quelques nuances à Bruxelles où son électorat est sensiblement différent de celui en Wallonie, le PS doit convaincre qu’il est le parti des travailleurs. Deux autres partis lui contestent cette appellation. Le PTB tout d’abord, qui n’a de cesse de torpiller le PS qu’il accuse d’avoir abandonné le monde du travail. Le MR ensuite - surtout son président -, qui tente de capitaliser autour du terme "travailleur". En Wallonie, le PS compte sur le plan de relance et d’éventuels premiers résultats tangibles pour démontrer à l’électeur la nécessité de rester au pouvoir.
Le PS parviendra-t-il à faire mieux que limiter la baisse de son électorat ? Si aucune nouvelle affaire touchant le monde politique n’apparaît dans les mois qui viennent, c’est jouable.

Le MR, cette citadelle assiégée par la gauche
Au MR, depuis longtemps, les militants et les élus se voient comme dans une citadelle assiégée. Assiégée par les partis de gauche et du centre qui n’attendent qu’une seule chose : remettre les libéraux dans l’opposition à tous les niveaux de pouvoir pour le plus longtemps possible. Du reste, Paul Magnette, président du PS, l’a annoncé : s’il en a la possibilité, il dégagera le MR de tous les gouvernements. Naturellement, dans un tel contexte, le MR n’a pas d’autre choix que de faire le plus haut score possible en 2024 afin d’imposer sa présence dans les futures coalitions.
Garantir la paix interne
À côté de cette impérieuse nécessité, le MR va devoir également éviter d'ouvrir une guerre interne à quelques mois des scrutins de 2024. Le député Denis Ducarme l'a affirmé dans La Libre : convoquer maintenant des élections présidentielles serait pure folie… S'il est probable que Georges-Louis Bouchez puisse se maintenir à la tête du MR jusqu'à la fin de l'année prochaine, il devra toutefois ne plus commettre les erreurs qui ont agité à plusieurs reprises ses détracteurs au sein de sa formation. Des libéraux plus traditionnels, surtout dans le Brabant wallon et à Bruxelles, déplorent ses excès médiatiques et son style politique agressif. Bouchez devra les rassurer afin de ramener la sérénité au MR.
Enfin, problème de luxe : il y a un embouteillage de talents chez les libéraux et les places de choix sur les listes seront chères. Où caser Charles Michel et Didier Reynders, par exemple ? Le MR ne peut pas se passer de la plus-value électorale qu’apporteraient ces deux super-poids lourds.

Écolo devra vaincre le signe indien
Les élections de 2024 pourraient provoquer un nouvel effondrement des verts. Un mauvais sort les poursuit. Après chaque participation au pouvoir, ils ont pris une gifle électorale. Le signe indien sera-t-il vaincu lors des prochaines échéances démocratiques ? L’histoire risque de repasser les plats…
Les écolos, au fédéral, se sont montrés pragmatiques en mettant de côté leurs convictions pour prolonger deux réacteurs et en approuvant la livraison d’armes à l’Ukraine. Au risque de dégoûter leur base militante antinucléaire, anti-atlantiste et pacifiste. Déçu, ce noyau dur pourrait se démobiliser durant la campagne.
Un gros effort de com’
Par ailleurs, Écolo n’a pas accroché de nouvelles plumes à son chapeau. Quel est le bilan visible des verts à "vendre" au grand public ? Les avancées socio-économiques seront attribuées aux socialistes ou aux libéraux, par exemple. Le parti va devoir réaliser un gros effort de communication afin de démontrer que l’action de ses ministres a eu un impact.
Enfin, les autres partis ne vont pas faire de cadeaux aux écologistes. Le PS marche sur leurs plates-bandes en jouant la carte de "l'écosocialisme". Quant aux libéraux, il est probable qu'ils prennent Écolo comme cible durant la campagne, comme en 2019. Les angles d'attaque sont nombreux : de la démission de la secrétaire d'État Sarah Schlitz à cause du "logogate" aux propos jugés "wokistes" de la coprésidente Rajae Maouane qui, en juin 2020, avait dénoncé l'existence d'un "privilège blanc" en Belgique…
Le PTB à l’assaut de la Flandre
Il y a cinq ans, avant le scrutin de mai 2019, le PTB prévenait les autres partis. Il n’était pas disposé à monter au pouvoir après les élections. Même si les figures du parti nuançaient un peu les choses en disant que si les autres acceptaient de sortir des traités européens, la donne serait différente. Autant dire qu’il n’y avait aucune chance de les voir négocier sérieusement.
Surtout, le PTB voulait prendre le temps de grandir, de recruter des spécialistes et de réaliser un travail parlementaire efficace.
Un parti très organisé
Cinq ans après, à la veille d’un nouveau scrutin, le PTB a atteint ses objectifs. Le parti est structuré, il a recruté de nouveaux membres, de nouveaux élus potentiels et le centre d’étude carbure à plein régime. En Wallonie et à Bruxelles, les membres du PTB constatent que dans chaque nouveau sondage, les prédictions les concernant sont en hausse. Rien ne sert donc de réinventer la roue, il suffit de maintenir le rythme. En Flandre, par contre, le PTB-PVDA a mis le paquet. Il entend se poser en rempart contre le Vlaams Belang et la droite. Le parti se développe, il commence à croître, mais il a besoin désormais de meilleurs scores électoraux.
Le scrutin de juin 2024 ne sera qu’une étape pour renforcer son assise dans les territoires déjà conquis et dans ceux qu’il convoite. Le véritable objectif ? Le scrutin communal, quelques mois plus tard, à l’issue duquel le PTB entend bien jouer un rôle en capitalisant sur sa participation au pouvoir dans la commune flamande de Zelzate.

Les Engagés comptent grappiller au centre droit
La confession émane d'un membre influent du MR : "J'ai lu le manifeste des Engagés. Je suis d'accord avec presque tout… Heureusement pour nous, personne ne sait ce qu'il y a dedans."
La donne serait-elle en train de changer ? L’entrepreneur Yvan Verougstraete, l’ancien ministre wallon Jean-Luc Crucke, issus du MR, et l’ex-président de l’Union wallonne des entreprises, Olivier de Wasseige, ont tous rejoint Les Engagés. Au parti, on estime que s’il y a une marge de progression électorale, elle se trouve surtout au centre droit. À gauche, le terrain est bouché avec le PS, Écolo et le PTB. C’est donc au MR, seul parti de droite francophone, que Les Engagés espèrent prendre des électeurs (ainsi qu’à Écolo sur les enjeux environnementaux). Les trois recrues, présentées comme des libéraux sociaux sensibles aux défis environnementaux, peuvent les y aider.
Composer avec les départs
Le CDH, prédécesseur des Engagés, souffrait d’un déficit de notoriété. Le parti devait surtout compter sur ses personnalités, notamment locales, pour performer aux élections. À en croire les sondages, la "marque" Les Engagés souffre pour le moment des mêmes difficultés. Il faut dire que, pour un parti centriste, qui prône l’art de la nuance, il n’est pas facile d’être audible dans le brouhaha médiatico-politique permanent. C’est dans ce contexte que l’on comprend l’importance pour Les Engagés de compter des renforts de poids. À l’inverse, ils devront composer avec les départs. Les députés Catherine Fonck, Alda Greoli, André Antoine et René Collin ont déjà annoncé qu’ils ne se représenteraient en juin 2024.
Défi veut percer en Wallonie et se maintenir à Bruxelles
Défi, en maintenant en 2019 son nombre de sièges au niveau fédéral (2) comme en Région bruxelloise (10), avait bien géré le départ de la présidence d’Olivier Maingain et l’arrivée de François De Smet. Les élections de 2024 devront achever cette transition et stabiliser le parti durablement.
Il entend se positionner en parti laïque de centre droit, comme alternative aux déçus du MR, en parti de gouvernement constructif et sérieux. Les priorités de la campagne sont déjà esquissées : la maîtrise des dépenses publiques à tous les niveaux, la mise en place des recrutements promis en Justice, la réforme au fédéral du financement des partis, le développement du nouveau nucléaire, etc.
La situation à Schaerbeek
Électoralement, le premier enjeu de Défi, qui reste stable dans les sondages, sera de conserver son assise bruxelloise et ses deux députés fédéraux, même s’il dit en viser un troisième. Mais le parti veut surtout percer en Wallonie. François De Smet pense pouvoir obtenir un, deux, voire trois députés wallons en concentrant les moyens sur les arrondissements clés. Ce serait historique pour ce parti à l’ADN bruxellois.
Les enjeux de 2024 seront également locaux. Défi espère conserver ses bourgmestres, en particulier à Schaerbeek où la position de la majorité est précaire. La situation à Schaerbeek influencera les autres niveaux de pouvoir puisque de la décision du bourgmestre en titre Bernard Clerfayt, également ministre bruxellois, de se représenter dépendra la tête de liste à la Région.

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