Travailler dans les titres-services augmente de 260% la probabilité de tomber en invalidité
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Publié le 07-02-2020 à 08h38 - Mis à jour le 07-02-2020 à 10h08
L’impact sur la santé des travailleurs et la Sécu chiffré par une nouvelle étude.
Depuis sa mise en place en Belgique, en 2004, le système des titres-services a connu un énorme succès, mettant au travail près de 150 000 travailleurs faiblement qualifiés, essentiellement des femmes. Le dispositif, subsidié par les pouvoirs publics, a permis en outre de sortir un grand nombre d’aides-ménagères du travail au noir et de répondre à la demande croissante de la population pour ce type de services.
Un beau succès, donc, mais qui a sa face sombre : les travailleuses des titres-services sont souvent malades et la croissance du taux d’invalidité dans ce secteur est l’une des plus importantes, qui a sans doute contribué à la forte augmentation de l’invalidité observée chez les femmes ouvrières depuis 2004.
Pour mieux cerner cette problématique, l’Institut national d’assurance maladie-invalidité (Inami) y consacre un séminaire ce vendredi, où seront exposées les conclusions d’une étude (toujours en cours) du département d’économie appliquée de l’ULB (Dulbea), menée par Elisabeth Leduc et Ilan Tojerow. La Libre a pu les lire.
Il s’agissait d’analyser l’impact de l’entrée dans les titres-services sur la situation du travailleur durant les cinq ans qui suivent cette entrée.
Travail au noir
Les chercheurs ont pu observer, assez logiquement, que l’entrée dans le système augmente de 23,1 points de pourcentage (68 %) la probabilité d’être à l’emploi durant les cinq années suivantes. Cela s’accompagne d’une réduction de 16,9 points (62 %) de la probabilité d’être au chômage et de 7,2 points (22 %) de la probabilité d’être inactif. Cela confirme que les titres-services ont pu sortir des femmes du chômage et de l’inactivité. Il est probable qu’une part de cette réduction provienne d’une transition du travail non déclaré, notent cependant les auteurs.
Plus intéressant : si l’effet sur l’emploi est important, il agit uniquement au travers d’un effet sur l’emploi subsidié. Les titres-services ne constituent pas un tremplin vers un autre emploi non subsidié.
Enfin, et c’est sans doute le plus sensible, le fait de travailler dans les titres-services augmente la probabilité d’être en incapacité de travail primaire (+2,5 points de pourcentage) et en invalidité, c’est-à-dire en incapacité de travail d’une durée supérieure à un an (+1,8 point, ce qui représente une augmentation proportionnelle de 260%). Principales causes de ces incapacités de travail, les maladies du système locomoteur (douleurs dorsales, arthrose, etc.).
"Des dizaines de millions d’euros"
Les chercheurs du Dulbea vont maintenant s’attacher à évaluer l’impact budgétaire de ce phénomène. Mais à l’Inami, François Perl, directeur du Service des indemnités, est d’ores et déjà interpellé par les résultats de l’étude. "On est face à des chiffres impressionnants, surtout en ce qui concerne l’incapacité de longue durée. Et comme ces travailleuses sont peu qualifiées, la probabilité d’un retour à l’emploi est très faible. Certes, le dispositif des titres-services est très positif en termes de mise à l’emploi, mais je ne veux pas considérer ce problème des maladies comme un dégât collatéral minime. Il ne faut pas remettre en cause le système des titres-services, mais améliorer la qualité de ces emplois et la prévention des maladies." Pour la santé des travailleurs et pour des questions budgétaires. "Le surcoût engendré se chiffre certainement à des dizaines de millions d’euros par an, conclut M. Perl. Ce n’est pas négligeable."