Les mamans seules avec enfants se retrouvent "noyées" par la crise du Covid-19: "Moi je peux me priver, mais mes enfants ont besoin de se nourrir correctement"
Près d’un tiers ont un salaire journalier de moins de 100 €. Elles sont nombreuses dans les secteurs touchés par la crise.
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Publié le 19-05-2020 à 09h54 - Mis à jour le 19-05-2020 à 10h57
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Près d’un tiers ont un salaire journalier de moins de 100 €. Elles sont nombreuses dans les secteurs touchés par la crise.
Avec deux petits bouts de 4 ans et 2 ans et demi, Claire, jeune maman solo, a peur de couler à pic. D’ordinaire, elle s’en sort à peine avec ses revenus d’aide ménagère, un temps partiel calculé sur les horaires des enfants. Il lui arrivait déjà, avant la crise sanitaire, de chercher un colis alimentaire. La honte dans l’âme. "Moi, je peux me priver et ne pas manger trop. Je bois du coca pour tenir le coup quand je travaille. Mais pour mes enfants, je dois avoir de quoi acheter des fruits, du lait, des légumes. Quand le papa ne paie pas ce qu’il doit, je ne sais pas faire autrement."
Avec le chômage temporaire pour cause de crise sanitaire, les maigres revenus ont encore fondu. Et la suite est en forme de point d’interrogation. "Je ne sais pas si tous les clients vont oser reprendre quelqu’un chez eux. Ça fera moins de rentrées." Entre l’angoisse de manquer et celle de remettre les petits à la crèche et à la garderie, la perspective de retourner au travail "comme s’il n’y avait pas eu le corona" l’empêche de bien dormir.
Encore plus fragilisées
Claire et ses deux enfants sont un exemple de ces ménages pauvres, "qui vivaient à moitié en surface avant la crise et que le Covid noie", décrit le Réseau wallon de lutte contre la pauvreté (RWLP). "Ce virus fantôme avec ses conséquences graves s’abat sur un terreau d’inégalités préexistantes ! Il était inévitable que les mesures sanitaires dont le confinement, indispensables, s’appliquent inégalement suivant les situations de vie des ménages, et conduisent certains vers des difficultés très aiguës", souligne le RWLP.
Les familles monoparentales, notamment, risquent d’être encore plus fragilisées par la crise économique et sociale liée au Covid-19. Au 1er janvier 2019, il y avait 206 311 parents seuls (âgés de 20 à 59 ans) dans l’espace Wallonie-Bruxelles, dont 153 198 en Wallonie et 53 113 à Bruxelles, selon l’état des lieux dressé par l’économiste Philippe Defeyt dans la dernière étude de l’Institut pour un développement durable (IDD). Les familles monoparentales représentent plus d’un quart (27,7 %) du total des ménages avec enfants, dont 84 % sont des mamans solos.
Un taux de chômage plus de deux fois plus élevé
Seules 55,5 % de ces femmes ont un emploi, contre 65,9 % des mamans qui vivent en couple. À l’inverse, leur taux de chômage est plus de deux fois plus élevé (23,6 %, contre 10,1 %). Près de 10 % d’entre elles bénéficient d’une indemnité d’incapacité ou d’invalidité, soit trois fois plus que les autres mamans (3,6 %). Alors que 14 % des mamans solos dépendent d’une manière ou d’une autre du CPAS, seules 1,1 % des autres mamans sont dans le cas, montre l’étude.
La moitié des mères seules avec leurs enfants travaillent à temps partiel, contre 58,7 % des autres mamans. "On pourrait dire pour partie que le temps partiel est plus un choix pour les femmes qui sont en couple et une contrainte pour les mamans solos, pour qui le temps partiel est involontaire", éclaire Philippe Defeyt.
Les mamans seules sont aussi proportionnellement plus nombreuses (30,9 %, contre 25 %) à avoir un salaire journalier inférieur à 100 €. "Il est intéressant de voir que les mamans solos sont aussi surreprésentées dans plusieurs secteurs d’activité particulièrement touchés par la crise : les services aux entreprises, le nettoyage, la santé humaine (hors hôpitaux) et l’action sociale sans hébergement", souligne encore Philippe Defeyt.