"Ils se cachent pendant une longue période": tollé chez les hébergeurs de migrants suite aux décisions et déclarations de la ministre De Block
La méthode de l’Office des étrangers pour déterminer les cas d’abus chez les demandeurs d’asile serait illégale.
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Publié le 15-07-2020 à 08h47 - Mis à jour le 15-07-2020 à 17h19
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C’est peu dire que le renforcement de la lutte contre les abus en matière d’asile annoncé par Maggie De Block (Open VLD) a suscité le tollé dans le milieu des hébergeurs de migrants. Sur les réseaux sociaux, de nombreux commentaires témoignent de l’indignation face à cette annonce. Mais, surtout, ils sont nombreux à dénoncer un mensonge et un postulat initial qui serait faux. Une phrase surtout cristallise les réactions. "Ils se cachent alors pendant une longue période", déclarait la ministre, en référence aux demandeurs d’asile qui ne se rendraient pas aux convocations pour dépasser les six mois de délai en restant dans les familles d’accueil.
"C’est tout à fait faux", s’exclame d’emblée Bénédicte, l’une des bénévoles de la Plateforme citoyenne de soutien aux réfugiés. Depuis quelques mois, cette habitante du Brabant wallon s’occupe de Asante*, un Érythréen de 23 ans. Son dossier d’asile aurait dû tomber sous la responsabilité de la Belgique ce 17 juillet, comme le prévoit le règlement de Dublin. Le 17 janvier 2020, l’Office des étrangers a en effet demandé à la Suisse, son pays d’entrée, si elle acceptait d’accueillir le jeune homme. La Suisse avait marqué son accord dans la même journée et l’avait signalé à l’Office. Pourtant, le jeune homme n’en est notifié que le 20 mai. Il reçoit à ce moment-là un document de l’Office des étrangers lui demandant s’il est d’accord de rentrer et d’indiquer une adresse où on peut le trouver. Sur demande de son avocat, le jeune homme ne signe pas le document, mais renvoie un autre courrier où figure l’adresse de son hébergeuse. Il se rend disponible pour un contrôle et indique sa collaboration. Quelques jours plus tard, Asante reçoit un nouveau document lui notifiant que son délai de transfert est prolongé d’un an. L’avocat a déposé un recours contre la décision et l’issue ne fait pas de doute pour Bénédicte : "C’est une stratégie destinée à enfreindre la loi. Si les exilés n’ont pas un avocat spécialisé ou un bon accompagnement, ils sont renvoyés dans le pays et l’Office a réussi."
En fuite, malgré une adresse
Cette situation, Marie* la connaît bien. Cette Tournaisienne accueille depuis quelques mois Akim*, un jeune Éthiopien entré en Europe par l’Allemagne. Akim a demandé l’asile en Belgique en novembre. Après plusieurs reports d’interviews avec l’Office des étrangers, l’homme a reçu le document attestant que l’Allemagne est bien responsable de son dossier et qu’il doit donc y retourner. Mais avec ce document, Akim a également reçu le formulaire à signer. Lui non plus ne le signe pas, mais envoie un courrier où figure son adresse et où il indique se tenir à disposition de l’Office. "Il a pourtant reçu le document l’avertissant de la prolongation de son délai de transfert, car il est considéré comme en fuite", s’étonne l’hébergeuse.
Illégal, selon des avocats
Plusieurs avocats actifs dans le droit de la migration estiment ce procédé illégal. "Les conséquences juridiques de cette signature sont illégales, entame Julien Hardy, avocat chez Casabel. L’Office des étrangers considère qu’un ‘dubliné’ qui ne signe pas le papier se rend coupable de fuite. Or non, il refuse seulement de signer un document qui attesterait de sa bonne volonté à organiser son retour. Dans la plupart des cas, nous joignons même l’adresse où les demandeurs d’asile sont accessibles." Plus tôt ce mois-ci, les Chambres réunies du Conseil du contentieux des étrangers avaient rendu un arrêt à ce propos. La conclusion est claire : "Ce courrier d’information ne constitue pas un acte attaquable."
Interrogé sur la question, le cabinet de la ministre souligne que l’arrêt concerne une affaire précise et souligne que l’Office des étrangers travaille à améliorer le système. "Nous continuons à défendre la prolongation du délai de transfert lorsqu’il y a des signes de fuite. Cela entre donc également dans le cadre des nouvelles mesures", répond le cabinet.
*Noms d’emprunt