Nos boîtes de nuit ne savent plus sur quel pied danser: “C’est la fin, sauf si…”
La crise sanitaire et les restrictions qu’elle a entraînées mettent les établissements au bord de la faillite. Bilan et témoignages alarmants.
Publié le 15-08-2020 à 07h55 - Mis à jour le 15-08-2020 à 07h56
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Après 150 jours de confinement, le secteur événementiel a besoin d’y voir plus clair quant à son avenir. C’est "désespérément nécessaire" comme l’indique la campagne Sound of Silence qui regroupe tous les protagonistes de cette activité plongée dans le flou à cause du Covid-19 (qui ont mené une action ce jeudi matin). "Puisque les politiciens ne nous donnent pas cette clarté, nous leur envoyons un signal significatif. Pour les 3 000 sociétés, pour les 70 000 événements annuels et pour les 80 000 travailleurs menacés de perdre leur emploi."
Parmi eux, il y a les acteurs qui font vivre la nuit et ceux-ci souffrent peut-être encore plus de la situation. Alors qu’il est question de plus de 300 faillites en France, le même cataclysme pourrait déferler sur la Belgique dans les mois, voire les semaines, à venir si le politique ne prend pas les choses en main. " Il va y avoir des faillites au moment où les aides (chômage économique, droit passerelle et projet d’indemnité de 3 500 euros) vont se tarir, assure Yves Collette, administrateur d’Horeca Wallonie et porte-parole de la discothèque l’Alhambra, à Liège. Quand tous leurs frais, loyers ou congés payés vont arriver à échéance, plus d’un exploitant va devoir déposer le bilan." Si le président de la section cafetiers précise qu’il y avait déjà pas mal de fermetures avant le coronavirus, faute de repreneurs et en raison des changements de consommation de la jeunesse, " les boîtes de nuit qui s’adressaient aux quadras et quinquas sont en train de disparaître". "C’est toujours du cas par cas, dit-il. Ceux qui sont propriétaires de leur bâtiment, qui ont fait des amortissements et ont peu de frais, s’en sortiront… peut-être. Mais ceux qui ont des loyers pouvant aller jusqu’à 10 000 euros ou des investissements en cours, je ne vois pas comment ils vont s’en sortir."
Problématique de l’hiver
Les boîtes de nuit, dont les portes sont fermées depuis six mois et qui ont vu leur chiffre d’affaires se réduire de moitié, ne comptent cependant pas rouvrir dans n’importe quelles conditions. " Danser avec des masques, cela n’intéresse personne, souligne Yves Collette. Ce sont des lieux de proximité." L’administrateur d’Horeca Wallonie pousse l’analyse plus loin. "À partir du moment où il va faire froid, il n’y aura même plus de terrasses permettant à ces bar-boîtes de survivre… C’est le plus gros problème. Sans compter l’arrivée des maladies hivernales. La solution ? Soit on teste tout le monde avant de rentrer, soit on trouve un vaccin. Au-delà des clubs, ce sont aussi les cafés de papa qui vont être amenés à disparaître. Or ce sont souvent les personnes âgées qui ont le pouvoir d’achat."
"C’est la fin sauf si..."
" Depuis le début, je demande au gouvernement de légiférer sur notre secteur, déplore Yves Collette, en contact avec des ministres sur la question mais qui se renvoient la balle entre le fédéral et le régional. Seulement, ce n’est pas cela qu’on entend. Ils ont peur et demandent que l’on s’arrange entre nous. Ils font appel à la bonne charité de chacun alors qu’in fine, il y a toujours quelqu’un qui paye la note. Soit l’État prend ses responsabilités, soit c’est la fin du secteur. Ils doivent prendre une part du fardeau." En conclusion, il faut se mettre autour de la même table.
" Le politique a mouillé un peu son pantalon (sic) en prolongeant le chômage temporaire jusqu’à décembre. Mais il leur a fallu le coronavirus pour se rendre compte de l’importance du secteur horeca. Il est non seulement utile mais a aussi un impact social et économique important. Sauf qu’il semble plus facile de s’attaquer et abattre un secteur qui a déjà un pied par terre." Le président de la section cafetiers ne mâche pas ses mots. "Les boîtes de nuit et dancings ont été stigmatisés et même souvent montrés du doigt comme des voleurs, des tricheurs, voire des bandits. Avec le coronavirus, ils ont vu que nous n’étions pas plus frauduleux que d’autres. Car si le secteur est aussi précarisé aujourd’hui, c’est qu’on ne gagne pas tant que cela !"