"Le rebond se produira dans les maisons de repos mal gérées"
C’est gravé dans nos mémoires : les maisons de repos ont payé un lourd tribut lors de la première vague de la pandémie du Covid-19. Pour contenir tout risque d’une reprise en force de la propagation du virus dans la population, experts, soignants, politiques… ont les yeux rivés sur les chiffres.
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Publié le 20-08-2020 à 06h22 - Mis à jour le 20-08-2020 à 13h48
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Après Anvers, c’est l’ensemble de la région bruxelloise qui, mi-août, a dépassé le seuil d’alerte de plus de 50 cas de contamination pour 100 000 habitants. Dont certains se sont déclarés dans des maisons de retraite. Ainsi, 52 résidents et membres du personnel de la maison de repos Molenheide (placée en confinement total fin juillet à la suite de 14 cas confirmés) à Wijnegem, près d’Anvers, ont été testés positifs tandis que des cas de Covid-19 ont été constatés dans quelques homes à Bruxelles. "On reste néanmoins dans une situation qui est largement sous contrôle", estime Vincent Frédéricq, secrétaire général de la Fédération des maisons de repos (Femarbel).
Face au regain de l’épidémie, qu’est-il toutefois mis en place pour protéger les aînés ? "Depuis cette semaine, à Bruxelles (le territoire des 19 communes), a été mise en place une stratégie générale de dépistage préventif de tout le personnel (y compris les volontaires, les stagiaires…) des maisons de repos, en commençant par les communes qui sont le plus touchées par le virus", indique M. Frédéricq. Et de préciser : "Tant qu’on est en phase d’alarme (de 15 à 50 cas de contamination pour 100 000 habitants) ou d’épidémie (au-delà de 50 cas pour 100 000 habitants), on devrait, en principe, tester tout le personnel tous les mois." Si, actuellement, la capacité de dépistage s’élève à 30 000 tests par jour, "il faut surtout que les résultats suivent très vite", insiste le secrétaire général. "Ils devraient être transmis dans les 24 à 36 heures alors qu’on est pour le moment plutôt dans des délais de 48 à 72 heures."
Concernant les régions wallonne et flamande, "le même principe de testing préventif sera d’application", sachant que le personnel sera testé non pas sur la base de l’ensemble du territoire régional, mais bien sur une base communale.
Et si un cas (ou une suspicion) de Covid survient dans une maison de repos qui n’est pas située dans une commune en phase d’alarme ou d’épidémie ? "Dès l’instant où l’on constate un cas suspect ou un cas positif, on testera non seulement l’ensemble du personnel mais aussi l’ensemble des résidents", affirme M. Frédéricq.
Pour le secrétaire général, cette stratégie de prévention à double détente est "pertinente". Il encourage néanmoins les familles qui viennent rendre visite à un proche en maison de retraite à "impérativement respecter tous les gestes barrières" afin d’éviter d’importer le virus depuis l’extérieur. "L’enjeu est de maintenir la sécurité sanitaire ainsi que l’équilibre des contacts avec les familles. C’est une question de responsabilité de tous."
Réactivité des maisons de retraite
"Cette stratégie est bonne si les maisons de retraite fonctionnent normalement et la respectent, prévient Yves Coppieters, épidémiologiste à l’ULB. Pour que cette stratégie fonctionne, il faut que les maisons de retraite puissent réagir et détecter très rapidement les personnes à risque parce qu’elles sont symptomatiques et qu’ensuite elles puissent mettre en place la mesure à toute vitesse."
Au vu de la situation actuelle dans les maisons de repos - quelques dizaines de cas et quelques décès -, "ça peut faire peur, admet M. Coppieters, mais je ne crains pas une deuxième vague". Selon lui, "le rebond va s’exprimer exclusivement dans les maisons de repos dans lesquelles la gestion est mauvaise, c’est-à-dire où le port du masque n’est quasi plus systématisé lors des visites, où on laisse traîner les résidents malades plusieurs jours au milieu des autres résidents avant de réagir"... Il rappelle en outre qu’après la première vague un certain nombre de personnes âgées et de membres du personnel ont développé une immunité et que les gestes barrières sont désormais ancrés lors des visites extérieures. "Si on ajoute à cela la stratégie de testing préventif, il n’y a aucune raison qu’il y ait un rebond de l’épidémie dans les maisons de repos, sauf dans celles qui sont spécifiquement mal gérées, souligne le professeur de l’ULB. Car, même si c’est politiquement incorrect, on peut quand même aussi oser dire que la catastrophe s’est passée dans les maisons de repos extrêmement mal gérées (mais pas que) et c’est ce qu’on est en train de revoir actuellement."