"Le consentement doit être exprimé de manière explicite lors d’un acte sexuel." Sinon, il s’agit d’un viol
La députée CDH Vanessa Matz vient de déposer une proposition de loi qui précise la notion, encore souvent mal comprise.
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- Publié le 13-09-2020 à 20h25
- Mis à jour le 13-09-2020 à 20h34
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"La fille n’a pas dit non, donc ça ne peut pas être un viol." C’est ce que pensent un tiers des Belges de moins de 26 ans, selon les résultats d’un sondage réalisé au printemps 2020 à la demande d’Amnesty International et de SOS Viol. Autrement posé : un jeune sur trois estime que si une personne n’exprime pas explicitement son refus d’avoir des relations sexuelles, l’acte ne peut pas être considéré comme violent.
Ces chiffres inquiétants montrent que les jeunes ont encore beaucoup de mal avec la notion de consentement, en particulier entre partenaires. Ils n’ont pas l’air de comprendre que si l’autre ne veut pas, même s’il ou elle ne résiste pas ou qu’il n’y a pas de violence physique, il s’agit d’un viol - un crime passible d’emprisonnement.

Cette mauvaise compréhension de la notion de consentement, notamment au sein du couple, interpelle particulièrement.
"Il ne peut pas être déduit d’une attitude"
"Il fallait retravailler cette question", estime Vanessa Matz, députée CDH, qui vient de déposer une proposition de loi stipulant que le consentement doit être exprimé de manière explicite et claire lors d’un acte sexuel. "Il ne peut pas être déduit d’une attitude." Le texte veut mieux préciser les cas dans lesquels il n’y a pas de consentement - et donc infraction sexuelle (lire ci-dessous).
La Belgique est un des rares pays à avoir intégré la notion de consentement dans son Code pénal. L’article 375 (alinéas 1 et 2) énonce que "tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit et par quelque moyen que ce soit, commis sur une personne qui n’y consent pas constitue le crime de viol". Il n’y a pas de consentement "notamment lorsque l’acte a été imposé par violence, contrainte, menace, surprise ou ruse, ou a été rendu possible en raison d’une infirmité ou d’une déficience physique ou mentale de la victime", poursuit le Code pénal.
"Malgré le ‘notamment’, les critères censés déterminer les situations où il y a absence de consentement sont encore trop limités", relève la députée CDH.
En état de sidération
De nombreuses plaintes pour viol n’aboutissent pas en raison du fait qu’il n’y aurait eu, de la part des victimes, de réaction de refus ou d’actes de défense. Ce qui empêche une victime de résister ou de se débattre, c’est la sidération psychique, qui se manifeste dans deux situations de viol sur trois. La violence subie induit dans le cerveau un réflexe de protection qui "sort" la victime de son corps, l’immobilise, la coupe totalement de la réalité et l’empêche de réagir.
Cet aspect des violences sexuelles reste méconnu et mal compris, dans une société encore très marquée par la culture du viol, qui renvoie la responsabilité de l’agression à la victime : "elle n’avait qu’à pas boire", "avec sa minijupe, elle l’a bien cherché" ; "se promener en rue avec un tel décolleté, c’est de la provocation"...
Elle n’a pas refusé…
La notion de consentement aux relations sexuelles est alors interprétée de façon erronée par certaines personnes, y compris par les autorités judiciaires. "On constate une sorte de conservatisme de certains magistrats. On entend encore fréquemment dire aujourd’hui que la plaignante n’a pas refusé la relation sexuelle alors qu’il faudrait plutôt devoir démontrer ce qui, dans l’attitude et les paroles de la victime, a pu faire croire qu’elle était consentante."
Le législateur belge a occulté totalement cette question, insiste Vanessa Matz. "On a pris la notion par la négative : ‘il n’y a pas de consentement lorsque…’ C’est alors à la victime de prouver qu’il y a eu usage de violence, de contrainte ou de ruse par l’auteur… Il faut aborder la question de manière positive : la question n’est pas de savoir si la victime a dit ‘non’, mais plutôt de savoir si elle a dit ‘oui’. Notre définition positive englobe beaucoup plus de situations qu’actuellement."
Le consentement à un acte sexuel doit être l’expression d’un choix libre et volontaire pour toutes les personnes concernées ; ne pas s’exprimer ou ne pas dire non ne signifie pas donner son consentement.
Pas de formalisme
Dans la nouvelle mouture signée par Vanessa Matz et ses collègues CDH (Catherine Fonck, Maxime Prévot et Georges Dallemagne), il est stipulé que, "pour tout acte sexuel, le consentement suppose que celui-ci a été donné librement". Le texte précise que "l’absence de résistance de la part de la victime n’implique pas nécessairement un consentement". Celui-ci peut être retiré "à tout moment avant ou pendant l’acte sexuel".
Concrètement, comment appliquer cela ? Il n’est pas question de faire signer un document en trois exemplaires ou de cliquer sur "oui" sur une appli avant une relation sexuelle, mais de s’assurer que la personne est consentante, précise Vanessa Matz. Simplement participer physiquement est un signe de consentement, selon la juge Anna Hannell, qui a participé à l’élaboration de la loi suédoise sur le sujet. "Il faut que tout le monde comprenne que ce n’est pas parce qu’on ne dit pas non qu’on dit oui", insiste Vanessa Matz.