Ingénieure, Céline crée son job sur mesure et devient boulangère
La pandémie de coronavirus touche chacun d’entre nous d’une manière ou d’une autre. Certains métiers ont dû se réinventer, d’autres ne sont plus possibles. L’occasion peut-être de se remettre en question. "La Libre" a rencontré cinq Belges qui ont changé de vie professionnelle grâce à (ou à cause de) la pandémie. Un changement de vie professionnelle est aussi un changement de vie tout court. Faire d’une crise une opportunité, c’est ce qu’ont fait ces témoins particuliers. Rencontre avec Céline Van Enis. Après une carrière en tant qu'ingénieure, cette maman de trois enfants a décidé de créer LE job de ses rêves et de devenir boulangère.
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- Publié le 03-01-2021 à 07h57
- Mis à jour le 03-01-2021 à 12h56
Il en faut peu pour être heureux. Un peu d’eau fraîche, un four à bois datant des années 80 made in Belgium, des farines bio tout droit venues du Moulin de Ferrières situé à Héron, entre Namur et Liège… et le tour est joué. Céline est comblée. "Après plus de dix années d’expérience professionnelle, c’est la première fois que je me sens en accord avec ce que je fais. J’y adhère à 100 % puisque j’ai créé ce projet moi-même et de toutes pièces", confie-t-elle d’emblée. Il suffit de l’observer quelques instants en train de s’affairer dans son petit atelier, aménagé à l’arrière de la maison familiale, pour s’en rendre compte. Lorsqu’elle pétrit la pâte à pain, rien ne la perturbe, pas même l’objectif de notre photographe.

"J’avais envie de créer quelque chose de mes mains. Je voulais retrouver un métier en lien avec la nature, qui me reconnecte à l’essentiel, qui me permette de prendre soin de notre Terre", raconte-t-elle.
Un retour à la proximité
Depuis la mi-octobre, Céline produit et vend environ 150 pains au levain naturel par jour, et ce deux fois par semaine. Pour honorer toutes ses commandes, elle entame ces deux journées à 3 h 30 du matin afin d’être fin prête pour l’arrivée des premiers clients à 16 heures. "Ma récompense de la journée, ce sont mes clients. Ce sont les rencontres."

Comme au bon vieux temps, la boulangère reçoit sa clientèle dans son antre et distribue ses pains encore chauds. "Les gens me demandent déjà si je vais pouvoir en produire plus à l’avenir. Ce n’est pas la philosophie de ma démarche. Au-delà de 150 à 170 pains par jour, je ne peux pas, je propose alors au client de revenir la semaine suivante. Je produis de petites quantités mais c’est de la qualité."
La grande distribution… et la désillusion
Maman de trois enfants, Céline Van Enis est de retour au pays depuis peu. Et c’est à Liège, au cœur du Sart Tilman, qu’elle et sa famille ont cette fois élu domicile. Au cours de ces dix dernières années, le métier de son époux, ingénieur civil spécialisé dans l’hydraulique, l’a amenée à parcourir le monde. D’abord en Arménie, puis en France, à Lyon et à Lille. Là-bas, elle a pratiquement toujours pu mettre en pratique ses compétences d’ingénieure de gestion, qu’elle a acquises à la désormais dénommée Louvain School of Management (LSM) de l’UCLouvain. Les chiffres, le marketing, la gestion des commandes et des stocks… elle connaît cela comme sa poche. Mais, elle le reconnaît aisément, les différents boulots qu’elle a décrochés dans son domaine n’étaient pas LE job de ses rêves. "Cela mettait du beurre dans les épinards mais cela me permettait surtout d’avoir du temps pour m’occuper de mes enfants", raconte-t-elle. Au début de sa carrière professionnelle, avant de quitter la Belgique, Céline a également expérimenté le secteur de la grande distribution. "En sortant de mes études universitaires, je rêvais de travailler dans cette filière. Je faisais des études de marché pour l’agro-industrie. Mais ce n’est pas un métier dans lequel je me suis épanouie : vendre mieux, plus que le voisin en jouant sur le grammage et les prix pour faire acheter coûte que coûte, peu importe ce que l’on met dans les produits… je ne pourrais plus."
Rentabiliser son projet
Il y a deux ans, son retour en Belgique marque un tournant dans sa vie professionnelle. "Je me suis dit : cette fois, c’est moi qui crée mon job." Avec ses compétences en gestion, l’intéressée trouve rapidement les bons réflexes et tuyaux pour monter sa petite entreprise. Plan d’affaires, crowdfunding qui lui permet de lever plus de 8 000 euros (pour un investissement total de 12 000 euros) et structure de soutien via une couveuse d’entreprises… les choses se mettent rapidement en place. "Je ne suis pas partie à l’aveugle en me disant : je vais faire du pain, les gens aiment cela, cela partira. J’ai pensé à la rentabilité du projet avant de le lancer."

"S’offrir un bon pain"
Ainsi, la jeune boulangère avait planifié d’atteindre dans un an ce qu’elle a en fait déjà vendu sur le mois de décembre. "C’est très chouette. Je ne m’attendais pas à un tel succès !", se réjouit-elle.
La crise sanitaire et l’état de confinement ont-ils joué en sa faveur ? "Oui, je le crois. Comme les gens sont en télétravail, ils cherchent un endroit convivial tout près de chez eux pour pouvoir sortir. Dans mon atelier, à l’extérieur, c’est l’occasion pour eux de se croiser, de discuter, de s’offrir un bon pain et de craquer sur des petits biscuits. Il y a des familles qui viennent à la boulangerie à vélo, c’est le moment de la journée où ils se font plaisir."