Vaccin anti-Covid: pourquoi les résidents des maisons de repos passent avant les soignants
Les personnes âgées qui résident dans les institutions n'ont pas d'autres options que le vaccin pour se protéger.
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- Publié le 08-01-2021 à 06h45
- Mis à jour le 08-01-2021 à 12h48
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Si le gouvernement avait suivi l’avis initial du Conseil supérieur de la santé, "tous les travailleurs des soins de santé", sans distinction d’exposition au risque de contracter le coronavirus, auraient été les premiers à recevoir le vaccin de Pfizer BioNtech. Ce n’est pas le cas.
Début décembre, la Task Force chargée d’établir la stratégie de vaccination, dans un contexte de disponibilité limitée (d’autres vaccins vont arriver sur le marché), désignait les résidents (et le personnel) des maisons de repos et de soins comme bénéficiaires des premières doses. Le gouvernement a suivi cette option, en s’appuyant sur les recommandations, dans le même sens, du Comité consultatif de bioéthique. Dans un avis rendu le 11 décembre, le Comité a établi une échelle de priorisation éthique des bénéficiaires du vaccin anti-Covid-19. Les personnes âgées résidant en institution y sont placées en première position.
La vaccination a donc démarré mardi, comme programmé, dans les institutions pour aînés. Ce qui a valu au ministre de la Santé, Frank Vandenbroucke (SP.A) un courrier de plusieurs dizaines de médecins, responsables d’hôpitaux, infirmiers… estimant qu’il était "indispensable de protéger également les combattants de première ligne au contact du Covid" et de "pouvoir vacciner ces soignants prioritairement".
"Une réflexion très approfondie"
Mais l’ordre de priorités ne sera pas modifié. Une décision "politique" pour se racheter une conduite après les errements de la première vague qui a provoqué une hécatombe dans les homes ? Juriste et philosophe, membre du Comité consultatif de bioéthique, Virginie Pirard s’inscrit en faux contre cette analyse. Elle était rapporteur de l’avis qui a été endossé par le gouvernement. "Je comprends l’émotion des soignants par rapport à la manière dont la crise a pu les affecter, les conséquences sur leur profession et le fait qu’ils exercent une fonction fondamentale envers laquelle nous sommes tous redevables. Mais dire que la priorité donnée par le gouvernement aux personnes âgées des maisons de repos est politique, on ne peut pas l’accepter. La réflexion éthique a été menée de façon très approfondie pour déterminer les groupes prioritaires."
Des valeurs éthiques fondamentales
L’avis du comité de bioéthique, que le gouvernement a décidé de suivre, articule des considérations médicales (le risque de mortalité, d’exposition, de transmission) et des valeurs éthiques fondamentales (la solidarité, la réciprocité, l’équité…) pour définir les priorités. Des catégorisations ont été définies sur la base de cette méthodologie, en prenant en compte les éléments circonstanciels, explique encore Virginie Pirard. "À l’heure actuelle, les médecins et les soignants disposent de matériel de protection, contrairement à la première vague. Et par rapport à la population générale, les données scientifiques démontrent qu’ils présentent aujourd’hui un surrisque limité d’être contaminés." Les effets de la vaccination sur la transmission n’étant pas encore certains, on ne peut non plus en tirer argument pour faire passer le personnel soignant avant tout le monde, poursuit-elle.
"L’argument fondateur"
De leur côté, les personnes âgées vivant en institution présentent un risque de mortalité très important et la vie en collectivité les expose fortement. "L’argument éthique qui me semble fondateur pour leur donner la priorité, c’est qu’elles n’ont pas d’autre option que le vaccin pour se protéger. Elles sont, pour la plupart, trop fragiles pour supporter des soins intensifs en raison de l’agressivité des traitements et des séquelles qu’ils entraînent." Pendant la première vague, beaucoup n’ont même pas eu accès à une prise en charge hospitalière hors soins intensifs. "En dehors de la vaccination, la seule option pour les protéger, c’est de les claustrer quasi sans contacts et de réduire leur vie à la simple vie biologique, quand seul ‘survivre’ compte. Est-ce admissible comme raisonnement ? On a vu ce que ça a donné pendant la première vague : ce n’était pas humain."
La prolongation d’une telle situation, même par gratitude envers les soignants, "ne peut être éthiquement fondée", poursuit Virginie Pirard. "Leur donner accès prioritairement à la vaccination, c’est non seulement restaurer la possibilité d’une vie qui a du goût, mais c’est aussi leur redonner la maîtrise de leur propre protection. C’est fondamental sur le plan éthique comme humain."