"Le bonheur a disparu chez beaucoup, on se bat mais on perd pied": le cri de détresse de Victoria, étudiante de 18 ans
Jeune étudiante à l'Université Libre de Bruxelles, Victoria a fait part de son état de détresse dans une lettre publiée sur Facebook. Elle y aborde la difficulté qu'ont tous les étudiants à surmonter le manque de contact social.
- Publié le 16-01-2021 à 12h48
- Mis à jour le 20-01-2021 à 09h17
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Sortie de rhéto en juin dernier, Victoria est rentrée à l'ULB en septembre dernier pour entamer des études de psychologie. Si elle se réjouissait de découvrir le milieu universitaire il y a quelques mois, aujourd'hui elle désespère. "Il faut commencer à prendre les étudiants en considération. On est laissés de côté", confie-t-elle à nos confrères de RTL Info, "On en parle beaucoup avec mes copines et je ne suis pas la seule. Il y en une qui est vraiment démotivée au niveau scolaire et toutes souffrent du manque de contact social. Bien évidemment tout le monde souffre de la situation. Je pense beaucoup aux personnes isolées, mais j'ai voulu partager ma souffrance en tant qu'étudiante et au nom de tous les étudiants".
Pour exprimer son désarroi, et celui de ses amis, elle a écrit une longue lettre sur Facebook, se positionnant en porte-voix de tous les étudiants qui ressentent le même isolement qu'elle. Après être revenue sur la fin de ses secondaires, sans bal ni voyage rhéto, Victoria y détaille sa rentrée et ses premiers mois de cours à l'ULB: "C’est stressant, une rentrée à l’unif. On vous dit que c’est pas facile, qu’il faut s’accrocher, c’est nouveau, c’est grand, ça demande de l’organisation. Je pense que je suis allée trois semaines en auditoire. Après, on me l’a interdit. Tout s’est brutalement refermé". "J’ai commencé à voir de la nouvelle matière, inédite, jamais vue, à distance. Avec des réunions Teams où le son était mauvais, où les profs n’avaient pas de bons micros, où les slides ne défilaient pas, se bloquaient, où tu devais rester devant un ordinateur pendant des heures à écouter (essayer du moins) un nouveau cours", poursuit la jeune étudiante. Elle regrette ainsi de ne pas savoir "ce qu'est l'université, le folklore, le baptême": "Tout ça ne me dit rien".
Pour elle, les mesures sanitaires imposées dans les universités, en code rouge jusqu'en février, sont un coup de grâce, surtout après s'être pliée à des règles drastiques pendant plusieurs mois lors du premier confinement. "J’ai perdu tout contact social, je suis passée de vie active à vie passive, dans mon lit, à ne rien faire. On m’a interdit de voir mes amis une seconde fois. Ça fait 3 mois que je ne peux plus les voir, alors qu’ils faisaient partie de mon quotidien. Tous les jours je les voyais, et on me les a enlevés. Et à l’heure actuelle, si j’ose en voir 3 à la maison, on risque d’être dénoncés et d’avoir des amendes", écrit la jeune fille.
"L'urgence est là"
Elle se désole également de l'image qu'ont les jeunes auprès du reste de la population en cette période de pandémie: "Je souffre du manque de contact social. Je souffre qu’on ne pense pas à moi, étudiante. Qu’on dise toujours que le problème, c’est nous les jeunes. Que nous sommes irresponsables. Stupides, bêtes, rebelles. Pourtant, la plupart essaie de se plier aux règles pour à tout prix sortir du train-train insupportable de 'LEC': lever, étudier, se coucher".
"Le moral est lourd, très lourd. Car il faut se motiver même si les conditions sont déplorables. Rien ne te motive. Rien", continue-t-elle dans sa lettre, partagée massivement sur les réseaux sociaux. "On souffre, on essaie de l’exprimer, mais rien ne change. On nous prive de nous rendre à l’université, par contre nos examens sont en présentiel, avec bien 300 personnes dans les auditoires. Pourquoi?", interroge Victoria, qui affirme que tous ses camarades d'études "se battent pour être heureux" en ce moment. "Je pense que le bonheur a disparu chez beaucoup. On se bat. Mais on perd pied. L’urgence est là. Il faut sauver les étudiants. Il faut qu’ils se sentent écoutés, compris, et surtout considérés. Sauvez-nous. Parce que pour beaucoup, on s’effondre".
La jeune Bruxelloise pourtant s'estime privilégiée. Elle vit en effet avec sa famille et pas comme d'autres étudiants "dans des kots de 10m2". Soutenue par sa maman notamment, Victoria veut pousser les autorités à réagir, car il n'est pas trop tard, selon elle, mais il est temps. "Trouvez-nous des solutions. Proposez-nous des perspectives. Arrêtez de parler de chiffres, mais parlez de personnes. Ne nous dissimulez pas parmi des numéros. Nous sommes prêts à respecter vos mesures, mais permettez nous de revivre", martèle-t-elle, avant de conclure en enfonçant le clou une dernière fois: "J’évite de parler de dépression et de suicides, mais s’il faut encore confiner, limiter encore les contacts, rajouter des mesures, vous devez vous y attendre... et vous aurez été prévenu".